Mobilité

Directeurs financiers, expatriez-vous !

Publié le 28 septembre 2018 à 16h13

Alexandra Milleret

Face à des débouchés limités sur le marché hexagonal, certains directeurs financiers français choisissent de poursuivre leur parcours professionnel à l’étranger afin d’endosser de nouvelles responsabilités et d’acquérir une expertise internationale. Une expatriation qui leur sert souvent de tremplin au moment de rentrer en France.

S’expatrier pour réussir. Voilà le pari que prennent de plus en plus de directeurs financiers (DAF) pour booster leur carrière. Selon une étude réalisée par le cabinet Michael Page en 2017, 49 % des directeurs financiers seraient en effet prêts à déménager pour saisir une belle opportunité à l’international. Parmi eux, 33 % viennent de petites et moyennes entreprises. Cette tendance s’explique notamment par le nombre limité de postes ouverts aux responsables seniors dans les grands groupes français. «Un départ à l’étranger n’est pas un plus, c’est parfois une nécessité pour évoluer, confirme Geoffroy de Fontenay, directeur administratif et financier d’Arkadin, entreprise spécialisée dans les communications unifiées et la collaboration. Rester en France deviendrait presque un frein à la carrière.»

Une ouverture à une autre culture d’entreprise

Dans ce contexte, l’expatriation est souvent considérée comme une expérience très complémentaire à un parcours professionnel domestique car elle offre à un directeur financier la possibilité d’appréhender notamment une nouvelle culture. «L’Asie, par exemple, est un continent où certains codes dans la gestion des relations interpersonnelles doivent être respectés, explique Geoffroy de Fontenay, qui avait décidé de rejoindre en 2011 le groupe LVMH en Asie comme directeur finance et opérations divisions Montres et Joaillerie Hong Kong et Macao, où il animait la fonction middle et back-office. Dans la conduite des réunions, il serait désastreux de faire perdre la face à un collaborateur, et surtout en public, devant ses pairs. Autre exemple, le côté très “vertical” et “descendant” du mode de management asiatique qui veut que ce soit le manager qui ait la connaissance et non son collaborateur. C’est pourtant bien souvent faux car par définition, le manager pilote des équipes d’experts. Ainsi, conduire des réunions de brainstorming où vous demandez à vos collaborateurs de venir avec des idées innovantes peut s’avérer très improductif et frustrant car les notions d’émancipation et de responsabilisation des collaborateurs peuvent être mal comprises ou mal perçues.»Un changement radical de façon de manager vécu également par Florence Le Got qui, après une expatriation de deux ans pour gérer la finance de la filiale chilienne de BNP Paribas Cardif, occupe désormais la fonction de directrice financière de la branche de financement aux particuliers de BNP Paribas Personal Finance à Paris. «Le secteur financier, et en particulier celui de l’assurance, était moins mature en Amérique du Sud qu’il ne l’était en Europe à l’époque, mais il connaissait de fortes évolutions et une belle dynamique. Beaucoup d’idées étaient testées et la culture était très collégiale. Cela m’a permis de développer mes aptitudes à travailler en transversal, ma capacité d’écoute, ma faculté de remettre en question des fonctionnements connus et de tester de nouvelles façons de travailler ou de nouveaux outils.»

Un tremplin professionnel

Par ailleurs, l’expatriation offre parfois la possibilité de se familiariser avec le fonctionnement d’une filiale de grand groupe, qui implique une gestion au quotidien différente de ce qui se passe au siège. «La vie dans une filiale, et surtout quand elle est éloignée, demande plus de pragmatisme alors que le siège parisien est parfois éloigné des préoccupations locales, observe Florence Le Got. Au Chili, j’étais adjointe du patron de la filiale, ce fut donc pour moi l’occasion d’avoir plus de visibilité sur l’ensemble des projets, de collaborer avec différentes équipes.»Ainsi, l’expatriation permet aux directeurs financiers de se retrouver en première ligne sur les décisions financières stratégiques. De quoi leur permettre de capitaliser sur de telles expériences transfrontalières. «Arkadin, c’est 33 pays dans le monde, 19 nationalités, 19 langues parlées, 80 % de mon travail est d’échanger avec les DAF à l’étranger, explique Geoffroy de Fontenay. Compte tenu de sa présence globale, Arkadin cherchait un profil ayant un parcours pluri-géographique et pluriculturel, plus à même d’être confronté à la grande diversité des cultures et des langues du groupe, et cela avant même de parler du fait que depuis 2014, l’actionnaire d’Arkadin est le groupe japonais NTT. Aussi, sans mon expérience en Asie, j’aurais probablement loupé ce poste.»

En outre, l’expatriation est souvent perçue au sein la maison mère d’une entreprise comme une prise d’initiative vertueuse. Un DAF expatrié sera à ce titre considéré comme plus autonome, volontaire et proactif, et donc jugé davantage apte à exercer de nouvelles responsabilités. «Au Chili, j’étais au Comex d’une structure de 500 personnes, indique Florence Le Got. A mon retour au siège, la direction m’a proposé de prendre la direction de la planification et des contrôles de BNP Paribas Cardif.»

Un exemple dont pourraient s’inspirer de nombreuses directrices financières. «Peu de femmes ont eu des parcours à l’international», constate Geoffroy de Fontenay. Celles qui oseront le faire auraient une carte à jouer si elles ambitionnent d’occuper une place importante dans un grand groupe français.

Au bon endroit, au bon moment

S’expatrier n’est pas une décision qu’un directeur financier doit prendre à la légère. «Avant de partir, un DAF, confirmé ou non, doit mesurer la pertinence d’une expatriation à la fois dans son projet professionnel mais aussi de vie, explique Mikael Deiller, director finance and accounting au cabinet Michael Page. Il doit être capable de se projeter pour que cette expérience serve au mieux sa carrière et doit effectuer une petite étude de marché sur le pays de destination dans lequel sa famille évoluera : le système éducatif, le système de santé, etc.»

Par ailleurs, plus un directeur financier s’expatrie longtemps ou enchaîne les missions d’expatriation, plus il aura des difficultés à percer par la suite en central. «Il existe une culture de l’expatriation. Certaines entreprises aiment bien envoyer l’un des leurs, dans une filiale étrangère, sur une “mission pompier” ou encore dans une optique de mise en place et d’harmonisation de la culture groupe, des outils et des processus. Les directeurs financiers sont alors souvent identifiés comme prédisposés à effectuer des missions plus ou moins longues dans différentes filiales à l’international», constate Mikael Deiller. En effet, une trop longue période d’expatriation peut couper un directeur financier de son réseau professionnel et des informations disponibles au siège. «Un DAF parti trop longtemps sort un peu des radars RH et n’est pas une cible pour des opportunités de poste en central», confie Florence Le Got, directrice financière de BNP Paribas Personal Finance.

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