Les directions financières dans la crise

Comment Bonduelle a pu anticiper la crise en France

Publié le 30 avril 2020 à 10h36    Mis à jour le 30 avril 2020 à 14h46

Alexandra Milleret

En ces temps de confinement, le géant français industriel de l’agroalimentaire Bonduelle est en première ligne pour continuer d’assurer sa mission essentielle : nourrir la population. Mais pour ce faire, comme l’ensemble du monde économique, l’entreprise a dû s’adapter, notamment pour ses fonctions supports et sa direction financière.

«En tant que groupe international, le travail à distance était déjà régulièrement pratiqué avec nos différentes filiales avant la crise du coronavirus, rappelle Gregory Sanson, directeur général adjoint finance et développement du groupe Bonduelle. Mais force est de constater que même le top management du groupe est amené aujourd’hui à fonctionner autrement. Les réunions de comité de direction, par exemple, se font désormais avec efficacité à distance.»

Le choc de l’Italie

En termes d’adaptation, le fait d’être implanté à l’international a constitué un atout pour le groupe familial. «La crise sanitaire du coronavirus s’est déclenchée par vagues géographiques, explique Grégory Sanson. Grâce à notre présence internationale, nous avons donc été très largement en mesure d’anticiper l’arrivée de cette crise en France et d’organiser nos procédures et l’ensemble de nos chaînes de valeur.» En effet, si Bonduelle ne dispose pas de filiale en Asie où est apparu le virus, le groupe a une usine de production à Bergame, épicentre de l’épidémie en Italie. Dès février dernier, l’entreprise a pu rapidement mettre en place des outils de travail à distance mais aussi tester la qualité de ses infrastructures, identifier des problèmes d’équipements et se rendre compte de la baisse d’activité de certaines équipes en Italie. Cette expérience lui a permis de généraliser les mesures de sécurité à l’ensemble de ses différentes implantations géographiques. «Bien que les réglementations locales n’aient pas prévu de confinement ou ne l’aient pas rendu obligatoire simultanément à la France, nos équipes en Amérique du Nord et en Russie (deux des plus grosses zones d’implantation du groupe) se sont aussi confinées», précise Grégory Sanson.

De plus, sur le plan opérationnel, une des priorités de la fonction finance du groupe dans le contexte actuel concerne la surveillance du poste client. «Tout cela est piloté au plus haut niveau du groupe pour nous assurer de la continuité des paiements à date dans le respect des règles établies avant la crise du Covid-19, indique le directeur général adjoint. Nous devons être à l’écoute des demandes de reports de règlements d’un certain nombre de nos clients, mais également vigilants sur les niveaux d’encours octroyés, sans s’interdire de les augmenter parfois.» De même, le groupe tient également à payer à bonne date ses fournisseurs.

Des ventes contrastées

Côté chiffre d’affaires, la situation est assez contrastée. «Nous assistons sur certains produits à des niveaux de croissance inédits, comme par exemple sur les produits de conserve, observe Grégory Sanson. Mais dans le même temps, nous constatons des baisses plus accentuées que celles connues durant la crise économique et financière de 2008 sur nos produits destinés à la restauration, sur nos activités de surgelés et de frais transformés (traiteurs, produits en sachets). Ce résultat est la conséquence de la baisse de fréquentation des points de vente et des changements de comportement du consommateur pendant le confinement.»

Par ailleurs, le groupe prévoit déjà des surcoûts importants, aujourd’hui impossibles à évaluer, notamment à cause des mesures de sécurité prises pour ses collaborateurs. «Nous avons bien sûr dû acheter des masques mais nous subissons également une baisse des rendements car il a fallu espacer les collaborateurs pour créer des barrières sanitaires dans les usines, ce qui a fait chuter la productivité, constate Grégory Sanson. Et il y a aussi la perte de matière première : la salade continue à pousser même quand le consommateur n’est pas au rendez-vous…»

Une communication aux marchés prudente

Dans ce contexte, le groupe Bonduelle a décidé de se montrer prudent dans sa communication aux marchés. «Nous avons suspendu nos “guidances” en admettant qu’il nous était très difficile aujourd’hui de déterminer où se situerait la balance entre les effets positifs et négatifs de l’impact de la crise économique et sanitaire du coronavirus, défend Grégory Sanson. Tout cela dépend étroitement de la durée de la crise, mais aussi de la sortie du confinement et de l’attitude des consommateurs : consommeront-ils autant ? différemment ? Nous allons le découvrir dans les mois à venir.» En effet, comme pour d’autres entreprises, ce qui avait été indiqué en février dernier en termes de perspectives, de chiffre d’affaires et de rentabilité pour l’année 2020 est fortement remis en cause.

Une situation pour le moins inconfortable : «C’est peut-être la première fois que nous communiquons aux marchés financiers un tel degré d’incertitude sans connaître l’évolution de notre performance financière», indique le directeur général adjoint de Bonduelle. Toutefois, le groupe reste confiant. «C’est la stratégie du groupe d’avoir, de tout temps, voulu se diversifier, tant sur le plan géographique qu’en segments de distribution et en métiers», ajoute Grégory Sanson. Pour l’heure, malgré la crise, le profil de liquidité du groupe reste solide. «Nos financements longs (8, 10, 12 ans), notamment au travers de placements privés, nous apportent de la visibilité et du confort», se félicite Grégory Sanson. Le groupe Bonduelle a d’ailleurs décidé de ne pas faire appel aux différentes mesures d’aide aux entreprises mises en place par l’Etat pour soutenir les entreprises pendant la crise du coronavirus. 

Une surveillance du bon fonctionnement de la chaîne de valeur

  • La présence internationale du groupe Bonduelle lui confère un autre atout que celui d’avoir pu anticiper la crise sanitaire du Covid-19 : l’entreprise agroalimentaire produit et vend localement. «Nous sommes présents industriellement dans 12 pays, ce qui implique quelques mouvements de produits, mais même si certains passages de frontières restent difficiles, nous arrivons encore à trouver des transporteurs qui acheminent nos produits, constate le directeur général du groupe. En effet, certains chauffeurs craignent d’aller chercher des produits dans des pays particulièrement affectés par le virus comme en Italie ou en Espagne, par exemple.»
  • Mais dans ce contexte sanitaire particulier, le groupe Bonduelle doit se montrer vigilant concernant la pérennité de sa chaîne de valeur, dont le transport n’est qu’une des composantes. Le groupe doit aussi assurer l’approvisionnement des légumes et le bon fonctionnement des usines d’emballage malgré l’arrêt de certains sites par mesure de sécurité. «Aujourd’hui, l’ensemble de la production fonctionne et c’est primordial car nous avons une responsabilité particulière en tant qu’acteur clé de la chaîne alimentaire, souligne Grégory Sanson. Il est inenvisageable que des points de vente ne soient pas approvisionnés.» Une telle situation pourrait en effet conduire à ce que des achats de précaution, parfois excessifs, se transforment en «achats paniques».

 

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