Marché

Des chantiers toujours conséquents, mais aussi des opportunités

Publié le 26 avril 2019 à 16h04    Mis à jour le 27 juillet 2021 à 10h46

Sandra Sebag

Malgré un report du règlement Priips, les sociétés de gestion doivent toujours multiplier les mises en conformité, elles portent sur des textes déjà entrés en application et sur de nouveaux sujets. En parallèle, le gouvernement français à travers la loi Pacte crée des opportunités pour les sociétés de gestion dans le domaine de l’épargne retraite.

Les années se suivent et se ressemblent en termes de réglementation pour les sociétés de gestion. Si ces dernières ont bénéficié d’un report de l’application du règlement Priips jusqu’en 2021, les chantiers à mettre en œuvre ne sont malgré tout pas des moindres. Elles doivent notamment finaliser un certain nombre de dossiers liés à la mise en œuvre de directives déjà entrées en vigueur. Et parmi celles-ci figure un texte majeur pour l’ensemble de l’industrie financière à savoir la directive MIF 2 dont l’application date du 2 janvier 2018.

Parmi les sujets sur lesquels les sociétés de gestion doivent encore travailler figurent le partage d’informations entre leurs services et les distributeurs. «Les sociétés de gestion doivent définir pour chaque produit un marché cible et en informer les distributeurs, relate Nicolas Fournier, cofondateur et dirigeant de Sequantis. Ces derniers peuvent cependant avoir une approche différente de l’adéquation entre les produits et les cibles de clientèle. Sociétés de gestion et distributeurs doivent ainsi se mettre d’accord. Par ailleurs, les distributeurs doivent faire un retour aux sociétés de gestion sur la façon dont ils commercialisent les fonds.» Autre sujet sur lequel les acteurs doivent s’accorder : les frais. «Les sociétés de gestion doivent calculer deux types de frais : des frais ex ante qui intègrent des projections sur l’ensemble des coûts liés à la souscription et à la détention d’un produit et des frais ex post, poursuit Nicolas Fournier. Un chantier qui n’est pas encore finalisé.»

Une plus grande transparence sur les frais

Il en rejoint un autre : celui de Priips qui prévoit la création de nouveaux documents où les frais sont détaillés et là encore, un problème de responsabilité se pose. «Les distributeurs disposent de stratégies différentes en ce qui concerne les droits d’entrée par exemple, les sociétés de gestion doivent-elles alors établir plusieurs documents en fonction des distributeurs ou un seul à charge aux distributeurs d’établir les documents finaux à destination des clients finaux», s’interroge Nicolas Fournier. Des réflexions qui ont encore un peu de temps avant d’aboutir d’autant plus que le texte est encore amené à évoluer. «Le contenu du règlement est encore soumis à discussion, parmi les débats en cours figure notamment la présentation des performances», relate Nicolas Fournier.

Autre sujet d’importance pour la gestion d’actifs : le Brexit. Les sociétés de gestion françaises doivent en effet revoir leurs dispositifs si elles disposent de filiales au Royaume-Uni qui deviendront en cas de perte du passeport européen des succursales de pays tiers, il en va de même si elles utilisent le passeport gestion pour gérer des fonds britanniques. En ce qui concerne la commercialisation de fonds britanniques en France, là encore la fin du passeport produit signifie une interdiction de commercialisation. «Aucune commercialisation ne sera possible en l’absence d’accord spécifique, la société de gestion concernée doit ainsi contacter ses clients pour lui proposer une alternative à savoir un fonds régulé en Europe», affirme l’Autorité des marchés financiers (AMF) dans ses recommandations. Des exigences qui ne devraient pas concerner un grand nombre de sociétés de gestion. En effet, la plupart des sociétés de gestion britanniques qui disposent de clients en Europe continentale ont domicilié des fonds au Luxembourg ou en Irlande afin de pouvoir encore bénéficier du passeport européen. Autre changement plus contraignant : les titres britanniques ne seront plus, après le Brexit, éligibles aux fonds de capital investissement ni aux plans d’épargne en actions (PEA) y compris s’ils sont détenus dans le cadre d’un OPCVM ou d’un FIA. Des changements seront donc nécessaires dans l’allocation d’actifs de certains fonds.

