Rémunération des salariés

Les dirigeants de Julhiet Sterwen innovent avec des actions gratuites

Publié le 29 mars 2019 à 17h20

Anaïs Trebaul

Pour impliquer une partie de ses salariés au développement de l’entreprise, le cabinet de conseil Julhiet Sterwen a prévu d’émettre gratuitement l’équivalent de 8 millions d’euros d’actions. Grâce à un montage innovant, la plupart des actionnaires existants ne verront pas leur part diluée. Un dispositif qui pourrait faire des émules.

C’est une opération pour le moins originale que viennent de mettre en place les dirigeants du cabinet de conseil Julhiet Sterwen (60 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2018 et 400 salariés). Soucieux d’élargir l’accès à leur capital à un nombre important de salariés, sans pour autant diluer les managers déjà actionnaires, ils ont décidé de… donner une partie de leurs actions !

Cette volonté d’intégrer les salariés au capital prend naissance il y a quatre ans, lorsque les cabinets Bernard Julhiet et Sterwen consulting fusionnent. Ces deux entités, détenues intégralement par leurs fondateurs Marc Sabatier (désormais président de Julhiet Sterwen) et Thierry Auzias (directeur général), font alors appel à deux fonds de capital-investissement, BNP Paribas Développement et CM-CIC Investissement, qui acquièrent 40 % des parts. En parallèle, les deux dirigeants proposent aussi à une partie des collaborateurs des deux cabinets d’entrer au capital.

«Nous avons proposé à une vingtaine de managers d’investir dans la société à nos côtés, qui ont accepté notre proposition», rappelle Marc Sabatier, président de Julhiet Sterwen. Une initiative qui a été reconduite depuis. «Cela fait quatre ans que, chaque année, nous offrons la possibilité à certains collaborateurs d’investir au capital de Julhiet Sterwen, souligne Marc Sabatier. Nous avons actuellement 35 salariés au capital.» Une méthode qui repose, selon ses cofondateurs, sur une démarche entrepreneuriale. «Nous avons une approche différente des cabinets de conseil classiques, où seuls les associés disposent des actions du groupe, analyse Marc Sabatier. Nous voulons qu’une plus large partie des collaborateurs puisse s’engager au capital et matérialiser concrètement les valeurs entrepreneuriales au sein de Julhiet Sterwen.»

De 5 000 à 100 000 euros par collaborateur

L’an dernier, les fonds qui étaient au capital décident de se retirer. Il faut donc racheter leurs actions. La part détenue par les deux dirigeants est alors portée à 75 % du capital, et à 25 % pour les salariés managers. «Nous avons considéré avec Thierry Auzias, que nous détenions une part trop importante du capital, comparée à celle détenue par nos salariés», indique Marc Sabatier. Ils décident donc de mettre en place un programme d’actions gratuites original, nommé Share Shares. «Nous souhaitions ouvrir notre capital à davantage de salariés, mais nous ne voulions pas que les actionnaires soient dilués pour autant, prévient Marc Sabatier. Thierry Auzias et moi avons donc décidé de céder nos actions gratuitement à nos collaborateurs.»

Une telle opération est pourtant normalement peu intéressante à mener. En effet, dans le cas du don d’actions, le transfert de propriété et l’imposition sur les plus-values sont particulièrement taxés, ce qui rend ce type d’opérations quasiment inexistant. Pour rendre ce don possible, une holding est d’abord créée. «Accompagnés par le cabinet d’avocats Volt, nous avons eu l’idée de loger nos actions dans une société à part, raconte Marc Sabatier. Nous émettrons ensuite nos actions gratuites à partir de cette structure.» Une façon ainsi de diluer uniquement les deux dirigeants, ce que le duo assimile à un don d’actions.

Ensuite, ils décident d’attribuer des actions aux montants importants. «Nous voulions que ces actions aient un impact sur le cours de la vie de nos collaborateurs, souligne Marc Sabatier. De plus, nos valeurs entrepreneuriales n’ont de sens que si un nombre important de salariés perçoit une part significative de la valeur créée. Ainsi, nous allons offrir un nombre conséquent d’actions, pour une valeur totale qui pourra aller de 15 000 euros à environ 100 000 euros par an et par collaborateur. Au total, nous comptons verser l’équivalent de 8 millions d’euros en actions.»Des montants d‘autant plus conséquents que la valeur des actions de ce cabinet de conseil en forte croissance pourrait être amenée à progresser. «Il pourrait tout à fait être envisagé que la valeur de ces actions double en trois ou quatre ans, comme sur la période précédente», ajoute Marc Sabatier. De quoi réjouir les collaborateurs éligibles. «La réglementation nous impose de définir une catégorie de bénéficiaires de ce programme d’actions gratuites, relève Marc Sabatier. Nous avons donc choisi de pouvoir en verser à tous ceux “en situation de management” qui seront éligibles à ce programme, ce qui concerne un large champ de nos collaborateurs. Nous nous sommes fixé comme objectif que 25 à 50 % de nos salariés soient actionnaires à terme. Même les managers devenus associés au capital ces dernières années pourront en bénéficier.» Après cela, les salariés devront au minimum conserver ces actions pendant deux ans pour en devenir propriétaires. «S’agissant d’actions gratuites, la réglementation impose une période d’acquisition des droits (période de vesting) de deux ans, pendant laquelle le bénéficiaire n’est pas encore pleinement propriétaire du capital, précise Marc Sabatier. A compter des deux ans, et dans la mesure où le salarié est toujours présent au sein de l’entreprise, il devient donc détenteur des actions.»

Annoncé lors d’un événement de fin d’année 2018 aux salariés, le cabinet prévoit de proposer ce dispositif pendant trois ans, mais n’exclut pas de le reconduire ensuite. Les premières actions seront distribuées avant l’été.

La diffusion d’une bonne pratique

En mettant en place un outil de fidélisation des salariés novateur, le cabinet ne compte pas garder cette bonne pratique seulement pour lui. «Certes, nous espérons par ce biais attirer des consultants, mais nous comptons également montrer l’exemple et contribuer à faire évoluer les pratiques au sein des autres entreprises», assure Marc Sabatier, président de Julhiet Sterwen.

Des actions gratuites pourtant de moins en moins plébiscitées par les entreprises

L’alourdissement et l’instabilité de la fiscalité sur les plus-values sur les actions gratuites depuis 2012 n’ont pas empêché Julhiet Sterwen de recourir à ce dispositif. En effet, celui-ci s’est malgré tout avéré être plus intéressant que d’autres outils semblables, tels que les stock-options.

Les plus-values sur les actions gratuites acquises depuis le 1er janvier 2018 peuvent être imposées au taux forfaitaire unique (flat tax) de 30 % ou bien au barème de l’impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux (17,2 %). La partie des gains d’acquisition inférieure à 300 000 euros est soumise aux prélèvements sociaux (17,2 %) et à l’impôt sur le revenu après un abattement de 50 %. La fraction supérieure à 300 000 euros est taxée à l’impôt sur le revenu, aux prélèvements sociaux au taux de 9,7 % et à une contribution salariale de 10%.

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