Les directions financières dans la crise

Mademoiselle Desserts investit pour retrouver ses commandes d’avant-crise

Publié le 4 décembre 2020 à 17h40

Propos recueillis par Anaïs Trébaul    Temps de lecture 6 minutes

Spécialisée dans la préparation de desserts pour la grande distribution et la restauration, Mademoiselle Desserts a vu son chiffre d’affaires chuter lors du premier confinement. Depuis, si les ventes sont reparties, l’exposition de la société au secteur de la restauration hors domicile la pénalise encore. Pour retrouver ses niveaux d’avant la crise, elle a choisi d’augmenter ses investissements, afin d’être plus productive, et de répondre à la demande envers certains produits plus porteurs.

Chiffre d’affaires 2019 : 330 millions d’euros

 

Effectifs : 1 900 personnes

Comment la crise sanitaire actuelle affecte-t-elle votre activité ?

Hervé Jeanpierre, secrétaire général et directeur financier de Mademoiselle Desserts :

Notre activité consiste à préparer des desserts et les éléments qui les composent. Ainsi, nous produisons aussi bien des gâteaux déjà préparés que des fonds de tarte crus ou cuits, de la crème pâtissière, etc. Ces produits sont ensuite vendus à la grande distribution (50 % de notre chiffre d’affaires) et au secteur de la restauration hors domicile (hôpitaux, école, chaînes de boulangerie, hôtels, etc.), qui représente également 50 % de notre chiffre d’affaires. La France est notre principal marché, avec 78 % de notre chiffre d’affaires, suivi par le Royaume-Uni (18 % de nos ventes), et les Pays-Bas (4 %).

L’impact de la crise sanitaire est différent selon les pays et les marchés avec lesquels nous travaillons. En France, nos ventes auprès des grandes surfaces ont été moins affectées par la crise. Après une chute de -40 % pendant le premier confinement (liée à la fabrication de gâteaux maison et à la baisse de l’achat de pâtisseries), nos ventes ont ensuite retrouvé des niveaux proches de ceux de 2019, mais qui reste néanmoins inférieurs, jusqu’à -10 % selon les enseignes. Ce deuxième confinement ne devrait pas avoir d’effet sur nos ventes en magasins : il n’y a pas le même effet de panique que lors du premier confinement. Nous anticipons donc sur l’ensemble de l’année 2020 une baisse de cette activité de -10 %. En revanche, toujours sur le marché français, notre activité «restauration» (40 % du chiffre d’affaires) a été mise quasiment à l’arrêt au mois d’avril dernier, avec une baisse de chiffre d’affaires de -90 % sur ce seul mois. A partir de cet été et jusqu’au mois d’octobre, notre activité est repartie, mais toujours en deçà des niveaux de 2019 (-15 % en moyenne). Ce deuxième confinement devrait diminuer nos ventes pour la restauration d’environ 60 % sur la période. Nous anticipons une baisse de l’activité sur ce marché de -33 % sur l’année 2020.

Au Royaume-Uni, où notre activité s’adresse uniquement au marché de la restauration, notre chiffre d’affaires a été fortement touché : nous prévoyons une baisse de -44 % sur 2020.

Aux Pays-Bas, la crise n’a en revanche eu aucun effet sur notre activité, car le gouvernement a opté pour un confinement «intelligent», avec peu de contraintes de sortie, les restaurants n’étaient pas fermés. Notre chiffre d’affaires devrait donc rester stable.

Au global, notre chiffre d’affaires 2020 devrait être inférieur de 25 % à celui de 2019.

Avez-vous eu recours à des dispositifs publics ?

Nous avons recours au chômage partiel. Pendant le premier confinement, tous nos salariés ont été mis en chômage partiel à un moment donné. Au plus fort de la crise, nous avons placé 100 % des salariés de certaines usines en chômage partiel. Ensuite, chacun a retrouvé son rythme d’avant la crise. Pour ce deuxième confinement, nous avons dû relancer le dispositif au sein de nos usines dédiées aux ventes pour le marché de la restauration. Les fonctions support comme les opérationnels sont concernés (un jour de chômage partiel par semaine en moyenne).

En revanche, nous avons choisi de ne pas solliciter d’autres dispositifs, tels que le PGE ou les reports de charges. D’une part, nous avions suffisamment de trésorerie pour subvenir à nos besoins et nous ne voulions pas subir d’un coup le remboursement de nos échéances. D’autre part, nous voulions pouvoir continuer à investir et donc à solliciter de la dette. Or cela aurait été quasiment impossible si nous avions eu recours au PGE. 

Comment votre direction financière s’est-elle organisée ces derniers mois et comment travaille-t-elle aujourd’hui ?

La direction financière est composée d’une cinquantaine de personnes, réparties entre la France, le Royaume-Uni et les Pays-Bas. Avant la crise sanitaire, le télétravail était possible mais il était utilisé de façon très marginale. Lors du premier confinement, 90 % de nos équipes ont été mises en télétravail, et nous avons commandé une vingtaine d’ordinateurs portables pour que tout le monde puisse travailler depuis chez lui. Ensuite, tout le monde est revenu en présentiel. Depuis la mise en place de ce second confinement, nos équipes sont 3 jours en télétravail et 2 jours en présentiel.

La mise en place du télétravail au sein du groupe en dehors des périodes de confinement est en cours de réflexion.

Quels sont vos principaux chantiers désormais ? Ce second confinement freine-t-il vos projets ?

Nous n’avons arrêté ni annulé aucun de nos projets d’investissement. Au contraire, nous avons même augmenté nos investissements de 15 % par rapport à ce qui était prévu à l’origine. Nous souhaitons en effet être plus productifs et répondre à la hausse de la demande pour certains produits (mini-beignets et pâtisseries sans gluten). Des projets dans ce domaine sont actuellement en cours dans le nord de la France et au Royaume-Uni. Sur les deux prochaines années, nous allons ainsi investir plus de 30 millions d’euros dans nos Capex. Depuis le mois de mars, nous avons ainsi continué à solliciter des financements auprès de nos banques habituelles pour mener à bien ces projets, et nous n’avons pas eu de difficulté particulière à les obtenir. La quasi-totalité de nos investissements sont financés par emprunt.

Par ailleurs, actuellement, notre chantier numéro un est la mise en place de notre ERP groupe. Celui-ci va nous permettre d’avoir le même outil partout en France, de faire des prévisions de ventes plus précises, et d’instaurer un planning de production plus performant. Il avait été retardé lors du premier confinement, mais nous nous sommes adaptés et ce deuxième confinement a légèrement rallongé sa mise en place.

Enfin, nous préparons notre budget 2021. Partir des chiffres 2020 n’a pas de sens dans le contexte actuel. Pour établir notre budget, nous menons donc une revue client par client afin d’anticiper au mieux notre chiffre d’affaires 2021, ce qui n’était pas le cas auparavant. Nous avons pour objectif de retrouver notre chiffre d’affaires 2019.

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