Des réformes nationales

Mais l’Europe n’est pas seule source de changements réglementaires. Le gouvernement français a en effet initié un certain nombre de réformes qui constituent des changements plutôt positifs pour le marché de la gestion d’actifs à travers la loi Pacte et la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019. La seconde a permis la suppression du forfait social, qui s’élève à 20 %, sur les dispositifs d’intéressement, de participation et l’abondement (sommes versées en plus par les entreprises pour inciter les salariés à verser de l’épargne dans leur plan d’entreprise) des entreprises de moins de 50 salariés et sur l’intéressement versé par les entreprises de moins de 250 salariés, tandis que la première cherche à renforcer l’attractivité des produits d’épargne salariale, d’épargne retraite individuelle et collective, mais aussi de l’assurance vie. Le projet de loi veut en effet renforcer l’attrait des fonds euro-croissance. Des produits dédiés à l’assurance vie créés en 2014, mais qui n’ont jamais rencontré leur public. Pour inciter les épargnants à y investir, le texte prévoit de nouvelles règles en matière de communication. «L’assureur devra communiquer tous les trois mois la valeur de marché de la part des fonds euro-croissance afin que les souscripteurs connaissent précisément les prix de sorties en cas de rachat, ce qui n’était pas le cas jusqu’à présent, les fonds euro-croissance n’étant garantie qu’à l’échéance», précise Antoine Dadvisard, président du directoire de Matignon Finances. Un changement qui ne devrait pas, pour les professionnels, bouleverser ce marché, «le fonds euro-croissance ne répond pas aux besoins des Français, poursuit Antoine Dadvisard. Ces derniers préfèrent allouer leur épargne de précaution sur les fonds garantis à tout moment à savoir les fonds en euro et misent pour dynamiser leurs revenus sur les unités de compte. Ils n’ont pas besoin d’un produit intermédiaire». Le véritable changement en matière d’assurance vie proviendra peut-être d’une autre transformation : la transférabilité des contrats. Les débats ont fait rage pour savoir quel serait le champ de ces transferts. Au final, la montagne pourrait bien accoucher d’une souris car la transférabilité ne pourrait se faire qu’au sein d’un même groupe et non entre compagnies d’assurance.

Un marché qui s’ouvre davantage aux gérants

A contrario, du côté des produits d’épargne retraite, une révolution, est attendue. La réforme intègre la création d’un produit chapeau qui a vocation à accueillir l’ensemble des produits de retraite individuels et collectifs existant : Perco, articles 83, PERP et Madelin. «Ces produits devront être harmonisés en termes de règles fiscales et sociales, ils devraient intégrer une sortie soit en rente soit en capital et ils seront transférables durant toute leur durée de vie», indique Hubert Clerbois associé chez EPS Partenaires. Cela signifie que ces produits, qui restaient gérés par le même opérateur tout au long de leur durée de vie, pourront changer de prestataires en fonction de l’attrait des offres proposées et/ou du changement de situation du souscripteur. Des changements qui poussent de nombreux opérateurs à se positionner sur ce marché : les acteurs traditionnels de l’épargne salariale et de l’épargne retraite, les compagnies d’assurance, les sociétés de gestion, mais aussi de plus en plus les fintechs. Des changements qui pourraient intervenir avant la fin de l’année et stimuler le marché de l’épargne en France.

A terme : une nouvelle revue de la directive Ucits et l’ESG

Parmi les prochains chantiers mis en place par les institutions européennes, la directive Ucits pourrait encore être amendée. «La problématique de la convergence entre la directive Ucits et AIFM n’est pas encore réglée, rappelle Nicolas Fournier, cofondateur et dirigeant de Sequantis. Dans le cadre de la directive AIFM, un reporting complet sur les fonds doit être adressé au régulateur, cela pourrait être prochainement aussi le cas pour les fonds Ucits.» Mais le principal sujet sur la table des régulateurs concerne l’ESG. La Commission européenne souhaite passer en revue l’ensemble des grands textes européens : Solvabilité 2, AIFM, Ucits, MIF 2 et DDA afin de rendre obligatoire l’utilisation des critères ESG. «Dans le cadre des textes centrés sur la distribution, l’Europe pourrait obliger tous les acteurs à recueillir le sentiment des souscripteurs vis-à-vis de l’ESG et à leur fournir un produit qui prenne en compte ses critères si ces derniers se déclarent sensibles à cette problématique, détaille Nicolas Fournier. Dans le cadre des autres textes, l’ESG devrait être appréhendé comme un critère de risque.» Ces chantiers supposent notamment une harmonisation des approches en Europe.

La protection des épargnants : un objectif central des régulateurs

Qu’il s’agisse de MIF 2, de la directive sur la distribution d’assurance (DDA) ou encore du règlement Priips, l’objectif principal de ces textes majeurs est de protéger les épargnants. Ils exigent en effet une transparence totale sur les frais et une commercialisation des produits en fonction des besoins. En parallèle, les autorités de régulation nationales sont particulièrement vigilantes sur la façon dont les acteurs appliquent les textes et dont les intermédiaires agissent auprès du grand public. En France, l’Autorité des marchés financiers (AMF) a ainsi prononcé un grand nombre de sanctions ces dernières années vis-à-vis de conseillers en investissement financier (CIF). «En deux ans, sur un peu plus d’une trentaine de sanctions, une dizaine concerne des CIF, constate Géraldine Marteau, avocat of counsel chez Herbert Smith Freehills. En général, ces décisions portent sur un manquement lors de la commercialisation. Dans l’optique d’une protection des épargnants, l’AMF cherche ainsi à assainir cette profession en sanctionnant les professionnels les moins diligents».

Dans la même rubrique

Les 50 sociétés de gestion qui comptent - Sélection 2023

Pour la plupart des acteurs présents dans cette nouvelle sélection des 50 sociétés de gestion qui...

Les Rencontres gestion d’actifs et innovation

L’industrie de la gestion d’actifs ne cesse de se transformer, avec deux principaux moteurs...

Les 50 sociétés de gestion qui comptent  Sélection 2022

La sélection des « 50 sociétés de gestion qui comptent » de Funds est le reflet des beaux succès...

Voir plus

Chargement en cours...