Dosssier spécial

Les Rencontres du financement de l'économie

Publié le 14 avril 2014 à 15h05    Mis à jour le 5 novembre 2014 à 16h55

Alors que les questions de financement sont au cœur des préoccupations des entreprises françaises, Option Finance a décidé de consacrer à ce thème, une journée de conférences et d’échanges. Dans le cadre de trois séances plénières et huit commission, plus de 80 personnalités, plusieurs medias, les grandes Associations professionnelles concernées et les meilleurs experts se sont mobilisés pour organiser ces Rencontres et ces débats.

Réglementation

Nouvelles régulations financières : des outils au service de l’économie réelle ?

Le cadre réglementaire s’est considérablement renforcé à la suite de la crise, instaurant un système financier plus sûr. Toutefois les régulateurs doivent s’efforcer de maintenir ce cadre en phase avec les besoins de financement de l’économie et les évolutions du marché.

"Le défi posé à la France, c’est la création et la croissance de nouveaux champions nationaux", déclarait le 11 mars dernier, Fleur Pellerin, ministre déléguée auprès du ministre du Redressement productif, chargée des Petites et Moyennes Entreprises, de l’Innovation et de l’Economie numérique. Les réformes récentes du gouvernement visent à relancer le financement des PME/ETI via le développement d’outils de financement innovants, comme le crowdfunding, la réforme du Code des assurances permettant l’investissement des assureurs dans la dette des entreprises ou encore la création du PEA-PME pour faciliter l’allocation de l’épargne des particuliers vers les fonds propres des PME françaises. Fleur Pellerin appelle ainsi de ses vœux l’introduction en bourse des entreprises de croissance, avec la création d’un «Nasdaq européen», pour voir émerger une «start-up republic», centrée autour des valeurs d’innovation, de confiance et d’inclusion.

Mais le cadre réglementaire actuel est-il propice au développement des entreprises ? La mise en place rapide des ratios de solvabilité à la suite de la crise a considérablement contraint l’octroi de crédit bancaire. Les banques françaises ont pourtant continué à financer l’économie, avec une croissance continue des crédits depuis 2009, tout en réorientant leurs plus gros clients vers les marchés financiers, afin de maintenir leurs ratios prudentiels. «La France a la chance d’avoir un secteur bancaire solide qui a développé des activités de marché à travers le modèle de banque universelle, ce qui lui permet d’être présent sur la désintermédiation, contrairement à d’autres banques européennes, rappelle François Pérol, président du directoire de BPCE. Mais s’il y a une reprise, je crains que les banques françaises aient des difficultés à répondre à la demande de crédit.»

Cette désintermédiation financière ne se fait pas sans risque. Le lancement de nouveaux outils tels que le crowdfunding appelle à un contrôle de l’information communiquée aux investisseurs. «C’est un sujet sérieux, on ne joue pas avec l’épargne des Français», prévient Michel Pébereau, président d’honneur de BNP Paribas, qui soutient que le vrai sujet concernant l’épargne reste la fiscalité. «Si le financement en actions est risqué, il n’est pas normal qu’il soit moins rémunéré que les livrets de caisse d’épargne.»

Pour Karine Berger, députée PS des Hautes-Alpes et membre de la Commission des finances à l’Assemblée nationale, une autre source de financement alternative, la titrisation, pose une question de régulation fondamentale dans la mesure où «elle ne doit pas servir à masquer l’évaluation correcte du risque pris». Pour Nicolas Dufourcq, directeur général de Bpifrance, «l’essentiel est de ne pas revenir à la blind clause, qui permettait à celui qui achète un panier de ne pas savoir ce qu’il y a dedans».

Paul-Henri de La Porte du Theil, président de l’Association Française de la Gestion Financière (AFG) dénonce quelques «obsessions» de la régulation qui, poussées trop loin, sont contre-productives. C’est le cas notamment pour la liquidité, qui conduit dans Solvency II à demander une liquidité ligne à ligne au lieu d’analyser celle du fonds dans son ensemble. De même, l’obsession de la diversification finit par obliger l’investisseur à aller chercher des titres de moins bonne qualité. Pour sa part, Bpifrance qui recouvre à la fois des métiers bancaires et d’investissement, ressent plutôt positivement la régulation. L’institution a du légèrement augmenter ses fonds propres dans la partie bancaire pour tenir compte du renforcement de son bilan avec la hausse des prêts de développement à sept ans. Mais pour Nicolas Dufourcq, directeur général de Bpifrance, l’investissement dans les PME présente des risques limités, puisque le coût du risque n’est que de 0,5 % actuellement. «Les PME n’ont pas été responsables de la crise bancaire. Il faut remonter à 1993 pour trouver un vrai risque PME mais le réseau bancaire français a remis en place des processus de contrôle du risque», explique-t-il.

Alors que les Etats-Unis ont mis fin à leurs efforts vers la convergence des systèmes comptables internationaux, l’Europe doit faire preuve de volonté dans la révision des normes mondiales.

Pour Michel Pébereau, c’est une question de souveraineté de l’Europe qui doit être à même de disposer de normes spécifiques pour remplacer les IFRS en cas de besoin. «Il faut en outre militer en faveur d’une remise en cause de l’idée que l’unique valeur juste est celle indiquée par le marché, estime t-il. Trois mesures pourraient par ailleurs être prises, visant d’une part à rappeller l’importance des entreprises en tant qu’utilisateurs des normes, d’autre part, à mieux prendre en compte les business models et enfin, à réintégrer les principes de prudence et de fiabilité dans la définition des normes comptables.»

