Les directions financières dans la crise

Ober s’appuie sur les dispositifs publics

Publié le 7 mai 2020 à 19h16

Propos recueillis par Thomas Feat

Alors que bon nombre de chantiers ont été suspendus avec la propagation du Covid-19 et l’instauration du confinement, le groupe Ober (37,5 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2019), concepteur et fabricant de surfaces décoratives haut de gamme, fait face à une forte baisse de son activité. Ces dernières semaines ont été consacrées par l’entreprise à la mise en œuvre d’un plan de relance opérationnel extrêmement progressif encadré par des mesures sanitaires adaptées à chacun de ses sites. Dans le même temps, afin de sauvegarder la trésorerie de la structure, la direction financière s’est engagée dans une véritable «guerre du cash» centrée sur de fortes restrictions économiques et sur le recours aux dispositifs de soutien mis en place par les pouvoirs publics. Etienne de la Thébeaudière, président-directeur général du groupe, en charge notamment de ses fonctions financières, revient en détail sur cette actualité.

Comment la crise sanitaire actuelle affecte-t-elle votre activité ?

Le groupe Ober conçoit et fabrique des revêtements et surfaces décoratives haut de gamme en bois, métal, béton et résine. Nous disposons de trois sites de production : un en Lorraine, un en Anjou et un à Tunis. Nos clients sont essentiellement des entreprises, dont beaucoup évoluent dans les secteurs de l’hôtellerie, de la restauration et du commerce de détail. Plus de 60 % de notre chiffre d’affaires est réalisé à l’international.

La plupart de nos clients, durement touchés par la crise actuelle et/ou soucieux de préserver la santé de leurs employés, ont été contraints de suspendre leurs chantiers. Un constat également valable pour les transporteurs avec lesquels nous travaillons habituellement.

Vers la mi-mars, nous avons donc été dans l’obligation de placer les trois quarts de nos ouvriers français en chômage partiel. Comme nous avions pressenti cette décélération dès les premiers jours du mois, nous avions entamé les démarches auprès de la Direccte à cette période et avions obtenu son approbation avant même le début du confinement. Les fonctions commerciales et administratives sont restées opérationnelles en télétravail, une minorité seulement à temps plein. A l’étranger, la très grande majorité de nos collaborateurs ont été invités à rester chez eux et à prendre leurs congés.

La deuxième quinzaine de mars et la première semaine d’avril, nous n’avons pu maintenir qu’une faible part de notre activité, essentiellement des livraisons de proximité grâce à nos stocks de produits finis. Mi-avril, cette activité s’est amplifiée sur notre site lorrain pour satisfaire la demande de certains de nos prescripteurs. Nous y avons fait travailler deux équipes de livreurs en horaires décalés afin de limiter les contacts.

A quel moment avez-vous pu relancer votre production ?

La production en elle-même n’a été relancée dans nos deux usines françaises qu’à la fin du mois dernier. Cette reprise, partielle et progressive, est aujourd’hui assujettie à des règles sanitaires adaptées à la configuration et à l’activité de ces deux sites. Très strictes, celles-ci ont été élaborées lors de concertations entre la direction, les représentants du personnel et la médecine du travail. Ces mesures de précaution, bien évidemment nécessaires, entraînent immanquablement des baisses de productivité très difficiles à chiffrer qui ont une incidence non négligeable sur nos opérations. Par exemple, les prises de poste durent plus longtemps car l’arrivée des salariés doit se faire au compte-gouttes, et l’utilisation de notre outil industriel se trouve diminuée par le fait que chaque outil de la chaîne de production ne peut être utilisé que par une seule personne.

Aujourd’hui, un peu plus de la moitié de nos collaborateurs évoluant à des postes de production ont retrouvé le chemin du travail. Mais la situation continue d’être incertaine pour notre activité car les deux tiers de nos clients n’ont toujours pas relancé leurs chantiers.

La direction financière a-t-elle dû prendre des mesures particulières dans ce contexte exceptionnel ?

Comme dans beaucoup d’entreprises, les fonctions finance d’Ober ont livré ces dernières semaines et continuent de livrer une véritable «guerre du cash». Leur priorité est de sauvegarder la trésorerie du groupe, de 2,1 millions d’euros à fin 2019, en limitant les décaissements et en s’assurant que les créances clients sont bien recouvrées. Heureusement, nous avons investi ces dernières années dans des outils de gestion informatiques qui nous permettent d’optimiser l’exécution de ces tâches. Nos cinq filiales disposent ainsi de leurs propres ERP grâce auxquels les directions, qu’il s’agisse des achats, des commerciaux ou de la finance, peuvent suivre et mettre à jour à tout moment l’exécution des missions relatives aux postes fournisseurs et clients.

