Directions financières

Les pré-entretiens d’embauche se digitalisent

Publié le 11 décembre 2020 à 16h09

Chloé Consigny

Sous l’effet des contraintes sanitaires, un nombre croissant d’entreprises à la recherche d’un responsable financier ont été amenées à réaliser les premiers rendez-vous avec les candidats en visio-conférence. Si la plupart d’entre eux apprécient le gain de temps permis par ce procédé, certains déplorent toutefois l’aspect plus formel de ces entretiens.

Pour son entretien avec la directrice financière de l’entreprise dans laquelle il postule, Arnaud Di Rocco s’est installé dans sa cuisine. Pour cette première prise de contact, le crédit manager spécialisé en risque client a choisi cet espace pour sa luminosité. « Dans mes anciennes fonctions chez Cargill, à Genève, j’étais imprégné de nouvelles technologies et je manageais à distance plusieurs équipes basées en Inde, à Singapour et aux Etats-Unis. Un appel en visio-conférence ne m’a absolument pas dérangé, bien au contraire », nous explique cet ex-directeur credit management basé en Suisse et qui a récemment élargi sa recherche d’emploi à la France. « Actuellement un voyage à Paris impliquerait un placement en quarantaine à mon retour. C’est donc un véritable gain de temps », poursuit le candidat. Cet entretien n’ayant pas abouti, il a poursuivi les rencontres par visio-conférence, toujours depuis sa cuisine, avec d’autres recruteurs.

Moins de stress pour les candidats

Alors que cette pratique s’est généralisée cette année, la plupart des candidats y voient de nombreux avantages. « D’abord, j’étais beaucoup moins stressée, explique Marie Brenier, responsable du contrôle de gestion, actuellement en process de recrutement. L’entretien se passait chez moi. Je n’avais donc absolument pas peur d’être en retard. Par ailleurs, comme mon ordinateur était sous mes yeux, j’ai pu me servir de notes que j’avais préparées en amont de l’entretien. » Pour autant, l’exercice a également ses limites. « Je constate qu’il est beaucoup plus difficile de créer des accointances avec le recruteur, estime un contrôleur financier actuellement en poste et à la recherche d’un nouvel emploi. Si les cabinets de recrutement maitrisent l’outil visio-conférence, ce n’est pas toujours le cas chez les recruteurs. Dans tous les cas, certains recruteurs sont mal à l’aise avec la visio et rendent ces rencontres très formelles. »

Largement partagée chez les candidats, cette perception ne tient pas seulement à l’aisance des recruteurs face aux outils informatiques. « L’entretien par visio-conférence dure souvent moins longtemps que l’entretien physique : en moyenne 45 minutes contre 1h30 pour un entretien de visu, constate Pierre Louis Maillard, manager executive Senior, Finance and Corporate chez Michael Page. Il n’y a que très peu de place pour le « small talk » et les échanges informels qui permettent parfois de briser plus facilement la glace. » A ce titre, le recours à la visio-conférence est susceptible de pénaliser les candidats les plus timides, ceux qui ont besoin de lien humain pour se sentir à l’aise. 

 Les cabinets de recrutement

A cela peut s’ajouter une autre difficulté lorsque plusieurs recruteurs participent à l'entretien. « C’est beaucoup plus difficile de gérer un visio-call à trois personnes qu’à deux, confirme Arnaud Di Rocco. Il faut que l’appel soit très bien organisé afin que personne ne se coupe la parole. Dans ce type d’appel à plusieurs, le non-verbal est encore moins perceptible », déplore-t-il. Les candidats affirment ainsi devoir être beaucoup plus vigilants par écran que de visu aux réactions de leurs interlocuteurs car la posture, la position des membres et les expressions du visage sont moins perceptibles. Dans ce contexte, aucun candidat ne se dit prêt à signer un contrat de travail sans, au préalable, avoir mis au moins une fois les pieds dans l’entreprise. « Certes, la visio-conférence offre une vraie réactivité. Cependant, je pense qu’il est important de sentir l’ambiance entre les collègues, de voir l’environnement de travail. Il s’agit tout de même d’un lieu où nous serons amenés à passer toutes nos journées ! », poursuit Arnaud Di Rocco.

Cela tombe bien : le recrutement 100 % digital est encore loin d’être la norme. Sauf exceptions (voir encadré) et missions à durée limitée, la signature d’un CDI reste en effet conditionnée à une rencontre physique entre le recruteur final et le candidat. Signe de l’importance du non verbal, la réunion s’est déroulée dans une salle aérée et ils se sont tous vus proposer d’ôter leurs masques.

« J’ai signé mon contrat de travail sans aller dans l’entreprise »

Valery Aubry-Dumand est manager de transition, spécialisé dans l’accompagnement des directions comptables. Cet été, le cabinet Robert Walters avec lequel il a l’habitude d’effectuer de nombreuses missions depuis quatre années, le contacte. Sur son lieu de vacances, il se rend immédiatement disponible pour un entretien par visio-conférence dès le lendemain. « La visio-conférence a ceci de formidable qu’elle abolit les distances. Ma réactivité a, je pense, été très appréciée par la direction générale du groupe », nous explique-t-il. Un premier entretien par visio-conférence avec des opérationnels est suivi deux jours plus tard par un entretien avec la direction générale, également par visio-conférence. « J’ai reçu mon contrat de travail quelques jours après ces entretiens et je l’ai signé électroniquement. Finalement, le confinement a permis en trois mois de faire avancer des sujets digitalisation qui n’avançaient pas depuis trois ans », conclut Valery Aubry-Dumand. La prise de poste a eu lieu début septembre, pour une mission à durée déterminée. En physique cette fois !

Les cabinets de recrutement basculent au tout numérique

•   Déjà habitués à l’exercice pour la plupart, les chasseurs de tête ont profité de la crise pour généraliser le recours aux entretiens par vidéo. « En 2015, moins de 10% de nos rendez-vous candidats se faisaient par visio-conférence, rappelle Pierre-Louis Maillard, chez Michael Page. Ce pourcentage a progressé au fil des ans pour arriver environ à 30 % des entretiens d’embauche par visio-conférence avant le premier confinement. Pendant cette période particulière, nous avons réalisé l’intégralité des processus de recrutement en distanciel. » En raison de l’application des gestes barrières, le cabinet ne reçoit quasiment plus de public. « De fait, près de 100% des entretiens se passent de manière dématérialisée », signale Pierre-Louis Maillard.

•   Selon le professionnel, ce modus operandi permet au cabinet de rencontrer davantage de candidats. Ces derniers peuvent également y trouver un intérêt. « Auparavant, je ne me serai jamais déplacé pour un entretien avec un cabinet de recrutement, sans poste précis à la clé, informe un financier. Désormais, il m’est facile de m’isoler durant la journée ou de profiter d’une journée de télétravail pour caler un entretien avec un cabinet de recrutement. Ce premier contact me permet de me placer auprès d’un potentiel recruteur. »

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