Mais le financement n’est pas l’unique obstacle à la croissance des entreprises françaises. Certes, comme le souligne Jean-Pierre Letartre, président d’EY France, «la question essentielle porte sur  le financement des entreprises qui changent de taille» : la difficulté à trouver de gros tickets ralentit l’«ascenseur économique» pour les PME/ETI. Néanmoins, la complexité de la réglementation, au sens large,  constituerait plus encore le vrai frein à l’investissement étranger. S’ajoutent également des obstacles culturels, notamment à l’ouverture du capital. Fleur Pellerin souligne aussi l’importance de ce facteur culturel en mettant en avant le besoin de développer l’esprit d’initiative, la prise de risque et même la notion d’échec utile. Un écosystème présentant donc une grande complexité, que le régulateur se doit de prendre en compte pour sécuriser l’environnement économique tout en encourageant le goût du risque des différents acteurs.

 

Régulations européennes : construire des bases solides pour la croissance

Depuis la crise, l’Europe a pris des mesures sans précédent pour réguler le secteur financier. Ces réformes se veulent pragmatiques, afin d’accompagner les évolutions du marché et garantir le maintien du financement de l’économie réelle.

Les régulations financières européennes concernent tout d’abord le secteur bancaire, pour lequel la Commission européenne a défini trois axes de travail. Deux sujets ont déjà été approuvés : le renforcement des ratios prudentiels – avec Bâle 3 qui a conduit à un doublement des fonds propres des banques européennes –, et l’existence d’un fonds de résolution pour les banques en difficulté. La BCE devient, dans ce cadre, l’organisme de supervision de l’Union bancaire. Le troisième axe en est encore au stade de projet : il concerne une disposition visant à limiter l’impact des pertes de banques «too big to fail» sur les finances nationales.

«Des mesures de cette ampleur accentuent les mutations du secteur bancaire en cours», reconnaît Niall Bohan, chef de l’unité bancaire à la Commission européenne, qui cite les changements de modèle économique et la limitation du recours à l’effet de levier opérée par les banques après la crise. L’Europe a ainsi montré sa volonté d’éviter de freiner le financement de l’économie en reportant l’application des ratios de couverture de liquidité de 2015 à 2019 et en prévoyant une pondération des risques plus favorables aux prêts aux PME. Le système bancaire reprend donc son souffle dans certains Etats, en particulier en Espagne ou en Irlande où les banques recommencent à répondre aux demandes de prêts des PME locales.

La Commission souhaite également soutenir le financement de long terme, tout en réduisant la dépendance de l’économie aux fonds bancaires, qui représentent 70 % des financements en Union européenne. Avec un niveau élevé d’épargne et des besoins d’investissement considérables, en termes de financement de la recherche ou d’infrastructures, l’Europe possède des atouts pour l’investissement de long terme. Dans son «Livre vert sur le financement de long terme», la Commission préconise notamment le renforcement des institutions financières et le développement du capital-risque et du crowdfunding pour répondre aux besoins spécifiques des PME. «Maintenant que la restauration de la confiance dans la finance est sur de bons rails, nous devons travailler à construire les bases de la croissance future», affirme Niall Bohan.

Hubert de Vauplane, associé chez Kramer Levin, souligne le flou entourant la notion de shadow banking. Niall Bohan reconnaît que l’idée est encore peu opérationnelle et intuitive, mais il rappelle qu’elle vise les formes de transmission de crédit ou d’accumulation d’effet de levier dans des poches non soumises à la régulation bancaire. Elle concerne à ce titre avant tout les fonds monétaires et les investissements alternatifs, mais pas les assureurs, investisseurs à long terme que la Commission entend bien mobiliser.

Pour Hubert de Vauplane, le sujet de la titrisation a également besoin d’être clarifié. En effet, la Commission se propose de suivre les suggestions de l’Autorité pour les assurances européennes consistant à accorder un traitement prudentiel favorable aux titrisations de bonne qualité, qui participent au financement de l’économie réelle. Mais de quelles titrisations s’agit-il ? Niall Bohan reconnaît que le traitement réglementaire de ces opérations reste encore à définir et dépendra fortement du contexte dans lequel elles ont lieu. Il insiste toutefois sur l’attachement de la Commission à la réhabilitation de la titrisation fortement stigmatisée depuis la crise. Encore une fois, la régulation doit ici permettre d’éviter les excès du passé, sans entraver la croissance future.

Dette

Des outils de financement en dette adaptés aux besoins des ETI

La désintermédiation bancaire a permis l’émergence de nouveaux produits et de nouveaux acteurs, diversifiant ainsi le financement des ETI.

Avec une croissance de 6 % en 2013, le financement désintermédié s’est accéléré notamment grâce aux PME/ETI. Leurs besoins de financement, évalués à 100 milliards d’euros, ne pourront en effet pas être satisfaits uniquement par les banques.

Hervé Labbé, vice-président de l’AFTE, président de la commission AFTE Financements-Bâle III, et directeur de la salle des marchés et chef économiste chez Orange, souligne l’importance du financement à court terme. «Il faut encore assouplir les règles d’accès au marché des billets de trésorerie, actuellement ouvert uniquement aux sociétés répondant à certaines conditions, notamment de notation financière», explique-t-il.

Le financement de long terme se développe quant à lui rapidement, grâce entre autres aux placements privés. L’Euro-PP a ainsi représenté 7,5 milliards d’euros en France en 2013 et bénéficie maintenant d’un cadre de référence grâce à la charte Euro-PP. «C’est une initiative qui vient de la place et qui reste très souple», se félicite Hubert de Vauplane, associé chez Kramer Levin. Emmanuel Rapin, directeur du financement et de la trésorerie chez Lagardère, note cependant que l’accès à ces financements de long terme n’est pas sans conséquences en matière de frais financiers. «Le coût de ces alternatives au financement bancaire, d’une maturité de 7 à 10 ans, est élevé», constate-t-il.

