Stratégie

Une direction financière à la loupe… DBV Technologies

Publié le 6 janvier 2017 à 11h03    Mis à jour le 6 janvier 2017 à 16h49

Guillaume Clément

La direction financière de DBV Technologies s’est profondément transformée depuis que la biotech s’est introduite il y a environ deux ans sur le Nasdaq. Afin de répondre aux exigences des régulateurs boursiers français et américain, l’entreprise a multiplié par sept et demi les effectifs de la fonction finance. Elle a en outre commencé à déployer un système d’information et des processus de nature à optimiser le pilotage du cash.

La transformation est saisissante. Avant de s’introduire sur le Nasdaq en octobre 2014, la biotech DBV Technologies, déjà cotée depuis 2012 sur Euronext, comptait quatre salariés au sein de sa direction financière. Aujourd’hui, ces équipes représentent… une trentaine de collaborateurs ! «Ces recrutements s’inscrivent pleinement dans notre stratégie de développement, indique David Schilansky, directeur général délégué, notamment en charge des finances de la société, en pertes et qui ne dégage pas encore de revenus significatifs. La commercialisation de nos premiers patchs anti-allergies, prévue en 2019, devrait en effet nous faire passer en quelques années du statut de PME française à celui de groupe international générant plus de 1 milliard de dollars de chiffre d’affaires.» Pour accompagner cette croissance, il était donc nécessaire pour l’entreprise de structurer en amont une direction financière capable de gérer à la fois d’importants flux financiers et les relations avec un actionnariat diversifié (fonds américains spécialisés dans la santé, Bpifrance, particuliers, etc.), ainsi que de répondre aux exigences des régulateurs français et américains, par exemple en matière de reporting et de contrôle interne.

Douze départements

A ce titre, David Schilansky est passé de la supervision d’un directeur financier adjoint, d’un comptable et d’un contrôleur de gestion à celle de… douze départements ! Certes, certains d’entre eux (affaires juridiques, développement commercial et partenariats, ressources humaines et services généraux) ne font pas partie de la direction financière stricto sensu. Mais ils rapportent tout de même au directeur général délégué, en raison à la fois des prérogatives étendues de ce dernier et de leur lien indirect avec les problématiques financières de la société (voir encadré).

Par ailleurs, si la direction financière de DBV Technologies regroupe tout naturellement les fonctions liées à son cœur de métier, à savoir la trésorerie, le controlling, la comptabilité, la consolidation, le contrôle interne, l’information financière, le corporate finance et les relations investisseurs, elle abrite également des départements qui n’y sont pas systématiquement rattachés, en l’occurrence les achats et l’informatique. «Nous avons fait ce choix car ces deux fonctions sont appelées à travailler en étroite collaboration avec les équipes financières», précise David Schilansky.

Des équipes chargées de définir des indicateurs de gestion

Compte tenu de son périmètre de supervision, le directeur général délégué a mis en place une organisation laissant une forte part d’autonomie à ses collaborateurs. A l’exception de la stratégie, de l’information financière et du corporate finance, l’ensemble des départements financiers sont ainsi placés sous la responsabilité de Sébastien Robitaille, directeur financier adjoint, qui a été recruté il y a environ un an. «Cette structuration me permet de me concentrer davantage, aux côtés du président-directeur général Pierre-Henri Benhamou, sur la stratégie du groupe plutôt que sur les tâches courantes liées à la fonction finance», explique David Schilansky.

Ayant levé depuis fin 2014 l’équivalent de près de 415 millions de dollars à l’occasion de deux augmentations de capital réalisées sur le Nasdaq et, à la marge, sur Euronext, DBV Technologies a recruté en septembre dernier un directeur de la trésorerie. «Ses principales missions consistent à placer nos liquidités, notamment sur des supports au profil de risque extrêmement conservateur, et à suivre les décaissements liés, entre autres, à nos dépenses en recherche et développement, en frais généraux et en marketing, précise Sébastien Robitaille, directeur financier adjoint de la biotech. Au cours des trois prochaines années, il sera en outre chargé de mettre en place un système informatique de pilotage de la trésorerie (treasury management system ou TMS) devant faciliter la gestion de nos futurs cash-flows ainsi que la gestion de notre exposition aux risques de change.»

Par ailleurs, la direction financière a confié à une équipe de «controlling» la responsabilité de définir des processus de reporting et de contrôle de gestion favorisant le pilotage de l’entreprise. «Ce département est chargé à la fois de développer des indicateurs de performance, de définir et de suivre le budget, d’effectuer des reprévisions trois fois par an, mais aussi d’élaborer le plan stratégique à quatre ans, qui inclut notamment les prévisions d’investissement, de frais ou de recettes, et sur lequel s’appuie notamment la direction du développement commercial ou la direction de la stratégie pour élaborer le plan à 10 ans (voir encadré)», précise David Schilansky.

