Marché

Assurance-vie : les supports à risque tirent la collecte

Publié le 27 avril 2018 à 17h00    Mis à jour le 27 juillet 2021 à 10h51

Sandra Sebag

En 2017, la collecte sur les fonds en euros a été négative, l’essentiel de la progression des encours en Assurance-vie s’explique donc par la hausse des souscriptions sur les unités de compte. Une démarche liée à la baisse des rendements sur les fonds en euros, mais aussi à une réorientation du marché vers la promotion des unités de compte. Leur commercialisation passe par une démarche de conseil renforcée.

D’une année sur l’autre, malgré les tentatives de réforme et la baisse des rendements, l’Assurance-vie demeure le produit d’épargne préféré des Français. Selon les chiffres publiés par la Fédération française des sociétés d’assurance (FFA) à la mi-mars, les encours ont continué à progresser en 2017 pour atteindre 1 676 milliards contre 1 635 milliards un an auparavant. Cet accroissement a été surtout notable au second semestre, au premier semestre la collecte ayant été négative. En cause, l’incertitude politique ayant entouré l’élection à la présidence de la République française au printemps dernier, mais aussi la loi Sapin 2 qui a introduit la possibilité de suspendre les souscriptions/rachats sur les contrats d’Assurance-vie et qui a créé une forte inquiétude chez les épargnants (voir encadré).

Mais au final, après un net rebond au second semestre, la hausse des encours sous gestion a tout de même été de 3 % sur l’année, la collecte nette ressortant à 7,2 milliards d’euros. Elle se répartit en des croissances respectives de 1 % sur les fonds en euros, mais surtout de 10 % sur les contrats en unités de compte (UC). Ces dernières représentent maintenant 20 % des actifs des assureurs vie et ont drainé l’essentiel de la collecte nette enregistrée en 2017. Les souscriptions nettes dans les UC se sont élevées à 20 milliards d’euros l’an dernier alors qu’elles ont été négatives de l’ordre de – 12,8 milliards d’euros sur les fonds en euros. Une différence qui s’explique par la baisse de la performance sur les fonds en euros. Ceux-ci servent en effet maintenant des rendements inférieurs à 2 %, à savoir 1,8 % en moyenne pour l’année 2017.

En prenant en compte l’inflation et les frais de gestion, le rendement devient même négatif sur beaucoup de supports. A contrario, le rendement moyen des UC a été de 5 % en 2017 selon la FFA, un niveau très attractif à comparer aux fonds en euros et même aux livrets bancaires qui délivrent des rendements inférieurs à 1 %. Une évolution dont les épargnants ont maintenant pris conscience. «Les particuliers sont beaucoup plus ouverts à la discussion lorsque nous leur proposons de souscrire à des contrats en unités de compte, ils se rendent maintenant compte des limites du fonds en euros», témoigne Guillaume Eyssette, conseiller en gestion de patrimoine indépendant (CGPI) au cabinet Géfineo.

Un changement de stratégie

Mais le rendement ne fait pas tout, le succès des UC est aussi lié aux stratégies menées par les compagnies d’assurances qui tentent d’orienter les particuliers vers ce type de supports et limitent a contrario la collecte sur les fonds en euros. «Tout le marché s’est réorienté vers la commercialisation des UC, souligne Fabrice Labarrière, directeur du développement Assurance-vie chez Natixis Assurances. Notre stratégie s’aligne avec celle de nos distributeurs, à savoir les réseaux des Banques Populaires et des Caisses d’Epargne. Ce changement se fait à l’avantage des clients.»

Pour autant, il ne s’agit pas de stopper totalement la commercialisation des fonds en euros. «Les particuliers ont intérêt à diversifier leurs placements, poursuit Fabrice Labarrière. La répartition entre les fonds en euros et les UC dans les contrats est en moyenne de l’ordre de 70 % pour les premiers et 30 % pour les seconds. Elle peut être supérieure sur certains profils.» Dans certains cas, cette proportion est aussi déterminée par les réseaux. C’est notamment le cas pour les fonds en euros situés en haut des classements en termes de rendement. «Certaines compagnies d’assurances ou réseaux, qui proposent des fonds en euros avec des rendements élevés par rapport à la moyenne du marché, limitent les souscriptions ou les conditionnent à la souscription en parallèle à des UC afin de contenir la collecte et d’éviter, si celle-ci devient trop importante, la dilution de la performance», souligne Guillaume Eyssette.