Par ailleurs, faire appel aux investisseurs nécessite que les sociétés modifient certaines de leurs pratiques. «Historiquement, la désintermédiation ne concernait pas les ETI», note Olivier Catonnet, associé chez EY. Cette évolution exige un effort de transparence de la part d’entreprises non cotées vis-à-vis d’investisseurs qui vont obtenir des informations privilégiées sur les sociétés et se professionnaliser. «C’est une révolution qui va complètement changer les mentalités», affirme Hervé Labbé.

D’où le rôle essentiel joué par les banques, comme partenaires historiques des sociétés. «Nous nous efforçons de comprendre leurs besoins et trouver les financements adaptés à leur stratégie» témoigne Hugues Bernard, directeur grands comptes entreprises chez Arkea Banque Entreprises et Institutionnels. Les banques accompagnent aussi les investisseurs. «Ces derniers sont peu familiers de l’analyse crédit des sociétés de petite taille» souligne Guy Silvestre, co-responsable du département global capital market chez Société Générale MidCap Investment.

D’autres solutions, plus accessibles aux petites structures, existent également. C’est le cas des crédits sécurisés accessibles aux PME/ETI que propose Coverage Finance. Il s’agit d’une titrisation  reposant sur des actifs générant du cash-flow pour l’entreprise et qui offre une garantie aux investisseurs. «Un financement adossé à la qualité des actifs ne repose plus sur le risque intrinsèque de la société», soutient Thierry Lobjois, co-fondateur et président de Coverage Finance. Le fonds Micado, quant à lui, regroupe les entreprises pour protéger l’investisseur du défaut unitaire. «Le marché doit évoluer vers l’idée qu’un défaut n’est pas si grave, surtout si le risque est mutualisé», affirme Thierry Sebton, président d’Accola.

Enfin, Bpifrance intervient comme un accélérateur en offrant des prêts qui viennent compléter les sommes déjà obtenues par les entreprises auprès de banques ou d’investisseurs en fonds propres. «Ces prêts donnent ainsi un véritable coup d’accélérateur au financement des PME», affirme Dominique Caignart, directeur du réseau Ile de France de Bpifrance. Autant d’initiatives qui sont de bon augure pour relancer le financement de l’économie réelle.

 

 

Investisseurs et PME : développer une connaissance mutuelle pour mieux appréhender le risque crédit

PME et investisseurs se rencontrent de plus en plus sur les marchés de capitaux. Des efforts de pédagogie sont nécessaires pour instaurer une confiance réciproque.

L’attrait des investisseurs pour les petites entreprises est réel dans un contexte de taux bas. «Il existe un regain d’intérêt pour les PME qui présentent des profils de risque solides du point de vue des fondamentaux et des rendements intéressants», affirme Jérôme Chosson, managing partner chez IDMidcaps.

Opérant souvent sur un maillon étroit de la chaîne de valeur, avec des clients et des fournisseurs très concentrés, les PME peuvent s’avérer cependant plus sensibles aux chocs économiques. «La problématique des PME/ETI réside dans leur très forte dépendance à leur écosystème. Il faut une vision globale du risque crédit», soutient Jérôme Pezé, président de Tinubu Square.

Avec une probabilité de défaut quatre fois supérieure à celle des grandes entreprises, la priorité pour les PME est de rassurer les investisseurs. «La société doit absolument connaître ses clients et ses fournisseurs», affirme Louis-Romain Riché, avocat chez Winston & Strawn. Mais «la vraie difficulté est la transparence, soutient Guillaume Jolivet, directeur exécutif de Scope Ratings. Ce sont des acteurs qui ne sont pas habitués à se financer sur les marchés». L’agence de notation a selon lui un rôle à jouer dans l’éducation de l’émetteur. Jérôme Pezé prône la «transparence intelligente et sélective». «Il est essentiel d’avoir le niveau de transparence qui correspond à ce qu’on attend de notre interlocuteur et de ses exigences», affirme-t-il.

Le gestionnaire d’actifs Fédéris se tourne vers des tickets relativement modestes, de l’ordre de 15 ou 20 millions d’euros. «Dans un souci de diversification d’abord», selon Philippe Aurain, directeur général de Fédéris Gestion d’actifs. Toutefois, dans un contexte de saturation du marché du financement des grosses ETI, il est envisageable de s’ouvrir aux prêts d’entreprises de plus petite taille. Pour cela, il est nécessaire d’adapter l’analyse crédit. «Plus les entreprises sont petites, plus il faudra être près du current trading», soutient Jean-Yves Bajon, directeur général d’Ellisphere, qui préconise le recours au data crunching, pour lequel les agences de scoring peuvent venir en aide aux investisseurs.

Reste que les investisseurs non bancaires souffrent d’une asymétrie d’information structurelle par rapport aux banques. Moins présents sur le terrain et entretenant moins de relations avec les émetteurs, ils ont plus difficilement accès à certaines informations, notamment qualitatives. «On a organisé un suivi, nuance Philippe Aurain, mais il ne sera jamais aussi proche que celui d’une banque.»