Un contrôle interne renforcé

Du fait de sa double cotation, DBV Technologies est soumis aux droits boursiers français et américain, et en particulier à la loi Sarbanes-Oxley. A ce titre, la biotech doit publier ses comptes en IFRS et en US GAAP, ainsi que remplir des critères de gouvernance stricts, par exemple en matière de séparation des compétences pour la validation des paiements. Dans ce contexte, elle s’est dotée d’un département comptabilité, consolidation et contrôle interne. «Ces équipes adoptent actuellement des processus standardisés et dématérialisés destinés à simplifier la gestion des factures et à éviter d’éventuelles erreurs, qui contribuent à garantir la production de données fiables et conformes aux exigences légales et réglementaires», souligne Sébastien Robitaille.

Certes, comme la société ne dispose pour l’instant que d’une maison-mère en France et d’une filiale aux Etats-Unis (dont la comptabilité est externalisée auprès d’un prestataire local), et que ces deux entités ne génèrent pas encore de revenus significatifs, les enjeux en matière de consolidation sont pour leur part encore limités. «Mais cette situation devrait toutefois radicalement changer au cours des prochaines années, lorsque l’essentiel de nos recettes proviendra, du moins dans un premier temps, de notre structure nord-américaine, d’où la création de cette fonction au sein de notre organisation actuelle», poursuit Sébastien Robitaille.

La communication financière au premier plan

Surtout, l’introduction de DBV Technologies sur le Nasdaq a eu pour effet de placer la communication et les relations investisseurs au premier plan des enjeux de la direction financière. «La part de flottant de notre capital est passée de 40 % à environ 80 %, dont près de 90 % correspondent à des actionnaires américains, souligne David Schilansky. Pour remplir à la fois nos obligations légales en matière d’information permanente (publication trimestrielle des résultats, etc.) et pouvoir échanger régulièrement avec les investisseurs, il était nécessaire de renforcer nos équipes dans ce domaine.» Pour gérer le premier aspect, la biotech a créé un département informations financières et corporate finance. «Il lui incombe de produire la documentation réglementaire, tant en termes d’information périodique (rapports annuels, semestriels, etc.) que de notes d’opérations, par exemple concernant les augmentations de capital, mais aussi liées à l’attribution de rémunérations comme les actions gratuites (AGA) ou les stock-options, poursuit David Schilansky. En outre, il gère les questions fiscales de la société, et notamment celles liées aux prix de transfert ou à notre utilisation du crédit d’impôt recherche (CIR).»

En ce qui concerne les relations investisseurs, DBV Technologies a choisi de les confier à la direction de la stratégie, également créée au cours des deux dernières années. «A ce titre, elle participe notamment aux conférences sectorielles se tenant plusieurs fois par an aux Etats-Unis, ainsi qu’à des rencontres entre les entreprises et les investisseurs organisées par des banques d’affaires, tout en échangeant régulièrement avec nos actionnaires et avec les analystes», précise David Schilansky. Outre ces missions, ce département est également chargé d’élaborer la stratégie de financement de DBV Technologies. «Plus précisément, cette équipe est appelée à nouer des relations avec les partenaires financiers, principalement américains, que nous pourrions à l’avenir solliciter pour accompagner nos futurs besoins de financement, par exemple dans le cadre d’une acquisition», indique Sébastien Robitaille.

Des projets informatiques structurants

Au-delà des fonctions «core finance», DBV Technologies a aussi choisi d’intégrer au périmètre de la direction financière les départements informatique et achats. «Ces deux entités déploient des projets qui auront un fort impact sur notre situation financière, d’où leur inclusion à mon champ de supervision», explique David Schilansky. En effet, la principale mission de la direction informatique consiste actuellement à déployer un système d’informations (ERP) appelé à structurer les processus de l’entreprise, en matière de reporting tant financier qu’opérationnel. «Nous devons notamment mettre en place un système de suivi détaillé pour chacun de nos produits, correspondant à des dépenses et à des revenus clairement identifiés, et ce dans le but de répondre aux exigences des régulateurs à la fois boursiers et réglementaires, poursuit David Schilansky. Notre ERP sera en outre progressivement complété par des modules permettant de couvrir d’autres processus, comme le pilotage de la trésorerie, la gestion de la paie ou encore la consolidation.»

Pour sa part, l’intégration des achats à la direction financière doit entre autres permettre à DBV Technologies d’assurer une gestion efficace des dépenses dans ce domaine. «Nous poussons actuellement les membres de cette équipe à se montrer particulièrement attentifs aux différents leviers d’économies pouvant être activés dans le cadre des relations avec les fournisseurs, précise David Schilansky. Nous leur donnons ainsi des lignes directrices pour mener à bien les négociations tarifaires et réaliser des appels d’offres, mais également pour évaluer le niveau de risque auquel pourraient nous exposer des fournisseurs de composants stratégiques (principes actifs, etc.) s’ils étaient amenés à rencontrer des difficultés.»

