Stratégie

Une direction financière à la loupe… Showroomprivé

Publié le 8 juillet 2016 à 9h43    Mis à jour le 8 juillet 2016 à 17h29

Guillaume Clément

L’introduction en bourse de Showroomprivé fin octobre 2015 a entraîné de profonds changements pour sa direction financière. Sous l’impulsion de son directeur général finances et M&A, Nicolas Woussen, cette dernière s’est notamment dotée d’une équipe de contrôle de gestion aux prérogatives étendues, ainsi que d’un département relations investisseurs et M&A.

C’est une véritable métamorphose que connaît la direction financière de Showroomprivé depuis un peu plus d’un an. En mars 2015, la société spécialisée dans l’e-commerce (prêt-à-porter, accessoires de mode, électroménager, etc.) sur Internet, rentable depuis sa création en 2006 et qui a réalisé un chiffre d’affaires de 442,8 millions d’euros l’an dernier (dont environ 85 % en France), a recruté Nicolas Woussen au poste de directeur général finances et M&A. Dès son arrivée, celui-ci a entamé une profonde refonte de la fonction finance, avec pour objectif de préparer l’introduction en bourse de Showroomprivé, qui a permis à l’entreprise de lever 256 millions d’euros le 30 octobre dernier.«Le fait d’avoir ouvert environ 36 % de notre capital au grand public implique de nouvelles responsabilités pour la fonction finance, par exemple en matière de communication financière, explique Nicolas Woussen. Il était donc impératif d’une part de mettre en place une organisation et des processus qui permettent aux équipes d’assumer au mieux ces nouvelles prérogatives, et d’autre part de recruter de nouveaux collaborateurs.»

Des effectifs multipliés par trois

Avant que Showroomprivé ne commence à préparer sa cotation, la direction financière comptait une quinzaine de postes. Aujourd’hui, elle en comporte une quarantaine ! Cette évolution rapide résulte à la fois de créations de postes et de l’élargissement du périmètre de la fonction finance. «Auparavant, la direction financière exerçait principalement des tâches comptables, souligne Nicolas Woussen. Or compte tenu du rôle croissant que celle-ci était appelée à prendre pour gérer la croissance et la cotation de Showroomprivé, nous avons décidé d’étendre significativement son champ d’action.»Ainsi, le directeur général finances et M&A supervise désormais sept départements : le contrôle de gestion, la comptabilité et la fiscalité, les relations investisseurs et le M&A, le juridique, la qualité, les services généraux et l’informatique interne. «L’idée était de regrouper au sein d’un même pôle les principales fonctions supports afin de favoriser leurs échanges, notamment en ce qui concerne des tâches pouvant avoir un impact sur la situation financière de l’entreprise, comme par exemple la négociation de contrats avec de nouveaux fournisseurs», confie Nicolas Woussen.

A ce titre, la direction du contrôle de gestion a pris un rôle central. Inexistante il y a encore une année, elle comporte aujourd’hui une dizaine de collaborateurs. Leurs principales missions consistent avant tout à produire et à suivre des indicateurs de nature à permettre tant aux équipes opérationnelles qu’aux directions générale et financière de piloter leurs activités. «En plus d’envoyer chaque jour à ces différentes équipes des reportings automatisés concernant, par exemple, le chiffre d’affaires ou le nombre de ventes réalisées, ce département rédige des rapports mensuels à J + 15, comprenant une analyse détaillée de données telles que l’évolution du panier moyen des clients, celle de la marge ou encore celle des revenus générés par catégorie de produits et par zone géographique», poursuit Nicolas Woussen. Outre ces envois, la direction du contrôle de gestion participe une fois par mois à des réunions avec les principaux départements opérationnels (voir encadré).

Autre nouveauté, le directeur général finances et M&A a donné pour mission à deux membres du contrôle de gestion d’établir le plan financier de la société.«Ils effectuent principalement des prévisions servant à établir un budget annuel et à fixer des objectifs aux équipes, par exemple en termes de chiffre d’affaires sur une catégorie de produits, explique Nicolas Woussen. Ces éléments nous permettent à la fois d’améliorer le pilotage des finances et de publier chaque semestre des prévisions de résultats, une pratique de marché commune à la plupart des sociétés cotées.»

Des équipes comptables en charge de la trésorerie

L’introduction en bourse de Showroomprivé a également eu un impact important sur les membres de la direction de la comptabilité et de la fiscalité. Alors qu’ils disposaient jusqu’alors de six mois pour produire les comptes annuels de la société, ils sont désormais tenus de les boucler en 50 jours, et en 29 jours en ce qui concerne les résultats semestriels. «Ce n’est pas une obligation légale mais nous voulions là aussi prouver aux marchés que nous nous conformons aux meilleures pratiques de la majorité des entreprises cotées», reconnaît Nicolas Woussen. Comptant une douzaine de collaborateurs, le département réalise par ailleurs des tâches de comptabilité analytique plus poussées que par le passé. Sept d’entre eux sont par exemple chargés de contrôler les flux de paiement réalisés avec les quelque 1 500 fournisseurs de l’entreprise afin de repérer, entre autres, d’éventuels retards de paiement.