L’internalisation de l’analyse crédit est donc essentielle. Nicolas Gaussel, chief investment officer de Lyxor AM, met en avant la nécessité de développer une expertise sur le terrain, si besoin en partenariat avec des banques locales. «Le rating externe permet de se benchmarker, mais il est secondaire. On se repose d’abord sur notre capacité d’analyse interne», soutient-il. La construction d’information en interne fait également partie de l’essentiel du métier de l’assurance-crédit, selon Pierre-Yves Blanchandin, directeur des opérations Europe de l’Ouest chez Coface. L’acquisition d’expertise est donc prioritaire pour les investisseurs qui souhaitent se positionner sur le marché du financement des PME.

 

Améliorer la visibilité sur l’accès aux financements à long terme et à l’étranger

Une large palette d’outils de financement est venue combler le vide laissé par la baisse des liquidités bancaires. Un nouvel écosystème de financement se met ainsi en place, supposant une phase d’apprentissage à la fois pour les entreprises et les investisseurs.

Les restrictions sur le bilan des banques ont pesé sur les PME et les ETI dont le besoin de financement est évalué à 100 milliards d’euros. Philippe Tibi, président d’Amafi, déplore l’absence d’incitations au risque dans la réglementation de l’épargne qui détourne celle-ci des classes d’actifs porteuses de croissance, comme le capital-risque. Des initiatives de création de classes d’actifs, comme l’Euro-PP, réunissant une base d’investisseurs compétents et encadrée par des normes juridiques, peuvent améliorer la situation de financement.

Le financement de projet attire également de nouveaux investisseurs, comme les assureurs vie qui ont vu leurs rendements baisser de 4 % à 2 %. Mais le manque de projets crée une compétition entre les acteurs. «Il y a moins de projets à financer, donc les liquidités ne sont pas toutes utilisées», selon Hervé Le Corre, responsable Paris de financement de projets infrastructures à la Société Générale.

Marie-Laure Mazaud, directrice des investissements de CDC Infrastructure, souligne les partenariats existant entre des banques ou des gestionnaires d’actifs et des assureurs ou fonds de pension pour apporter une expertise dans le financement de projet à ces derniers. Xavier Ombredanne, directeur des financements, de la trésorerie et des relations investisseurs chez Eiffage, note l’existence d’une courbe d’apprentissage pour ces nouveaux investisseurs. La relation avec les partenaires a également évolué : «Avec nos partenaires bancaires, les relations sont plus holistiques. Ici, il n’y a pas d’autre contrepartie que l’investissement. C’est un monde plus marchand, plus tranché.» Certes, la recherche de fonds demande plus de travail qu’avant la crise mais Xavier Ombredanne se veut pragmatique : «Le sujet est de s’assurer un accès continu aux ressources. Il faut aller chercher les financements quels qu’ils soient.» Par ailleurs, l’actionnariat salarié reste un outil de financement essentiel pour Eiffage. «L’épargne salariale est un vecteur très important pour les financements les plus longs possibles car ce sont des fonds propres», affirme-t-il.

Bpifrance a mis en place plusieurs outils de financement : les prêts participatifs, un financement de l’innovation risquée très en amont et Bpifrance-Export qui accompagne les entreprises exportatrices, en lien avec le réseau Ubifrance. «Il y a effectivement un grand besoin même parmi les ETI et les grosses PME qui n’ont pas de service export structuré», affirme Anne Guérin, directrice régionale IDF Ouest de Bpifrance.

Sur le plan de l’innovation, Emma Balayre, manager Grant Solutions chez Alma Consulting Group, souligne la complémentarité entre les subventions nationales et européennes. Toutefois, selon Jean-Baptiste Hueber, directeur Innovation & Taxes chez Alma Consulting Group, «il y a une compétition internationale à faire de l’innovation», ce qui explique la profusion d’initiatives des Etats pour aider les entreprises dans ce domaine. «L’enjeu principal consiste à se repérer dans un magma de différents dispositifs», analyse Jean-Baptiste Hueber. Qu’il s’agisse de produits, d’acteurs nouveaux ou d’aides publiques, la priorité réside donc dans l’amélioration de la visibilité des entreprises sur leurs possibilités de financement.

Gestion du cash

Optimisation des coûts globaux et gestion du BFR : premières sources de financement  de l’entreprise

La gestion du BFR est le fruit de décisions internes à l’entreprise, fortement liées à ses objectifs stratégiques. Elle devient particulièrement complexe pour les sociétés exportatrices qui peinent à couvrir leur risque client à l’étranger.

Dans un contexte de réduction des marges et de resserrement de la liquidité bancaire pour les entreprises, le BFR est devenu un enjeu stratégique, notamment pour les PME et les ETI. Selon une étude EY/Ellisphere, celles-ci ont vu leur BFR se dégrader entre 2007 et 2012, contrairement aux grands groupes. Or, la gestion du BFR est essentielle à la pérennité de l’entreprise. «L’optimisation des coûts est un processus continu faisant gagner de la productivité à long terme», note Dominique Namur, économiste et professeur à Supélec.

Le BFR est avant tout un enjeu interne et suppose la mise en place d’outils de pilotage transverses, permettant d’arbitrer entre la gestion de coûts pure et la logique de BFR. Selon Benjamin Madjar, directeur associé chez EY, et Laurence Valentin-Esturonne, trésorière de Sanofi et administratrice de l’AFTE, la gestion du BFR induit la convergence entre le service achat et la direction financière.