Si cette démarche peut ressembler à une forme de contrainte, la plupart du temps, les compagnies d’assurances et leurs réseaux misent plutôt sur le conseil et l’accompagnement pour inciter les particuliers à augmenter leurs investissements dans les actifs. La gestion pilotée fait à ce titre partie de leur nouvel arsenal. «Nous proposons de la gestion sous mandat ou de la gestion pilotée, également avec des fonds flexibles pour aider les particuliers à piloter leur allocation en fonction de leur horizon de placement et de leur profil de risque, indique Fabrice Labarrière. Cette démarche est de plus en plus utilisée par les réseaux. A titre d’exemple, la gestion sous mandat est maintenant accessible dans les réseaux des Caisses d’Epargne à partir de 10 000 euros. Nous avons aussi mis en place des options d’arbitrages automatiques en cas de fortes baisses des marchés financiers.»

Le conseil au cœur de la relation client

Une approche semblable à celle des CGPI. «Nous raisonnons en termes d’horizon de placement, indique Guillaume Eyssette. Nous aidons les particuliers à faire la différence entre une épargne de précaution qui doit être investie sur des supports liquides et une épargne de long terme dont l’objectif est de se constituer un complément de retraite ou encore de financer l’étude de ses enfants.»

Si le fonds en euros ou les livrets bancaires sont indiqués dans le premier cas, dans le second la souscription des UC est indispensable. «Les particuliers peuvent être facilement convaincus, une fois leurs différents horizons de placement bien identifiés, de privilégier des UC investies en actions pour des horizons d’investissement égaux ou supérieurs à 10 ans», poursuit Guillaume Eyssette.

Ce changement dans l’allocation des particuliers est aussi facilité par l’utilisation de supports digitaux.«Pour fluidifier la relation, nous recourons de plus en plus à des outils comme la signature électronique ou encore aux agrégateurs de compte qui nous permettent d’avoir une vision globale du patrimoine de nos clients et donc de matérialiser notre rôle en tant que chef d’orchestre, indique Guillaume Eyssette. Nous pouvons plus facilement par ce biais conseiller nos clients et déterminer une allocation correspondant à leurs besoins et à leurs projets.» Des nouvelles solutions notamment développées par les compagnies d’assurances. «Les réseaux sont demandeurs d’outils qui leur permettent de conseiller plus facilement les clients et de structurer un entretien, indique Fabrice Labarrière. Nous investissons aussi pour former les réseaux.» Une démarche indispensable pour amener les particuliers à prendre du risque.  

La Loi Sapin 2 a semé la panique en 2017 chez les épargnants

L’article 21 bis la loi Sapin 2 adoptée au mois de novembre 2016 augmente le pouvoir du Haut Conseil de stabilité financière (HCSF), l’autorité macro-prudentielle de surveillance du système financier, et lui ouvre la possibilité de bloquer temporairement les souscriptions, rachats et arbitrages sur les contrats d’Assurance-vie. Cette mesure part d’une bonne intention : éviter le risque systémique. Après plusieurs décennies de baisse des taux d’intérêt, l’heure est en effet maintenant à leur remontée. Si cette hausse est saluée par les compagnies d’assurances qui pourront trouver davantage d’opportunités sur les marchés obligataires, elle est aussi – à court terme – source de danger. Les nouveaux fonds lancés devraient en effet proposer des rendements supérieurs à ceux qui existent déjà sur le marché. Des arbitrages pourraient alors se mettre en place entre les anciens fonds et les nouveaux, suscitant des demandes massives de rachat sur les anciens auxquels les compagnies d’assurances pourraient ne pas pouvoir faire face, ce qui provoquerait une panique. La possibilité des blocages par le HCSF a été justement mise en place pour éviter ce scénario catastrophe. Cette réforme n’a pourtant pas été perçue comme telle, mais bien plutôt comme une nouvelle contrainte sur la liquidité, et a semé la panique chez les épargnants, lesquels ont réduit leurs souscriptions, voire pour certains transféré leur contrat au Luxembourg. Cette inquiétude a toutefois décliné au second semestre après l’élection d’Emmanuel Macron à la présidence française et les annonces faites pour réduire la fiscalité sur le patrimoine.

Vers une remontée des rendements sur les fonds en euro à partir de 2019 ?

Selon certains observateurs, la baisse des rendements sur les fonds en euros pourrait atteindre son point bas en 2018 avant une remontée graduelle. En effet, depuis fin 2015 aux Etats-Unis et plus récemment en Europe, les banques centrales ont entamé une normalisation de leur politique monétaire. Aux Etats-Unis, la Fed (Banque centrale américaine) a déjà concédé plusieurs hausses des taux d’intérêt à court terme, et cela devrait être le cas en 2019 de la Banque centrale européenne (BCE). Celle-ci a en effet annoncé sa volonté de mettre fin à sa politique accommodante au mois de septembre 2018 et devrait ensuite démarrer ses premières hausses de taux. Si dans un premier temps, la hausse des taux d’intérêt se traduit par une baisse de la valorisation des obligations, elle permet aussi aux compagnies d’assurances de trouver des opportunités d’investissement mieux rémunérées. A terme donc, les rendements devraient augmenter. Dès 2019 ?

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