Ressources humaines

Comment réduire le stress au travail

Publié le 15 décembre 2017 à 14h56    Mis à jour le 15 décembre 2017 à 16h31

Nathalie Halpern

Les professionnels de la finance sont de plus en plus stressés par leur travail. La vigilance s’impose donc dans ce domaine et les managers ont un rôle essentiel à jouer en matière de prévention.

Le stress touche de plus en plus de salariés en France, et particulièrement les professionnels de la finance. Les chiffres d’une étude récente en témoignent : 28 % des salariés du secteur des activités financières et de l’assurance sont dans un état «d’hyperstress», c’est-à-dire à un niveau de stress trop élevé qui devient dangereux pour la santé – contre 20 % de ceux de l’industrie par exemple –, selon une étude réalisée par le cabinet de conseil en gestion du stress Stimulus auprès de 32 137 salariés de différents secteurs. «Les professionnels de la finance sont particulièrement affectés par le stress car, au-delà d’une surcharge de travail, ils sont confrontés à des changements importants, notamment au basculement vers le numérique de leur secteur d’activité, ce qui est source d’angoisse, explique le docteur Patrick Légeron, psychiatre fondateur de Stimulus. Par ailleurs, il s’agit de métiers où le management est souvent plus dur, les relations humaines plus distantes que dans l’industrie par exemple.»

Si le secteur bancaire, en pleine restructuration, est marqué de plein fouet par la mutation vers le numérique, il en va de même pour les professionnels du chiffre, tels les comptables et auditeurs. «Notre environnement de travail se modifie face aux nouvelles technologies. Par ailleurs, les nouvelles obligations légales, telle la déclaration sociale nominative, se multiplient, augmentant le stress dans notre profession», constate Celia Mero, expert-comptable, commissaire aux comptes et responsable de la commission ressources humaines et management au sein du syndicat de la profession (IFEC). Le métier de directeur financier est également jugé plus stressant.«Vous êtes soumis toujours plus à la pression du court terme. Les dirigeants et actionnaires exigent toujours plus de résultats, plus vite. La transformation numérique vient encore accroître ce phénomène, augmentant considérablement le nombre de données à vérifier», estime un directeur financier. Résultat : un directeur financier sur deux se dit très fatigué et stressé par son travail, d’après une étude du cabinet de conseil Technologia (voir encadré).

Ne pas «surinvestir» son travail

Face à un tel stress, quand faut-il s’inquiéter ? «Le stress est un phénomène normal, dont nous avons tous besoin pour fonctionner. Il faut commencer à s’inquiéter lorsqu’il devient intense et s’inscrit dans la durée, sur plusieurs mois. Il faut alors à tout prix réagir, car la santé du professionnel concerné peut être menacée. Il risque alors un syndrome d’épuisement professionnel ou "burn-out"», explique Patrick Légeron.

Quand le stress devient trop intense, les signaux d’alerte se multiplient. Ils se manifestent physiquement par des troubles du sommeil, des troubles digestifs ou des palpitations cardiaques par exemple. La personne «hyperstressée» a d’autre part du mal à gérer ses émotions qui deviennent excessives, et peut avoir des comportements agressifs ou d’abattement.

La première mesure à prendre est d’aller consulter son médecin, pour écarter le risque d’une maladie (problème cardiaque, hyperthyroïdie, etc.), conseillent les professionnels. Il faut aussi tenter de réduire son stress, en augmentant son activité physique ou en pratiquant des activités jugées relaxantes.

«Il faut aussi savoir se mettre des limites au travail, apprendre à avoir plus de recul et à être moins perfectionniste. Il ne faut pas surinvestir son travail, il faut développer d’autres centres d’intérêts à côté», souligne Murielle Barachon, directrice financière qui a monté un cabinet de conseil en santé mentale. Trouver un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée devient alors indispensable. Pour cela, il faut apprendre à déconnecter de son travail, et à se ménager des moments de détente, si possible en évitant de prendre des dossiers à lire chez soi et en éteignant son téléphone portable professionnel.

Cependant, au-delà de ces mesures individuelles, dès lors que le travail est la principale cause de stress, il faut alerter sa direction. «L’excès de stress est généralement dû à une charge de travail trop importante, à des objectifs irréalistes ou à un manager qui n’encourage pas assez ses équipes. Il faut prévenir sa direction des problèmes rencontrés afin de tenter de trouver des solutions», indique Patrick Légeron. Une meilleure organisation du travail peut, par exemple, être mise en place.

Manager avec bienveillance

Les entreprises, du moins les plus grandes, ont commencé à prendre conscience du problème. «Les entreprises françaises commencent à s’intéresser à la prévention du stress, même si elles ont encore beaucoup de retard dans ce domaine. Quand un salarié craque, cela a un coût pour elles, et la responsabilité de son manager peut être mise en cause sur un plan juridique.» Certaines grandes banques, telles que BNP Paribas, tentent de mettre l’accent sur un meilleur équilibre entre vie professionnelle et privée en interdisant les réunions après 18h par exemple. Des espaces de sport sont également mis à la disposition des salariés.

Des cabinets d’audit tels que Mazars veulent aussi développer le bien-être au travail, afin d’attirer et de fidéliser ses salariés. Le télétravail y est encouragé, ainsi que toute une série d’activités sportives ou culturelles. Il faut dire que certaines professions, telles que celles des auditeurs et experts-comptables, sont jugées tellement stressantes et fatigantes, qu’elles ont désormais du mal à recruter, étant jugées peu attrayantes. Le syndicat des experts-comptables (IFEC) a décidé de s’attaquer au problème, en mettant le cap sur la prévention, y compris dans les petites structures. «Nous allons envoyer prochainement un questionnaire à tous nos adhérents portant sur les mesures qu’il faudrait prendre pour améliorer le bien-être au travail, tant en matière d’organisation du travail que de management. Notre objectif est ensuite de rédiger un Livre blanc sur les moyens d’améliorer l’environnement du travail des experts-comptables», explique Celia Mero, responsable de la commission RH et management au sein de l’IFEC. Au-delà des mesures visant à mieux répartir et planifier le travail, la réduction du stress passe aussi par un «management plus bienveillant» selon elle. Un avis partagé par Patrick Légeron. «Le management a un rôle essentiel à jouer en matière de prévention du stress. Les managers devraient être mieux formés à savoir encourager et gérer avec bienveillance leurs équipes, et pas seulement à faire des tableaux Excel. Une telle politique doit souvent être lancée par la direction même de l’entreprise pour être effective.» L’entreprise a tout à y gagner, car les gens heureux au travail ont de meilleures performances.

Un directeur financier sur deux stressé par son travail

Un directeur financier sur deux se dit très fatigué et stressé par son travail, d’après une étude que vient de réaliser, à la demande de la DFCG Côte d’Azur, et auprès de ses membres, le cabinet Technologia, spécialisé dans la prévention des risques professionnels, «les professionnels que nous avons interrogés sont stressés parce qu’ils manquent de temps et de visibilité pour réaliser leur travail, et disposent d’informations insuffisantes», explique Jean-Claude Delgenes, fondateur de Technologia. Face à cette situation, l’entreprise devrait, d’après lui, mieux planifier et organiser l’activité des directeurs financiers. Il faudrait aussi selon lui valoriser l’image du directeur financier, alors que cette profession est parfois décriée par les salariés, en cas de refus d’augmentation de salaires par exemple.

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