Pour Pascal Fonteneau, vice-président exécutif d’AFDCC et finance manager Europe chez Nordon SSG Finance, deux tiers des délais sont dus à l’entreprise cliente. Celle-ci doit optimiser l’entrée de commande, et intégrer les délais de paiement aux négociations commerciales. Il faut également adapter les stratégies de recouvrement au profil risque du client. Laurence Valentin-Esturonne préconise l’intégration des encaissements et des raccourcissements de délais dans l’évaluation de performance des commerciaux et des acheteurs. Tinubu Square développe ainsi des systèmes d’information pour la gestion du risque crédit, doublés d’analyses crédit. «Le client doit comprendre ses risques en matière de crédit», affirme Pierre-Emmanuel Albert, dirigeant de Tinubu Square.

Mais optimiser les coûts ne se réduit pas au seul BFR : John Coury, directeur du développement chez Alma Consulting Group, un des leaders européens sur l’optimisation des coûts, prône le recours à d’autres leviers : «Il s’agit notamment d’anticiper l’évolution des marchés, d’analyser la structure des coûts des différents écosystèmes de l’entreprise et d’assurer en continu un travail d’expertise sur le juste achat, la juste taxe ou la juste charge.»

La loi de modernisation de l’économie de 2009 a permis de bien encadrer le risque client en France. Cependant, c’est à l’étranger que ce risque client est moins bien maîtrisé. Les délais de paiement en dehors de l’Union européenne peuvent atteindre plusieurs centaines de jours, exposant les sociétés exportatrices à des risques plus élevés et augmentant leurs coûts de financement. Les PME semblent particulièrement affectées par ce risque à l’export : en 2010, 75 % des sociétés exportatrices françaises étaient des PME, en 2012, seulement 71 %.

Les sociétés exportatrices doivent donc bien connaître leurs clients étrangers. Pour Louis Bollaert, directeur grand courtage chez Euler Hermes France, le travail sur le terrain est un aspect essentiel du métier d’assureur-crédit. «Nous sommes aujourd’hui beaucoup plus collecteurs d’information qu’assureurs. Un tiers des effectifs d’Euler Hermes collecte de l’information sur le terrain.»

Les entreprises doivent faire preuve de transparence pour obtenir les bons financements à des coûts avantageux. Il est donc nécessaire d’adopter des outils allant vers une «reconvergence de l’intérêt de parties», affirme Laurence Valentin-Esturonne, qui préconise l’affacturage inversé pour faciliter l’accès au crédit des fournisseurs. Une bonne gestion du BFR suppose donc de privilégier le dialogue et la transparence.

Les enjeux actuels de la gestion de trésorerie : réglementations, gestion centralisée et lutte contre la fraude

Confrontés à une évolution majeure de leur environnement réglementaire en matière de paiement et de produits dérivés, les trésoriers ont dû finaliser ces deux chantiers de front. Ils ont également poursuivi leurs démarches en termes de centralisation et de sécurisation de leur trésorerie.

Pour les trésoriers d’entreprises, le début de l’année 2014 a été très agité. Deux régulations européennes sont en effet entrées en vigueur au mois de février : Sepa, qui crée un système commun pour les prélèvements et les paiements, et Emir, qui introduit de nouvelles règles de reporting et de compensation pour les produits dérivés.

Contrairement à ce que l’on aurait pu craindre, la mise en œuvre effective du Sepa s’est plutôt bien déroulée. Début mars, 87 % des prélèvements en volumétrie et 92 % des virements étaient effectués au nouveau format. «Pour les entreprises, les effets du Sepa sont très positifs car il simplifie leur organisation en matière de paiement et il a permis un allégement de leurs coûts», affirme Benoît Desserre, directeur payments & cash management à la Société Générale. En outre, le Sepa simplifie les transactions internationales hors Europe, car son format, le xml, est en train de s’installer comme standard.

En ce qui concerne Emir, l’obligation pour les entreprises de confirmer leurs opérations sur dérivés dans les deux jours et les rapprochements réguliers d’informations avec les contreparties sont jugés efficaces pour améliorer la transparence.«Cette réforme vient mettre plus de rigueur et de transparence dans ces processus, ce qui permettra une meilleure maîtrise des risques, affirme Elena Gaetini, head of sales & relationship management Europe du Sud pour DTCC. En France, les sociétés ont plutôt été bonnes élèves et ont envoyé leurs reportings dans les délais.» Mais cela n’a pas été évident. «Entre la publication des listes de trade repository et l’entrée en vigueur des nouvelles obligations, les entreprises n’ont eu que 90 jours, ce qui est court pour achever un chantier de cette ampleur», témoigne Valérie Sainsaulieu, treasury internal control chez Lafarge et présidente de commission de contrôle interne et bonnes pratiques de trésorerie à l’AFTE. Pour autant certains points restent encore à régler. «C’est notamment le cas du traitement des opérations intra-groupes, ou du recueil des identifiants de chaque transaction (UTI) pour permettre un reporting fiable, constate Olivier Drion, associé chez EY. Par ailleurs l’AMF va aussi devoir s’adapter, en tant que destinataire de certaines informations de reporting, car elle va superviser de ce fait également des sociétés non cotées».

Au-delà de ces grands chantiers, les questions de gestion de trésorerie, et notamment de sa centralisation, afin de sécuriser les liquidités, ont continué à occuper les trésoriers. L’une des clés de la réussite d’un tel dispositif est de ne pas retirer tout pouvoir aux opérationnels.«Dans un grand groupe notamment, il est sain de laisser un minimum de responsabilité aux opérationnels, afin qu’ils restent sensibles à la culture du cash» souligne Etienne Téqui, directeur général de Taïga. Il faut aussi communiquer en amont. «Les problèmes de dysfonctionnement d’un cash pooling viennent souvent du manque de sensibilisation de la direction générale», affirme Bruno Grépinet, directeur trésorerie financement chez EDF Energies Nouvelles et président de la commission cash management international de l’AFTE.