La direction financière de l’entreprise a également pris contact avec ses partenaires bancaires pour obtenir le rééchelonnement du remboursement de sa dette de court et de moyen terme. Ce différé va permettre au groupe de dégager un supplément de trésorerie de 750 000 euros entre mars et août.

Par ailleurs, lors de la prochaine assemblée générale du groupe en juin, il sera demandé aux actionnaires d’entériner la proposition du conseil d’administration de ne pas verser de dividendes au titre de l’exercice 2019. En fonction de l’évolution de la santé financière de l’entreprise, le conseil d’administration se réserve la possibilité de convoquer une assemblée générale extraordinaire au second semestre pour décider du versement d’un acompte sur les dividendes dus au titre de 2020.

Bien sûr, dans le même temps, l’entreprise a dû alimenter sa trésorerie par d’autres moyens. A ce titre, les dispositifs de soutien à l’activité mis en place par les pouvoirs publics ont été d’une aide précieuse.

Justement, auxquels de ces dispositifs avez-vous eu recours ? Les démarches ont-elles été faciles ?

D’abord, nous avons sollicité, et obtenu, le report du versement de nos cotisations sociales dues au titre du mois de mars, puis du mois d’avril. Il se peut que nous ne reportions pas mais que nous modulions l’acquittement de cette charge en mai. Ces démarches, entièrement digitalisées via le site de l’Urssaf, sont simples et rapides.

Surtout, nous nous sommes tournés vers nos partenaires bancaires pour obtenir un prêt garanti par l’Etat (PGE). Là encore, le processus s’est déroulé sans accroc. Après envoi à notre banque d’un dossier contenant nos comptes certifiés pour l’année 2019 et un business plan pour l’exercice en cours, nous avons fait une demande de garantie sur le site de Bpifrance. Nous avons reçu une réponse positive des deux parties sous une dizaine de jours.

Le montant demandé par l’entreprise est égal approximativement, pour l’heure, au tiers du montant maximal exigible par les souscripteurs, soit 25 % de leur chiffre d’affaires 2019. Ce financement pourra être augmenté dans les prochaines semaines. Il est attribué à prix coûtant, autrement dit à un coût proche de zéro du fait de la faiblesse des taux d’intérêt, et assorti d’une prime de garantie équivalente à 0,25 % de son montant. Les modalités de son remboursement, in fine ou amortissable sur une période maximale de cinq années, ne seront fixées qu’au terme d’un différé d’un an.

Cumulées, ces ressources devraient permettre au groupe de faire face au ralentissement de son activité tout en maintenant un niveau de trésorerie au moins équivalent à ce qu’il était fin 2019.

Comment la direction financière d’Ober s’est-elle organisée ces dernières semaines et comment travaille-t-elle aujourd’hui ?

Chacune de nos cinq filiales s’appuie sur une équipe finance répartie entre comptabilité, trésorerie et contrôle de gestion. Ces collaborateurs sont pilotés depuis le siège et un directeur financier groupe et moi-même.

Ceux-ci ont été placés en télétravail dès l’instauration du confinement. Plusieurs fois par semaine depuis le déclenchement de la crise, nous organisons un point avec ces équipes pour mettre à jour la situation de trésorerie de l’entreprise et évaluer ses perspectives. Nous veillons également à ce que le lien avec les autres directions du groupe, notamment les achats, les ventes et les responsables de production, ne soit pas rompu.

Chaque membre de la direction financière dispose d’un ordinateur portable personnel fourni par l’entreprise qui lui permet justement de suivre et mettre à jour les données relatives à l’activité du groupe. Encore une fois, les outils informatiques déployés par l’entreprise ont joué un rôle déterminant dans la circulation de l’information et le maintien d’une certaine cohérence opérationnelle. 

La fiche d'identité du groupe Ober

  • Activités : conception et fabrication de revêtements et surfaces décoratives haut de gamme en bois, métal, béton et résine.
  • Résultats 2019 : Le chiffre d’affaires de l’entreprise s’est établi à 37,5 millions d’euros, en baisse de 5,8 % par rapport à 2018. L’Ebitda a progressé pour sa part de 10 %, à 3,6 millions d’euros.
  • Place de cotation : Euronext Paris depuis 2006, marché déréglementé (Euronext Growth)
  • Principaux marchés : En 2019, Ober a réalisé 38 % de son chiffre d’affaires en France, 62 % à l’international.

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