Marché

Les fonds immobiliers grand public à l’épreuve de la crise

Publié le 30 avril 2021 à 12h15    Mis à jour le 27 juillet 2021 à 10h20

Audrey Corcos

2020 a été une année inédite à plus d’un titre pour les fonds immobiliers grand public. Non seulement ils ont dû affronter une crise sanitaire mondiale, qui engendre encore de grandes incertitudes économiques, mais ils ont également dû faire face à une forte accélération des mutations déjà à l’œuvre sur le marché immobilier : sélectivité plus forte des actifs, importance croissante des services et thématique environnementale de plus en plus prégnante notamment.

D’après les données ImmoStat, le montant global des investissements en immobilier résidentiel en France a atteint 5,5 milliards d’euros l’an passé, soit une hausse de 41 % par rapport à 2019. Cette bonne performance s’explique par les réservations de programmes neufs de CDC Habitat pour près de 2 milliards d’euros. Les grands investisseurs internationaux sont également présents sur le marché, comme le souligne l’acquisition par Hines de 500 logements en VEFA auprès de Kaufman & Broad. D’après CBRE, le résidentiel représente 40 % des investissements immobiliers en Europe mais à peine 10 % sur le marché français. Sur ce marché, les investisseurs étaient majoritairement français jusqu’à il y a peu, mais les investisseurs internationaux (Europe du Nord, Grande-Bretagne, Etats-Unis), à la recherche de diversification géographique, se positionnent de plus en plus. En effet, le marché français correspond à leurs stratégies sécurisées et à long terme.

Néanmoins le manque d’offre est le principal frein au développement des investissements. D’après la Fédération des promoteurs immobiliers, sur l’année 2020, les ventes totales de logements neufs auront baissé de 23,3 % par rapport à 2019. Les ventes en bloc ont significativement amorti la chute des ventes au second trimestre (+ 40 %) puis à nouveau au quatrième (+ 27,9 %), mais de façon modérée sur l’année entière (+ 7,2 %). La croissance des ventes en bloc est un des faits marquants de l’année (leur part est passée de 21 % à près de 30 % du total).Selon Cushman & Wakefield, près de 27 milliards d’euros ont été investis en immobilier d’entreprise banalisé (bureaux, commerces, logistique et locaux d’activité) en 2020, soit un recul de 32 % par rapport à 2019. Le niveau de 2019 ayant été exceptionnel, cette baisse est limitée à 12 % par rapport à la moyenne des cinq dernières années.

Le segment des bureaux conserve son rôle central (avec 18,5 milliards d’euros engagés). Les professionnels constatent un mouvement « flight to quality », avec davantage de sélectivité des actifs et de stratégies core.

L’attractivité des actifs logistiques s’est confirmée l’an passé, avec 3,4 milliards d’euros investis sur ce créneau. Concernant les commerces, l’étude Cushman & Wakefield souligne l’attrait pour les surfaces alimentaires. Les actifs centraux, en pieds d’immeuble, sont privilégiés. Il est intéressant d’analyser comment ont évolué les investissements des SCPI, principaux fonds de la pierre papier. En 2020 le montant total de ces investissements a atteint 8,4 milliards d’euros, en repli de 8,7 % par rapport à 2019. Les acquisitions sont toujours restées dominées par les bureaux (65 % contre 63 % en 2019), les locaux commerciaux arrivant au second rang (15 % contre 12 % des acquisitions en 2019), suivis par la santé et les résidences de service pour seniors (8 %), la logistique et les locaux d’activité (5 %) et enfin l’hôtellerie (4 %). Les SCPI ont, pour la première fois, essentiellement investi à l’étranger (pour 40 % en 2020 contre 28 % en 2019), puis en Ile-de-France (38 % contre 48 % en 2019).

Distorsions de performances entre SCPI et OPCI grand public

Le marché de la pierre papier (hors SCPI résidentielles fiscales) représente une capitalisation totale de 152,53 milliards d’euros fin 2020 (chiffres MeilleureSCPI.com) : les SCPI de rendement constituent 44 % de ce montant global, suivies par les OPCI (13 %), les SIIC (33,5 %), les SCI (8 %) et les Sicav immobilières (1,5 %). Selon MeilleureSCPI.com, les cinq premières sociétés de gestion (La Française REM, Amundi Immobilier, Primonial REIM, BNP Paribas REIM et AEW Ciloger) représentaient, à elles seules, 55 % de la capitalisation des SCPI de rendement (hors résidentiel).D’après les données ASPIM-IEIF, les SCPI comme les OPCI grand public ont affiché des chutes de leur collecte (de respectivement 29,5 % et 29,7 %) après une année 2019 record.