Enfin pour améliorer la protection contre les risques de fraude, il est indispensable de mettre en place des procédures automatisées - avec une double signature obligatoire, par exemple – en limitant au maximum les exceptions.

Financements innovants

Enjeux fiscaux et financiers : quel instrument de financement choisir ?

Les entreprises françaises ont aujourd’hui accès à une large palette d’outils pour collecter des fonds. Le choix du mode de financement implique toutefois d’importants arbitrages financiers et fiscaux.

Fin 2013, Auto Distribution, conseillée par Oddo Corporate Finance, s’est financée par le high yield, avec un taux de 6,5 % pour une maturité de cinq ans. Nadine Veldung, associé gérant chez Oddo Corporate Finance, souligne l’importance du travail de préparation consistant à expliquer le crédit aux investisseurs, ainsi que la complexité du choix du mode de financement adéquat.

D’autres instruments financiers étaient en effet envisageables, comme les IBO ou les Euro-PP. Le démarrage de l’IBO est encore timide mais Stéphane Laskart, responsable du développement commercial PME-ETI chez Euronext, ne s’en formalise pas : «C’est un produit nouveau sur le marché, il faut lui laisser le temps de se développer.» Le contexte français est d’ailleurs plus difficile, les particuliers n’étant pas habitués au lien direct avec le marché obligataire.

Les Euro-PP en revanche font l’objet d’un véritable engouement. Selon Hugues Bernard, directeur grands comptes entreprises chez ARKEA Banque Entreprises et Institutionnels, ceci s’explique par les maturités longues proposées, la relative rapidité d’arrivée des fonds, ainsi que les contraintes moindres en termes d’informations par rapport à une introduction en bourse.

Le nouveau fonds FCPI ETI 2020 de Bpifrance met à disposition des ETI 300 millions d’euros par an disponibles pour financer entre 10 et 15 ETI, sous la forme de participations minoritaires et avec une vision de long terme : «On ajuste notre horizon à la problématique de l’entreprise», affirme Sébastien Moynot directeur ETI/GE chez Bpifrance.

Enfin, malgré l’apparition de nouveaux outils de financement en dette, l’affacturage ne recule pas et «fait partie intégrante de la stratégie de l’entreprise», selon Anne Sassier-Prévot de la direction factors, banques et financements chez Coface.

En matière de fiscalité, il existe un trou noir pour les financements par emprunts en devises des opérations d’acquisition à l’étranger. Des écarts de conversion peuvent affecter le résultat fiscal, créant une déperdition financière importante. «Le législateur doit faire preuve de neutralité», soutient Claire Acard, associée chez EY Société d’Avocats. Celle-ci note par ailleurs un resserrement des conditions fiscales pour le financement intragroupe, soutenu par l’OCDE et l’UE. L’UE a ainsi proposé en novembre une modification de la clause mère-fille limitant notamment l’exonération des dividendes reçus de filiales à l’étranger.

Dans la stratégie d’internationalisation d’une ETI, le choix du lieu de cotation est essentiel. L’évolution du financement de Criteo dès son origine reflète sa stratégie de développement : débutant avec des fonds français, la société a eu recours à des fonds européens, puis américains et asiatiques pour l’accompagner dans son développement international. Son choix de cotation aux Etats-Unis participe de la même logique : «C’est là que se trouve l’écosystème du secteur», affirme Benoît Fouilland, CFO de Criteo.

Pour Stéphane Laskart, le choix de Criteo ne doit pas faire oublier le dynamisme de la place de Paris. Celle-ci a montré qu’elle pouvait faire émerger le secteur des medtechs et des biotechs, et attire des investisseurs et des émetteurs internationaux, présentant donc également une forte attractivité pour les ETI en recherche de financement.

Permettre un financement rapide des PME par l’innovation financière

Les PME de la finance ont élaboré de nombreux outils permettant de dynamiser le financement du tissu de PME françaises.

Avec 170 projets labellisés depuis sa création, le pôle de compétitivité finance-innovation soutient activement les PME innovantes opérant dans le domaine financier et compte ainsi 20 start-up en boutique. Mais ces initiatives souffrent de barrières à l’entrée qui selon Jérôme Herbet, associé chez Winston & Strawn, tiennent notamment à une réglementation trop fournie.

Premiers acteurs à soutenir le tissu de PME : les entreprises elles-mêmes. Solidea, une coopérative regroupant des PME/ETI du Pays de la Loire, facilite l’accès au financement de ses membres à travers un fonds de garantie mutuel, en réaction à la difficulté pour les petits dossiers à avoir accès aux financements bancaires. «Tout ce qui est atypique a du mal à être financé sur le terrain», déplore Bertrand Helme-Guizon, fondateur de l’initiative Solidea.

Avec RCSM, Say Partners introduit un des premiers outils de gestion collaborative du BFR, réduisant l’asymétrie d’information entre fournisseurs et donneurs d’ordre afin de réduire le niveau de stocks et dégager des liquidités. «Le fondement est le décloisonnement des opérations et de la finance», affirme Hervé Hillion, associé de Say Partners.

