Emploi

Les directions financières en manque de profils adaptés

Publié le 6 décembre 2019 à 12h01    Mis à jour le 6 décembre 2019 à 15h40

Anaïs Trebaul

Alors que les recrutements au sein des directions financières restent soutenus, ces dernières peinent de plus en plus à trouver les candidats idoines. Les entreprises ne se contentent plus de recruter des financiers sur leurs simples compétences techniques, mais recherchent désormais de nouveaux profils.

Le recrutement serait-il devenu un casse-tête pour les directeurs financiers ? Selon une enquête menée par PwC sur les priorités des directeurs financiers pour 2020, dont l’intégralité des résultats sera révélée cette semaine, le recrutement est leur deuxième enjeu, derrière la nécessité d’innover, et devant la digitalisation. «Le recrutement a toujours fait partie des problématiques de croissance des directions financières, sans pour autant figurer parmi leurs priorités, rappelle Maryse Lecutier, partner chez Pwc. Désormais, c’est devenu une nécessité de recruter pour faire face aux évolutions technologiques en finance !» Un constat confirmé par plusieurs cabinets de recrutement, qui remarquent que le marché est particulièrement tendu, et ce globalement sur l’ensemble des métiers : trésoriers, contrôleurs de gestion, consolideurs, comptables…

Un manque de juniors

Déjà à des niveaux élevés depuis deux ans, les recrutements continuent de progresser. «De janvier à septembre, nous avons relevé une hausse des demandes de 25 % sur les métiers cadres au sein des directions financières», confirme Aude Boudaud, associate director en charge des divisions Finance et IT chez Robert Walters.

Mais pour les spécialistes de ces sujets, les tensions sur le marché proviennent avant tout d’un manque de candidats sur les offres d’emploi en finance d’entreprise. «Il y a une forte demande de la part des sociétés, mais le vivier de candidats est de plus en plus restreint», souligne Mikaël Deiller, directeur de la division Finance & Comptabilité chez Michael Page. Certains candidats privilégieraient seulement quelques secteurs fétiches. En effet, selon l’étude de PwC, entre 60 et 70 % des directeurs financiers interrogés estiment que les causes de pénuries de compétences sont liées au manque d'attractivité de leur secteur d’activité. Plus largement, il y aurait un moindre intérêt de la part des juniors pour certains métiers financiers. «Sur les offres d’emploi seniors, les financiers qui libèrent leur poste sont facilement remplacés par d’autres financiers, relève Aude Boudaud. En revanche, le vivier de candidats est très restreint sur les postes juniors, surtout pour les postes d’expertise technique en finance (consolidation, comptabilité).» Un moindre intérêt de la part des jeunes recrues constaté également par d’autres recruteurs. «La finance d’entreprise attire moins les jeunes diplômés que les métiers bancaires et la gestion d’actifs», confirme Cyril Eaton, associé chez Lobster.

Des compétences en informatique

En outre, si les directions financières rencontrent des difficultés à recruter, c’est aussi parce qu’elles ont du mal à trouver le candidat idoine. Les financiers sur le marché sont rarement dotés des compétences requises par les entreprises. Environ 75 % des directeurs financiers interrogés par PwC indiquent que, même en interne, ils peinent à développer et à reconvertir des candidats qui conviennent au poste proposé.

Deux types de profils sont en effet particulièrement recherchés. D’une part, les entreprises veulent des financiers avec des compétences solides en informatique. «La demande est de plus en plus importante pour les profils hybrides en finance et en gestion de projets de système d’information, observe Aude Boudaud. Les entreprises cherchent en effet des financiers capables de déployer un ERP. Ne pas maîtriser ces sujets est même souvent rédhibitoire.» Mais si, pour ce type de demande, les cabinets finissent généralement par trouver le candidat idoine, certaines entreprises commencent à rechercher des profils beaucoup plus complexes à trouver. «Tous les deux ou trois ans, les technologies évoluent, commente Maryse Lecutier. Les directions financières recherchent maintenant des professionnels capables de se réinventer, de rééquilibrer leur temps entre la saisie et l’élaboration de synthèses, de développer des modèles prédictifs ou de programmer des robots.»

D’autre part, les directions financières exigent de plus en plus que leurs recrues soient dotées de «soft skills». «Les entreprises sont plus vigilantes quant à la personnalité des candidats, remarque Cyril Eaton. Elles sont plus exigeantes en ce qui concerne leurs capacités à communiquer et leurs aptitudes relationnelles.» Un type de profil qui se révèle particulièrement rare. «Il est parfois compliqué de trouver des financiers qui allient à la fois les compétences techniques requises et qui montrent également une adaptabilité, une capacité à gérer la complexité et une aptitude à évoluer en mode projet, indispensables au contexte actuel de nombreux groupes», ajoute Mikaël Deiller. Des qualités intrinsèques d’autant plus sollicitées par les directions financières que, si des formations peuvent être mises en place afin d’améliorer rapidement les connaissances informatiques de leurs collaborateurs, les «soft skills» demeurent plus difficilement modifiables.

Une volonté de fidéliser les financiers

Les candidats répondant aux critères recherchés par les directions financières étant particulièrement rares, ces dernières cherchent des moyens de les attirer et de les fidéliser. Pour cela, elles peuvent offrir des rémunérations supérieures. «Dans ce contexte de marché tendu, les responsables et directeurs en finance et en comptabilité ayant une forte sensibilité à la culture projet et aux systèmes d’information peuvent espérer une hausse de leur rémunération de 10 % en moyenne, estime Mikaël Deiller, directeur de la division Finance & Comptabilité chez Michael Page. Pour les profils moins expérimentés, l’augmentation sera plus de l’ordre de 5 %.»

Mais les entreprises tentent également de proposer des avantages non financiers. «Elles essaient de respecter davantage l’équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée, de favoriser le télétravail, de créer des espaces de travail collaboratifs, de développer une dynamique d'apprentissage en continu, etc.», détaille Maryse Lecutier, partner chez Pwc.

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