Mais ce département dispose également de prérogatives plus étendues que certaines directions comptables. D’abord, il est en charge de la gestion du cash de l’entreprise, cette dernière n’estimant pas avoir encore atteint une taille nécessitant la création d’un poste de trésorier à temps plein. «Il gère notamment à ce titre nos placements de trésorerie, qui sont quasi exclusivement orientés vers des solutions simples et peu risquées, comme les comptes à terme», détaille Nicolas Woussen. Ensuite, la direction comptabilité et fiscalité s’occupe depuis quelques mois du risk management.«Le collaborateur en charge de cette thématique évalue entre autres le profil de risque de crédit de nos fournisseurs afin d’adapter nos conditions commerciales, poursuit Nicolas Woussen. Nous pouvons ainsi par exemple nous montrer plus prompts à préfinancer une partie de nos commandes auprès de partenaires dont nous jugeons la situation financière solide.» En moyenne, le risk manager évalue entre vingt et trente nouveaux fournisseurs par semaine.

La question de la fiscalité n’est pour sa part traitée que par deux personnes.«Ces collaborateurs se concentrent sur la production des liasses fiscales, dont la composition n’a pas significativement évolué à la suite de notre introduction en bourse, ainsi que sur les déclarations mensuelles concernant les différentes taxes auxquelles nous sommes soumis, comme par exemple la TVA», explique Nicolas Woussen.

Des contacts réguliers avec les investisseurs

Pour sa part, la création de la direction relations investisseurs et M&A résulte directement de la cotation de Showroomprivé. «Non seulement nous disposons désormais de plusieurs centaines d’actionnaires, dont des fonds internationaux, mais nous sommes en outre suivis par six analystes (Goldman Sachs, UBS, Exane BNP Paribas, Société Générale, Deutsche Bank et Oddo), souligne le directeur général finances et M&A. Pour maintenir une relation de confiance avec ces différents acteurs, il était donc important de recruter un collaborateur capable d’échanger régulièrement avec eux par téléphone ou à mes côtés dans le cadre de journées investisseurs et de déjeuners.»

Fait peu courant, ce département contribue aussi à l’élaboration de la stratégie de croissance externe de la société.«Nous avons regroupé ces deux fonctions pour bénéficier de l’expertise du titulaire de ce poste dans ce domaine, celui-ci ayant exercé durant 12 ans comme banquier d’affaires», poursuit Nicolas Woussen. La direction financière fait en effet pour l’heure essentiellement de la veille sur ses concurrents, de manière à pouvoir se positionner rapidement au cas où une opportunité surviendrait.Elle a ainsi évalué depuis environ un an une trentaine de cibles potentielles, en France et à l’international, mais n’a pour l’instant procédé à aucune acquisition.

Mais la direction financière de Showroomprivé se démarque surtout de celle de la majorité des ETI par le fait que les départements dépassant le seul champ de la finance représentent… plus de la moitié de son périmètre ! D’abord, elle supervise la direction juridique. «Du fait de notre développement et de notre cotation, cette équipe est en effet également appelée à travailler sur des thématiques intrinsèquement liées à la finance, explique Nicolas Woussen. Il lui incombe par exemple de veiller au respect des procédures légales concernant la tenue de nos assemblées générales, en établissant notamment les documents nécessaires à la convocation des investisseurs ou à la publication des ordres du jour, mais aussi de s’assurer que nous respectons bien le droit boursier en matière de communication financière (envoi de communiqués en dehors des heures d’ouverture des marchés, etc.).» Conjointement avec le directeur général finances et M&A, la direction juridique a aussi récemment rédigé des modèles de contrats-types destinés à aider les responsables des achats à négocier de meilleures conditions de paiement (vente conditionnelle, vente ferme, etc.) avec leurs fournisseurs, en fonction notamment de leur profil de risque.

Des services informatiques distincts

En outre, Nicolas Woussen a dans son champ de supervision une partie des services informatiques. Cette organisation, une fois encore peu courante, se justifie avant tout par la nature des activités de Showroomprivé. «Nous avons créé une direction informatique interne séparée de la direction informatique générale et rattachée à la direction financière car toutes deux accomplissent des tâches très différentes, explique le directeur général finances et M&A. En effet, la première gère principalement nos infrastructures informatiques, ce qui la place au cœur des enjeux de protection des données (personnelles et financières) et d’optimisation des systèmes d’information, tandis que la seconde est essentiellement active sur les problématiques liées au développement opérationnel de notre activité (gestion du site Internet, des flux logistiques, optimisation du parcours client, etc.).» La création du département «informatique interne» est d’autant plus pertinente que Showroomprivé reconnaît être plus exposé à des tentatives de cyber-attaques ou de fraudes depuis son introduction en bourse, sa visibilité ayant augmenté à cette occasion. A ce titre, la direction financière a renforcé sa supervision des couvertures assurantielles, à la fois concernant le risque cyber et les autres types d’assurances, dont est en charge la direction des services généraux.«La gestion de notre politique d’assurance revêt une importance particulière, affirme Nicolas Woussen. Outre le fait d’être obligé, en vertu du droit boursier, de souscrire des produits tels que l’assurance responsabilité dirigeant, nous sommes légalement responsables de l’ensemble des produits que nous envoyons à nos 25 millions de membres, ce qui nous contraint, par exemple, à couvrir les dommages pouvant être causés par des biens dysfonctionnants, notamment lorsqu’il s’agit d’articles d’électroménager.» Parmi ses autres tâches, la direction des services généraux contribue aussi à la démarche globale d’optimisation des coûts initiée par Nicolas Woussen (voir encadré), à l’instar de la direction de la qualité. «Les principales missions de cette dernière consistent à identifier des leviers pour optimiser nos processus internes et améliorer l’expérience d’achat de nos clients, souligne Nicolas Woussen. Ses objectifs portent notamment sur la mise en valeur des meilleurs produits sur notre site Internet et sur la réduction des délais de livraison.»