Le crowdfunding recrée des relations entre particuliers et PME. Thierry Merquiol, cofondateur de Wiseed, une plateforme pionnière du crowdfunding, affirme que cet outil répondait initialement à un besoin de financement des PME en phase d’amorçage, aussi bien qu’à une demande des particuliers «d’être acteurs de leurs choix d’investissement». Le crowdfunding apporte une rapidité d’accès aux fonds et décloisonne la finance. L’entreprise de BTP Boubat Bâtiment a ainsi pu lever 100 000 euros en 13 jours auprès de 256 investisseurs grâce à Unilend, le seul outil de crowdfunding permettant aux particuliers de prêter avec intérêt. «Quand le patron de Boubat a vu la liste des investisseurs, il a eu un choc, car, jusqu’à présent, la seule possibilité était les quelques agences bancaires de sa région», affirme Nicolas Lesur, fondateur de Unilend.

Alternativa, une bourse dédiée au financement en fonds propres des PME mise également sur la facilité et la rapidité d’obtention des fonds. La sélection des projets s’appuie ainsi sur des processus d’examination courts, conduits par des pools d’experts. «L’innovation a été de créer une plateforme dédiée aux PME, avec des règles pensées pour elles», affirme Thierry Dettloff, senior advisor chez Alternativa. Avec 200 investisseurs actifs, la plateforme comporte 30 entreprises et table sur une forte croissance en 2014, avec 15 nouvelles sociétés cotées.

Les investisseurs institutionnels sont aussi présents dans le financement des PME. Isodev investit ainsi sous la forme de prêts participatifs dans des TPE faisant entre 150 000 euros et 15 millions d’euros de CA pour des tickets moyens de 50 000 euros. «Cette granularité est une demande des assureurs vie qui investissent chez nous», explique Patrick Touton, directeur général de la Financière Isodev. Finexkap, une plateforme électronique de cession de factures en attente de paiement fait également appel aux investisseurs institutionnels. «Ce qui manque aujourd’hui, c’est un accès facile et lisible au financement», affirme Cédric Teissier, cofondateur de la plateforme. Comme les initiatives précédentes, celle-ci se veut disruptive pour adresser au mieux des goulots de financement de l’économie.

Relations banques entreprises

Nouvelles relations entre entreprises, banques et marchés : les prémices d’un nouvel écosystème de financement

L’apparition d’outils de financement désintermédiés est en train de modifier durablement les relations entre banques, entreprises et investisseurs. Cette nouvelle organisation du système financier implique des changements culturels, ainsi qu’une régulation adaptée.

Représentant 80 % du financement des PME/ETI, les banques restent des partenaires privilégiés des entreprises françaises. «Les efforts réalisés par les réseaux bancaires pour accompagner les entreprises créent une relation de bonne qualité», note Clotilde Bouchet, membre du comité exécutif de la Fondation DFCG, qui souligne en particulier le rôle de conseil joué par les banques dans les choix de financement des entreprises. Toutefois, il existe des asymétries au sein des PME/ETI : les secteurs de croissance sont correctement financés mais les PME opérant dans les marchés traditionnels ont davantage de tensions de trésorerie.

Pour Stéphane Cohen, vice-président de l’Ordre des experts-comptables de la Région Paris Ile-de-France, cette insuffisance de financement est surtout due à une autocensure des entrepreneurs. En effet, le taux de marge des entreprises françaises s’est dégradé de 3,2 % depuis 2010, mais les chefs d’entreprise doivent faire un effort de communication afin de rassurer les banques sur leurs flux de trésorerie futurs. «Ce n’est pas parce qu’une entreprise fait des pertes qu’une banque ne va pas la financer», assure Séverin Cabannes, directeur général délégué de la Société Générale.

Toutefois, Olivier Casanova, directeur financier du groupe Tereos, qui a participé à la rédaction du rapport de Paris Europlace sur le financement en dette des PME et des ETI, note la difficulté à obtenir des financements bancaires pour le long terme, et la nécessité de se tourner vers des produits nouveaux. Pour des financements de plus de 250 millions d’euros, les entreprises ont accès à un marché obligataire profond et dynamique. Le placement privé répond plutôt à des besoins compris entre 20 et 250 millions d’euros. L’Euro-PP a ainsi connu un succès considérable avec 7 milliards d’euros émis en deux ans et demi, et un potentiel de 10 à 15 milliards d’euros sur le marché européen. Pour les besoins plus petits, il existe la possibilité de faire appel aux IBO, qui connaissent un décollage difficile en France, en raison de l’absence de culture de financement obligataire chez les particuliers. Enfin, des fonds mutualisés, tels que Mikado ou le GIAC, permettent des financements inférieurs à 20 millions d’euros. «Ces formes de financement ne sont pas en concurrence, elles répondent à des typologies d’entreprises différentes», affirme Olivier Casanova, qui déplore toutefois l’insuffisance de l’offre pour les besoins d’investissement de petite taille.

Le rapport sur les nouveaux financements en dette des PME/ETI liste cependant un certain nombre de freins existant au financement de celles-ci. Tout d’abord, la nécessité de divulger de l’information freine la cotation des ETI. Par ailleurs, à l’exception de S&P qui a introduit une grille mid-caps, les agences de notation n’offrent pas de produit adapté aux caractéristiques des PME/ETI.

Côté investisseurs, il y a un réel besoin de développer l’analyse crédit pour les entreprises de petite taille. Des assureurs montent ainsi des partenariats avec des banques afin de bénéficier de leur expertise dans le domaine. «On ne s’improvise pas banquier du jour au lendemain», prévient Marie-Pierre Peillon, présidente de la SFAF et directrice de la recherche chez Groupama AM. La réforme du Code des assurances va ainsi permettre aux assureurs de consacrer 5 % de leurs investissements au financement en dette des entreprises, soit 90 milliards d’euros, une somme non négligeable qui nécessite de développer des compétences en interne, notamment pour les plus gros acteurs.