Alors qu’elle est déjà passée en deux ans du statut de PME valorisée à environ 700 millions d’euros à celui d’entreprise du SBF 120 dont la capitalisation atteint 1,64 milliard d’euros, DBV Technologies compte poursuivre sa croissance en France et à l’international, notamment en recrutant de nouveaux collaborateurs pour l’ensemble de ses départements, y compris ceux en charge de la fiscalité et de la comptabilité.

Trois départements fortement liés à la direction financière

S’ils ne sont pas formellement intégrés à la direction financière, trois départements de DBV Technologies sont néanmoins placés sous la supervision de David Schilansky, en raison de leur proximité avec les enjeux liés à la finance.

  • La direction du développement commercial et des partenariats (business development and alliance management) est avant tout en charge de l’élaboration du plan à 10 ans de la société, soit une durée proche du temps nécessaire au développement d’un traitement entre le début de la phase de recherche scientifique et la commercialisation. «A ce titre, elle réalise des simulations destinées à nous permettre d’anticiper précisément quelles seront nos sources de revenus et de dépenses ces prochaines années, explique David Schilansky. Nous bénéficions ainsi d’une visibilité sur le rendement attendu de chaque produit que nous lancerons, ce qui nous permet d’orienter, entre autres, notre stratégie commerciale.» En outre, ce département a pour mission de développer des partenariats industriels de nature à apporter de nouveaux cash-flows à la société. «Nous avons par exemple signé en mai dernier un accord avec Nestlé Health Science qui va nous permettre d’obtenir jusqu’à 100 millions d’euros pour financer le développement d’un outil de diagnostic concernant l’allergie aux protéines de lait de vache, indique David Schilansky. En contrepartie, nous avons accordé au groupe suisse un droit exclusif de commercialisation pour ce traitement au niveau mondial.»
  • La direction des affaires juridiques, pour sa part, gère les enjeux liés à la conformité avec les réglementations française et américaine, et assure la veille concernant les changements législatifs, comme par exemple cette année la réforme du droit des contrats en France. Elle s’occupe également des brevets de la biotech.
  • Le département des ressources humaines et des services généraux (facilities management) est, logiquement, en charge des recrutements et de la gestion des quelque 150 salariés de l’entreprise, ainsi que des relations avec la délégation unique du personnel. «Il est également appelé à rechercher régulièrement des sources d’optimisation de frais généraux, par exemple en matière d’immobilier ou d’énergie», précise David Schilansky.

Le parcours de David Schilansky

Diplômé de l’Université Paris-Dauphine et de l’Imperial College de Londres, David Schilansky débute sa carrière en 1999 comme associé au sein de l’équipe M&A de Warburg Dillon Read (devenu UBS Investment Bank). En 2003, il rejoint Thomson (devenu Technicolor) en tant que coresponsable des relations investisseurs. Entre avril 2006 et décembre 2011, il occupe plusieurs fonctions au sein du groupe Ipsen, dont celles de responsable des relations investisseurs et de directeur financier adjoint. Il est recruté début 2012 par DBV Technologies, où il occupe le poste de directeur administratif et financier durant cinq ans, avant d’être promu, en janvier 2015, directeur général délégué, en charge notamment des finances.

Les partenaires de la direction financière

Les banques

Les principaux partenaires bancaires de DBV Technologies sont BNP Paribas et CIC. Ces derniers, ainsi que très prochainement la Société Générale, gèrent notamment les dépôts et les principaux flux de paiements de l’entreprise en France. Aux Etats-Unis, les principaux comptes de la biotech sont hébergés chez Bank of America, tandis que son programme d’actions américaines (American depositary shares ou ADS) est géré par Citigroup. Pour mener à bien son introduction sur le Nasdaq en octobre 2014, DBV Technologies a sollicité Bryan Garnier en France, ainsi que Citibank et la banque d’investissement spécialisée dans la santé Leerink Partners aux Etats-Unis. Pour sa part, la levée de fonds de 281,5 millions de dollars qu’a bouclée la société en juillet 2015 sur la Bourse new-yorkaise a été organisée par Citigroup, Morgan Stanley, Leerink Partners et HC Wainright.

Les commissaires aux comptes

DBV Technologies fait certifier ses comptes par Deloitte depuis 2011 et par le cabinet Becouze depuis 2014.

Les conseils juridiques

En France, DBV Technologies est conseillée par les cabinets D’Hoir Beaufre Associés et McDermott Will & Emery, notamment en matière de droit boursier. Aux Etats-Unis, la société fait appel au spécialiste des sociétés technologiques et biotechnologiques Cooley LLP.

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