Directions financières

Passer d’une start-up… à un grand groupe

Publié le 8 février 2019 à 12h35    Mis à jour le 8 février 2019 à 17h22

Thomas Feat

Désireux de se confronter à un environnement professionnel radicalement différent, certains directeurs ou responsables financiers de start-up quittent ces jeunes pousses pour intégrer de grands groupes. Si leur polyvalence y est plébiscitée, l’adaptation n’est pas toujours facile tant les cultures de ces deux mondes divergent.

Alors que le nombre de créations de start-ups progresse en France de 15 à 20 % par an depuis trois ans, selon l’Agence du numérique, il est devenu courant de voir des directeurs ou responsables financiers de groupes désireux de se frotter à un environnement entrepreneurial renoncer à leur situation pour intégrer ces jeunes pousses. A rebours de ceux-là, certains décident d’escalader la montagne : après avoir mis une petite structure sur les rails de la croissance et de l’équilibre, ils poussent les portes d’entreprises de taille beaucoup plus importante, à la recherche de défis d’une autre échelle.

C’est par exemple le cas de Marc Rouberol, fondateur de 3eHabitat devenu directeur financier de Valorem, acteur des énergies renouvelables réalisant 600 millions d’euros de chiffre d’affaires, ou deThibaud Saint-Sauveur, responsable il y a encore peu du contrôle financier de Socotec, prestataire de services aux entreprises et collectivités implanté dans 25 pays, passé préalablement pas les petites structures Kaïman et Mediaprism. «Ces migrations sont encore marginales, car la culture des groupes fait que ces derniers recrutent souvent dans des entreprises de taille équivalente, indique Bruno Fadda, managing director executive search France chez Robert Half. Mais, à l’heure où les grandes entreprises nouent de plus en plus de partenariats stratégiques et opérationnels avec de jeunes entités dans le but d’accéder à l’innovation et à des solutions disruptives, et donc apprennent à mieux les connaître, de tels exemples se font moins rares.»

Tester son leader ship

Pour les responsables financiers ayant évolué dans une start-up, rejoindre une entreprise de taille importante peut répondre à une logique relationnelle et managériale. «Au sein d’une jeune pousse, le financier est très généralement amené à réaliser ses tâches seul, faute de ressources suffisantes permettant de structurer une direction financière, indique Bruno Fadda. Passer dans une entreprise de taille plus conséquente peut lui permettre d’évoluer au sein d’une équipe diversifiée et de tester, de surcroît, son leadership.»En outre, les enjeux et flux financiers beaucoup plus conséquents d’une grande structure peuvent être source de stimulation pour le candidat au changement d’échelle, qui va par là même renforcer ses compétences.«En travaillant dans un groupe, le financier va être confronté à des problématiques inhérentes aux grandes structures et qui sous-tendent moins les jeunes pousses : placements de trésorerie, restructurations de dette d’ampleur, recours à certains types de financements bancaires ou de marché, ou encore opérations de fusions-acquisitions», souligne Bruno Fadda.

Interagir avec les investisseurs

Bien souvent, ces profils disposent de qualités et d’atouts incontestables pour séduire les entités plus matures. «Le directeur financier d’une start-up est par définition extrêmement polyvalent, souligne Marc Rouberol. De la définition des indicateurs de performance d’une société à la supervision des levées de fonds, en passant par le pilotage du cash et le suivi des achats et des ventes, il accompagne l’entreprise dans chacun des aspects de son activité.» Une polyvalence très appréciée lorsqu’il s’agit, par exemple, d’interagir avec les autres directions de l’entreprise. Il dispose généralement, par ailleurs, d’une capacité de réaction et d’adaptation particulièrement aiguisées. «Cela tient au fait qu’il est habitué à évoluer dans une structure perméable par essence à toute variation de son marché du fait de sa taille, et donc fragile», indique  Bruno Fadda. Amené enfin à composer directement avec des investisseurs, il peut se révéler être un atout précieux dans les rapports entre directions et actionnaires. «Cette compétence prend tout son sens dans des sociétés sous LBO ou cotées, ou les exigences de croissance et de rentabilité se font souvent sentir de manière plus prégnante que dans d’autres types de structures, fait remarquer Marc Rouberol.

Avant d’entamer un tel virage, le responsable financier devra cependant «avoir bien en tête que le rôle qu’il jouera au sein du groupe a peu de chance d’être aussi transversal que celui qu’il remplissait préalablement, prévient Thibaud Saint-Sauveur. Au sein d’une grande structure, le responsable financier d’une filiale ou d’une business unit s’insère le plus souvent dans une organisation matricielle où ses tâches sont prédéfinies et très encadrées. In fine, seul le directeur administratif et financier à une vue à 360 degrés sur l’entreprise.»Confrontés à un resserrement de leur champ opérationnel, les professionnels concernés devront donc prendre garde de ne pas se laisser gagner par la frustration et s’adapter. De même, l’exhaustivité de certains process peut s’avérer compliquée à appréhender pour les nouveaux venus. «Sans même parler de la gouvernance d’un groupe coté, certaines entreprises sont régies par des procédures de décisions extrêmement hiérarchisées bien éloignées du one-to-one des start-ups, avertit encore Thibaud Saint-Sauveur.» Un paramètre à avoir bien en tête avant de faire le grand saut.

Un gain salarial pas toujours certain

Contrairement à ce que l’on pourrait croire de prime abord, passer d’une start-up à une grande entreprise n’entraîne pas forcément une revalorisation de rémunération. Un constat qui, s’il est à relativiser pour les futurs membres du comité exécutif d’un groupe, se vérifie plus particulièrement pour les directeurs financiers de jeunes pousses devenus responsables financiers de filiales, de sites ou de business unit. «Mon salaire fixe était certes plus faible d’un tiers avant mon passage chez Socotec, mais à celui-ci s’additionnait un variable plus important, et surtout des revenus annuels que je tirais de ma participation au capital des start-ups qui m’employaient», confie Thibaud Saint Sauveur. Une hypothèse qui dépendra bien entendu de la politique de rémunération de l’entreprise d’accueil, de son implantation géographique ainsi que de l’expérience et des compétences du candidat.

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