«Néanmoins les réglementations définies suite à la crise sont excessivement nombreuses et lourdes», soutient Philippe Messager, président de l’AFTE. Plus optimiste sur l’impact positif des nouvelles régulations financières, Séverin Cabannes souligne cependant la nécessité de «faire une pause dans la régulation» pour offrir un cadre stable aux acteurs du marché.  Jean-Hervé Lorenzi, président du Pôle de compétitivité mondial de Finance Innovation et président du Cercle des économistes, souligne notamment le flou introduit par le rapport Liikanen en Europe concernant la séparation des activités bancaires, alors même que la question semble tranchée en France.

De son côté, Séverin Cabannes s’inquiète de la possibilité d’introduire une taxe sur les transactions financières qui serait particulièrement dommageable à la place de Paris, où les transactions financières sont plus importantes que dans les autres pays de la zone euro. Pour Bernard Cazeneuve, ministre délégué, chargé du Budget (et devenu en avril ministre de l’Intérieur), les accumulations de nouvelles taxes créent effectivement un climat d’incertitude défavorable à l’investissement. L’Etat a toutefois pris des initiatives en faveur de la prise de risque, rappelle-t-il, notamment les exonérations de cotisations pour les jeunes entreprises innovantes, ainsi que la mise en place du PEA-PME ou les fonds Euro-croissance. De son côté, Jean-Hervé Lorenzi préconise la mise en place de garanties publiques, seules à même d’inciter les particuliers d’une population vieillissante à allouer leur épargne vers des placements plus risqués.

Cette culture du risque passe aussi par la création d’une nouvelle relation de la France à ses entreprises. Bernard Cazeneuve appelle ainsi de ses vœux la création d’un «continuum dynamique de création entre universités, territoires, centres de recherche et entreprises» et met en garde contre les postures idéologiques improductives et chronophages. La mise en place de nouvelles relations économiques saines passera donc par le dialogue et la confiance mutuelle.

Fonds propres

Un nouveau souffle pour le financement en fonds propres ?

Alors que les introductions en bourse reprennent depuis six mois, des outils nouveaux comme le PEA PME devraient permettre une allocation de l’épargne plus en faveur du financement des ETI, notamment dans les secteurs de croissance.

«La levée de capitaux s’est sensiblement détériorée depuis la crise, s’élevant à 10,5 milliards d’euros par an entre 2005 et 2008 et seulement à 5,5 milliards d’euros depuis», constate Paul Perpère, délégué général de l’AFIC. Pourtant, selon une étude EY sur le capital-risque dans le monde, l’Europe serait dans une dynamique positive, avec trois plaques tournantes : le Royaume-Uni, l’Allemagne et la France, «un des hot beds au niveau mondial sur le capital-risque et les IPO», affirme Franck Sebag, associé chez EY.

Les introductions en bourse ont repris en 2013 et concernent parfois des ETI très en amont de leur développement. «La bourse a retrouvé son rôle de financeur de l’économie», soutient Grégoire Hoppenot, managing director de l’activité marchés primaires actions chez Oddo Corporate Finance. Outre les liquidités et les niveaux de valorisation intéressants, la bourse permet de briser les pactes d’actionnaires imposés par les fonds, rétablissant un équilibre entre actionnaires. Les banques sont présentes en matière de financement en fonds propre et «jouent un rôle dans l’accompagnement de la transformation des PME en ETI», affirme Marc Diamant, directeur adjoint, à la Société Générale Capital Partenaires, du capital investissement qui a vu ses investissements croître de 30 millions d’euros en 2012 à 50 millions d’euros en 2013.

Le PEA PME devrait faciliter l’accès au financement des ETI et des PME, en injectant entre 1 et 4 milliards d’euros de liquidités sur le marché. «L’investissement se fera d’abord sur les grosses valeurs, puis par capillarité bénéficiera aux plus petites», précise Jean-Emmanuel Vernay, directeur général d’Invest Securities.

Autre manne de financement pour les PME : les FCPI/FIP, dont la collecte a été divisée par 2 depuis 2008. «Avec 53 millions d’euros investis dans les PME, A Plus finance est le 2e investisseur sur ce créneau en France», affirme Niels Court-Payen, président, cofondateur, en charge des gestions chez A Plus Finance.

Une disposition de la dernière loi de finances donnant des avantages fiscaux aux entreprises investissant dans des sociétés innovantes pourrait faire émerger les grandes entreprises dans le financement en fonds propres. En 2012, celles-ci représentaient déjà 300 millions d’euros de levée de fonds dans le capital investissement. Le renouveau des financements en fonds propres concerne surtout quelques catégories d’entreprises, dont les activités sont décorrélées de la conjoncture, car elles sont internationalisées ou à forte valeur ajoutée. Ainsi, les ETI introduites en bourse sont souvent des entreprises de medtech ou de biotechnologie, des secteurs favorisés aussi par des règles spécifiques qui facilitent leur introduction sur Alternext.

Avec 7 milliards d’euros investis dans 80 entreprises, Bpifrance privilégie aussi certains investissements : entreprises familiales, consolidations autour d’un opérateur souhaitant créer un champion national et des secteurs de croissance. «Les ETI sont notre cœur de cible», ajoute Jean d’Arthuys, directeur ETI/GE de Bpifrance.

Pour Jean Eyraud, président d’Af2i, le retour de la confiance est à même d’élargir les cibles d’investissement et passe notamment par «l’arrêt de publications décourageantes pour les placements longs et volatils». C’est donc la réduction de l’aversion au risque des investisseurs qui les incitera à allouer leurs capitaux à un panel d’entreprises le plus large possible.

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