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Une épargne retraite devenue absolument nécessaire

Publié le 19 mars 2021 à 16h44

Mireille Weinberg

Réforme des retraites ou pas, le taux de remplacement des Français va baisser. En clair, leur pension va être de plus en plus faible par rapport à leur dernier salaire. Les fonctionnaires ne sont pas épargnés, et surtout pas les cadres ou ceux qui perçoivent des salaires élevés. Pour maintenir son train de vie à la retraite, il faut donc épargner à titre individuel. Et ça tombe bien, parce que la loi Pacte vient justement de toiletter tout le paysage de l’épargne-retraite !

Les Français ne sont pas à plaindre. Avec une retraite moyenne brute de 1 840 euros par mois fin 2018, ils sont parmi les plus avantagés des pays de l’OCDE. Derrière cette moyenne, se cache cependant de fortes disparités, selon le statut professionnel des retraités, avec 2 430 euros en moyenne pour les fonctionnaires d’Etat, 1 800 euros pour un salarié du régime général, 1 460 euros pour les artisans-commerçants et… 860 euros pour un exploitant agricole, selon les derniers chiffres du Conseil d’orientation des retraites (COR). Avec un nombre de retraités de plus en plus important par rapport au nombre d’actifs qui cotise (le ratio passe de plus de 2 cotisants pour un retraité en 2000 à 1,7 actuellement et 1,3 en 2070), les retraites vont nécessairement baisser. Le taux de remplacement est une donnée intéressante, qui mesure la pension nette obtenue par rapport au dernier salaire, il permet de voir combien la personne perd quand elle passe à la retraite. Ce taux de remplacement est globalement encore assez élevé, mais il est amené à baisser inexorablement. Ceux qui sont partis à la retraite en 2020, ont bénéficié d’un taux de remplacement moyen de 75,6 % pour un non-cadre (sa pension représente donc 75,6 % de son dernier salaire net), 67,5 % pour une aide-soignante du secteur public, 65,6 % pour un fonctionnaire de catégorie B et 51 % seulement pour un salarié cadre (qui percevait un salaire brut de l’ordre de 4 500 euros par mois). Plus le salaire était élevé, plus le taux de remplacement est faible.

La pandémie va creuser sensiblement les déficits des régimes de retraite.

Un taux de remplacement en baisse

Avec notre système de retraite actuel et ses 42 régimes, ce taux de remplacement va baisser dans le futur. De combien ? En France, aucune autorité publique, ni aucun régime de retraite, n’est capable ou plutôt ne souhaite le dire ! La seule statistique existante est celle du COR, qui projette le taux de remplacement mais pour deux catégories d’actifs seulement, le salarié non cadre et le fonctionnaire de catégorie B. Les autres catégories doivent piloter leur avenir au doigt mouillé ou à peu près… Pour le salarié non cadres, selon les chiffres livrés fin 2020, le taux de remplacement passerait de 75,6 % actuellement à une fourchette (les chiffres sont variables selon les hypothèses économiques, et notamment de croissance, retenus) de 69,9 % à 70,8 % pour ceux nés en 1968, de 64,9 % à 69 % pour ceux nés en 1978 et ainsi de suite jusqu’à de 62,3 % à 67,5 % pour ceux né en 1998, soit une chute potentielle à terme de 10 % du taux de remplacement ! Idem pour le fonctionnaire de catégorie B, qui passerait d’un taux de remplacement de 65,6 % à un taux compris entre 53,3 % et 57,1 % pour celui né en 1998. On aurait pu croire les fonctionnaires protégés, mais ce n’est pas le cas, en raison essentiellement de la politique de rémunération dont ils font l’objet. L’Etat a tendance à ne pas toucher leur traitement indiciaire, mais à les augmenter via des hausses de leurs primes, qui, elles, ne donnent aucun droit futur à retraite.

En d’autres termes, personne ne sera épargné par la baisse du taux de remplacement. La grande réforme des retraites, voulue par Emmanuel Macron et qui a été enterrée avec la crise de la Covid-19, n’y aurait rien changé. Ou en tout cas pas pour les 60 % de la population qui perçoit la pension la plus élevée. Le projet de loi se voulait en effet beaucoup plus redistributif, pour mieux protéger les 40 % des personnes qui perçoivent les pensions les plus faibles. Mais comme il s’agissait une réforme à périmètre constant, c’est-à-dire, sans engager un centime de plus, il fallait bien faire payer quelqu’un pour améliorer le sort des retraités les plus modestes, et en l’occurrence ceux qui en auraient supporté le coût auraient été les 60 % des futurs retraités les plus aisés. Soit pour eux, un nouveau décrochage en termes de taux de remplacement ! S’il n’est pas question aujourd’hui de reprendre la réforme telle qu’elle a été abandonnée en mars 2020, la redistribution en faveur des plus modestes, elle, reste plus que jamais à l’ordre du jour, sans qu’on sache encore quelle forme elle prendra.

La crise sanitaire va aussi avoir un impact, non pris en compte dans les derniers chiffres du COR, qui modélise tout, avec les actuelles règles des régimes de retraite. Car la pandémie va creuser sensiblement les déficits des régimes de retraite. Les deux plus gros, le régime de base des salariés (Caisse nationale d’assurance vieillesse) ou leur régime complémentaire (Agirc-Arrco) par exemple, sont à la peine, avec un déficit de 11 milliards pour le premier en 2020 (16 milliards sans le transfert de 5 milliards du fonds de réserve des retraites) et certainement autour de 7 milliards pour le second ! Le régime de base est dans le périmètre de la Sécu et son déficit, comme tous les déficits sociaux de 2020 à 2023 sont transférés à une sorte de « Bad Banque » publique, la Cades, qui va s’en charger. Mais quid des déficits de l’Agirc-Arrco qui ne sont pas concernés par ce transfert ? Syndicats de salariés et d’employeurs, qui gèrent le régime complémentaire, n’ont pas les facilités du régime de base et doivent gérer à l’équilibre, sans pouvoir s’endetter… Devant l’ampleur du déficit à venir, de nouvelles négociations vont s’ouvrir cette année, pour trouver la manière de remettre les comptes dans le vert, avec nécessairement des conséquences sur les pensions des futurs retraités…

Des incitation fiscales inchangées

Tout porte donc les Français à épargner pour leur retraite. C’était en effet la vocation première de la loi Pacte, qui a remis de l’ordre dans l’épargne-retraite. Sa grande prouesse a été de simplifier et d’harmoniser les quatre produits d’épargne existant, le produit individuel (PERP), le contrat Madelin pour les indépendants, l’épargne-retraite (article 83) et l’épargne salariale (Perco) d’entreprise. Le contrat Madelin a été fondu dans le nouveau produit de retraite individuel et les deux produits d’entreprise subsistent, mais ces trois nouvelles formes d’épargne pour la retraite obéissent désormais quasiment aux mêmes règles, ce qui, pour l’épargnant, permet de conserver sa formule d’épargne-retraite quel que soit son parcours professionnel. Jusqu’alors, un indépendant qui devenait salarié, par exemple, ne pouvait plus alimenter son contrat Madelin. Les incitations fiscales à épargner pour sa retraite n’ont en revanche pas bougé. Certains auraient aimé des plafonds de déductibilité fiscale plus forts, notamment pour les cadres et les hauts salaires, qui vont y perdre le plus. Difficile à ce stade de dire s’ils pourraient être entendus. 

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