Les SCPI « immobilier d’entreprise » sont parvenues à maintenir un rendement attractif en 2020 en réussissant à contenir le niveau des impayés et en puisant ponctuellement dans leurs réserves. Le niveau de distribution a atteint + 4,18 % (contre + 4,4 % en 2019). La variation du prix moyen de part (VPM) a affiché une hausse de 1,12 %. Les professionnels se veulent rassurants pour ces fonds, même si les situations sont très disparates. « La dizaine de SCPI que nous avons sélectionnée a affiché des valeurs d’expertise généralement stables fin 2020, et parfois même en hausse. Même si des retards ont pu être constatés dans le paiement des loyers du fait d’un contexte exceptionnel, la solidité de leur portefeuille d’actifs n’a donc pas été remise en cause », affirme Lionel Ducrozant, responsable développement d’Eternam (société de gestion de fonds immobiliers du groupe Cyrus). Les OPCI grand public ont affiché une performance annuelle dividendes réinvestis dégradée à – 1,54 % en 2020, contre une performance globale de 5,4 % en 2019. La chute boursière des foncières cotées (qui constituaient 8 % de l’actif net des OPCI à fin 2019) a fortement pesé sur ces performances. La valorisation des parts recule de – 2,87 % sur un an, tandis que les versements de dividendes ont apporté un rendement courant de + 1,33 %.

Thématique ISR et enjeux environnementaux montent en puissance

L’année 2020 a marqué l’entrée en vigueur du label ISR, qui était fortement attendu par les gestionnaires. Début 2021, six SCPI, deux OPCI grand public et une SCI avaient reçu ce label.Dans le résidentiel comme dans les bureaux, la réglementation évolue vers davantage de contraintes. Avec la RE 2020, dont l’application a été décalée à janvier 2022, l’idée est de tendre vers un bâtiment à énergie positive tout en intégrant, dès la construction, un besoin de consommation énergétique diminué de 30 %. Quant au dispositif éco-énergie tertiaire, qui entrera en vigueur en septembre 2021, il concernera notamment l’ensemble des immeubles de bureaux de plus de 1 000 m2, livrés et achevés avant novembre 2018. Les contraintes de diminution des seuils de consommation énergétiques sont extrêmement fortes.

A cela s’ajoutent les initiatives des sociétés de gestion. Loïc Hervé, directeur général délégué, Perial Asset Management, indique : « Les obligations réglementaires s’intensifient sur le plan environnemental. Les devancer, pour que les actifs de nos fonds demeurent attractifs, constituera l’un des défis les plus importants des prochaines années. Notre forte expertise dans ce domaine, notamment avec le lancement de notre SCPI PFO2 dès 2009, nous permet d’être confiants pour relever ce défi. » En décembre 2020, la société a lancé la SCI Perial Euro Carbone, qui bénéficie du label ISR. « Cette SCI répond à une problématique croissante de la part des investisseurs institutionnels, qui cherchent à réduire le bilan carbone de leurs activités. Elle investira uniquement dans les bureaux dans les principales métropoles européennes », détaille Loïc Hervé.

Une sélectivité des fonds à renforcer

Des incertitudes pèsent sur les performances des fonds en 2021. En effet, il est encore difficile d’évaluer l’impact de la fin des aides publiques aux entreprises et des bouleversements des habitudes de travail et de consommation sur les marchés locatifs, en particuliers dans les bureaux et commerces.« Les SCPI que nous privilégions bénéficient d’un fort savoir-faire des équipes des sociétés de gestion sur un secteur donné : ce sera par exemple Perial dans les bureaux, Sofidy dans les commerces ou Alderan dans la logistique. Par ailleurs, le taux d’endettement de la SCPI doit rester maîtrisé. Cela lui permet, en cas de retournement du marché, de ne pas avoir à céder des actifs dans de mauvaises conditions », observe Lionel Ducrozant. D’après une étude menée conjointement par Mazars et l’ASPIM en 2020, le niveau d’endettement moyen a progressé ces dernières années pour s’établir en 2019 environ à 15 % pour les SCPI et 24 % pour les OPCI (rapporté à l’actif immobilier).A côté des critères financiers classiques (dont le taux d’occupation financier ou le niveau de réserves), les critères qualitatifs doivent être soigneusement étudiés par les investisseurs. La qualité du portefeuille d’actifs – gage de sa résilience – et la gestion étroite des relations avec les locataires sont essentielles.

Les investisseurs doivent avoir bien conscience du fait que les actifs à restructurer par les gérants nécessiteront des travaux, qui impacteront les dividendes futurs. La qualité de l’information délivrée dans les bulletins trimestriels ou semestriels des fonds permet enfin à l’investisseur d’avoir une vision transparente et précise de la situation. 

Plusieurs initiatives dans le coliving

Certains fonds dédiés aux investisseurs professionnels existent et quelques actifs de coliving sont intégrés à des SCPI. Un OPCI grand public spécifiquement dédié à cette thématique, qui permet aux investisseurs de bénéficier du statut fiscal LMNP, a été récemment lancé par Foncière Magellan. « Outre de solides fondamentaux, avec une forte demande en Ile-de-France et dans les grandes métropoles, les actifs de coliving présentent l’intérêt d’être liquides. Répondant aux problématiques de logement dans les grandes métropoles, ils peuvent être cédés facilement car ils possèdent déjà toutes les caractéristiques de logements classiques », souligne Steven Perron, son président fondateur.

Cinq actifs neufs sont en cours d’acquisition. « Nous visons 100 millions d’euros d’encours d’ici deux à trois ans ».Trouver des actifs et des exploitants offrant des services de qualité constitue le défi majeur. L’un des leaders du secteur, The Babel Community, a récemment créé une entreprise avec la Caisse des dépôts, pour acquérir puis gérer six nouvelles résidences de coliving en France entre 2021 et 2024.

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