Après avoir déjà fortement étendu son périmètre depuis un an, la direction financière de Showroomprivé va continuer d’accueillir de nouveaux collaborateurs au cours des prochains mois. L’entreprise compte en effet renforcer, entre autres, ses équipes en charge des relations investisseurs, du juridique et de la comptabilité, toujours dans le but d’accompagner sa croissance. A horizon 2018, Showroomprivé ambitionne en effet de porter son chiffre d’affaires à 750 millions d’euros, en s’appuyant notamment sur des marchés à l’international, comme l’Italie et l’Espagne.

Le parcours de Nicolas Woussen

Diplômé d’HEC, Nicolas Woussen débute sa carrière en 2001 comme analyste au sein de la banque d’affaires Dresdner Kleinwort Wasserstein. Quatre ans plus tard, il rejoint le groupe Casino comme directeur adjoint des fusions-acquisitions, en charge des zones Europe, Asie, Amérique latine et Etats-Unis. En 2010, il est promu directeur général délégué en charge des finances de la filiale de commerce en ligne du groupe, Cdiscount. Quatre ans plus tard, il est nommé executive officer de la nouvelle entité Cnova, qui regroupe les enseignes d’e-commerce de Casino dans le monde. Il rejoint Showroomprivé en mars 2015 en qualité de directeur général finances et M&A.

Une démarche continue d’optimisation des coûts

  • Si elle ne mène aucun programme de réduction des coûts à proprement parler, la direction financière de Showroomprivé recherche néanmoins de manière continue des pistes pour optimiser les dépenses.
  • A ce titre, elle organise une fois par mois, avec la direction du contrôle de gestion, des réunions avec les principaux départements opérationnels (achats, ventes, logistique, marketing, etc.) pour leur présenter des pistes destinées à améliorer certains indicateurs (marge par produit, panier moyen des ventes, etc.). «Nous avons par exemple constaté que les accessoires de mode (foulards, gants, etc.) se vendaient très bien mais que leur rentabilité était faible en raison de leur prix relativement bas par rapport à leur coût de livraison, confie Nicolas Woussen. Nous avons donc incité les équipes en charge des achats à promouvoir davantage les ventes groupées, qui comprennent par exemple un accessoire de mode et un produit plus onéreux comme une paire de chaussures, dans le but de mutualiser leurs frais de livraison.»
  • Les services généraux sont également fortement impliqués dans cette démarche d’optimisation. «Nous lançons régulièrement des appels d’offres en matière de téléphonie, de moyens de paiement, de logistique, de services d’entretien ou encore d’infrastructures (travaux, baux, etc.) afin de pouvoir bénéficier des offres les plus compétitives possibles, poursuit Nicolas Woussen. A ce titre, nous avons par exemple réduit de plus de 15 % nos frais financiers depuis début 2016 grâce à une renégociation générale de nos conditions bancaires.»

Les partenaires de la direction financière

Les banques

Les principaux partenaires bancaires de Showroomprivé sont la Société Générale et BNP Paribas, qui gèrent notamment les flux de paiement réalisés sur le site Internet de l’entreprise, aux côtés d’autres prestataires comme PayPal et Oney. BNP Paribas Securities Services suit en outre les programmes d’attribution d’actions gratuites de la société, conserve ses titres et assure la tenue de son registre d’actionnaires. N’étant pas endettée, la société ne dispose pas de pool bancaire fixe à l’heure actuelle. Elle a été conseillée par Rothschild & Cie dans le cadre de son introduction en bourse, pour laquelle Goldman Sachs et Deutsche Bank ont agi comme coordonnateurs globaux associés, tandis que Société Générale CIB et BNP Paribas ont également participé à l’opération en tant que teneurs de livre associés.

Les commissaires aux comptes

Showroomprivé fait certifier ses comptes depuis 2010 par KPMG et par Jérôme Benaïnous, membre de la Compagnie régionale des commissaires aux comptes de Paris.

Les conseils juridiques

La direction financière travaille principalement avec White & Case et Bredin Prat sur les sujets relatifs au droit de la concurrence et avec Cleary Gottlieb Steen & Hamilton sur ceux liés à la gouvernance d’entreprise. Lors de son introduction en bourse, la société a été principalement accompagnée par ce dernier cabinet.

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