Philanthropie

De l’intérêt de créer une fondation sous égide

Publié le 9 décembre 2016 à 15h33    Mis à jour le 27 juillet 2021 à 11h42

Mireille Weinberg

Créer une fondation reconnue d’utilité publique est cher, long et compliqué. Il existe un véhicule philanthropique ressemblant, mais qui ne présente pas tous ces inconvénients : la fondation abritée ou «sous égide». La Fondation de France, premier réseau de philanthropie en France, en accueille 808 en son sein. Explications.

Avec 808 fondations sous son égide (36 % des fondations françaises), la Fondation de France est le premier réseau de philanthropie en France. Une fondation sous égide ressemble à s’y méprendre à une fondation d’utilité publique, elle dispose de presque tous ses attributs, à l’exception de la personnalité juridique. Comme elle n’a pas d’autonomie juridique, elle exerce son activité sous la surveillance bienveillante d’une fondation reconnue d’utilité publique, la fondation abritante qu’elle a choisie.

«Les particuliers, les TPE ou PME qui arrivent avec un projet philanthropique, ne savent pas forcément comment le mener à bien, surtout quand il est éloigné de l’activité professionnelle précédemment exercée. Les fondations qui nous rejoignent bénéficient de notre savoir-faire. La philanthropie est notre métier, nous pouvons leur apporter tous les conseils et leur proposer tous les outils pour porter leur projet», explique Dominique Lemaistre, directrice du mécénat à la Fondation de France.

La cause défendue doit concorder

Première chose à vérifier : la cause soutenue par la fondation abritante. Vous ne pouvez en effet être abrité que par une fondation qui a le même objet que la fondation que vous souhaitez créer : la lutte contre la précarité, l’enfance en difficulté, la recherche médicale, etc. Seule exception, la Fondation de France, qui justement, parce qu’elle est «multi-cause», intervient dans tous les domaines de l’intérêt général.

Vitesse et facilité de création

Décret en Conseil d’Etat, avis de différents ministères, etc. Il faut plus d’une année pour créer une fondation reconnue d’utilité publique (FRUP). Par ailleurs, il faut la doter de 1,5 million d’euros au minimum. Rien de tel avec une fondation sous égide, où quelques mois peuvent suffire. «Nous validons les demandes lors des “bureaux” de la Fondation de France, qui se tiennent quatre fois par an. Le temps d’attente est donc de trois mois maximum pour créer une fondation sous notre égide», précise Dominique Lemaistre. Côté dotation, la fondation abritée est moins gourmande qu’une FRUP. C’est la fondation abritante qui détermine le montant minimum requis pour la dotation. «A la Fondation de France, le montant minimum pour créer une fondation sous égide est de 200 000 euros sur cinq ans, soit 40 000 euros par an.»

L’apport de la fondation abritante

«Nous prenons en charge toutes les formalités juridiques, administratives, comptables, fiscales, etc. pour le compte de nos fondations abritées. Elles n’ont plus qu’à se consacrer à la cause qu’elles ont choisi de défendre. Nous encaissons les fonds qu’elles reçoivent, émettons les reçus fiscaux, tenons leur comptabilité, arrêtons leurs comptes, payons leurs factures, nous occupons de la gestion financière des sommes qu’elles recueillent», détaille Dominique Lemaistre.

Et surtout, la fondation abritante met à sa disposition tout son savoir-faire philanthropique : «Chacune de nos fondations abritées dispose de son propre conseiller à la Fondation de France, qui va la guider et l’orienter autant que de besoin. Nos 200 conseillers bénévoles sont également potentiellement à la disposition de nos fondations sous égide. Experts indépendants, ils siègent, selon leurs spécialités, dans chacun des comités qui définissent nos actions dans nos différents secteurs d’intervention (recherche médicale, grand âge, enfance, environnement, culture, etc.)», ajoute Dominique Lemaistre.

Les projets à financer

Les personnes qui créent leur fondation ont souvent une idée très précise des projets qu’elles veulent financer. La Fondation de France n’intervient pas. «Mais, si besoin est, nous pouvons proposer à nos fondations abritées des projets à financer dans les domaines qui sont les leurs. Nous sommes capables de proposer un panel très large, puisque nous finançons 9 000 bourses (étudiants, chercheurs) et projets par an», fait valoir Dominique Lemaistre. De même les fondateurs peuvent-ils gérer activement leur fondation eux-mêmes ou laisser la main à la Fondation de France, s’ils le souhaitent. Dans ce cas, exactement comme pour un legs, cette dernière agit selon leurs volontés : elle sélectionne les projets à financer, vérifie leur impact social, etc.

La gouvernance

Reste la gouvernance de la fondation abritée. Le fondateur est-il véritablement libre de ses mouvements ? «Oui. Nous ne siégeons pas dans les instances de gouvernance de fondations sous notre égide. Le conseiller qui suit la fondation abritée assiste systématiquement aux réunions de son comité exécutif, pour suivre les débats et apporter son expertise thématique et technique. Mais il n’a pas de droit de vote. Cependant, comme la fondation abritée agit juridiquement sous la responsabilité de la Fondation de France, nous disposons d’un droit de veto sur les décisions des fondateurs. Fort heureusement, depuis notre création, nous n’avons presque jamais eu à l’exercer», précise la directrice du mécénat à la Fondation de France.

Questions à Jean-Pierre Lefranc, directeur financier, Fondation de France

Comment sont gérés les actifs d’une fondation sous égide, à la Fondation de France ?

Tout d’abord, il faut bien comprendre que l’actif d’une fondation est intégralement destiné à son projet philanthropique. Nous nous entendons avec le fondateur pour savoir comment placer ces sommes en fonction des objectifs de sa fondation, de ses souhaits et de la charte financière de la Fondation de France. Nous mettons à leur disposition quatre fonds communs de placement dédiés qui disposent chacun de leur profil de risques. Ces actifs sont gérés par des prestataires sélectionnés par appel d’offres par le comité financier de la Fondation de France.

Le fondateur peut aussi préférer confier la gestion des actifs de sa fondation à son banquier habituel et dans ce cas, nous ouvrons un compte chez ce banquier et conjointement avec le fondateur, nous lui donnons mandat de gérer l’argent de la fondation. Le fondateur peut aussi décider de continuer à gérer des titres mais dans ce cas, il accepte que les décisions soient prises avec les équipes de la Fondation de France qui sont alors chargées de passer les ordres.

Pouvez-vous orienter un fondateur qui aimerait investir dans la finance solidaire ?

Oui, bien sûr. C’est d’ailleurs un mouvement qui se développe et qui vise à mettre en cohérence la gestion des actifs de la fondation abritée avec son objet social. Nous commençons à développer une expertise et à tester des fonds ou participations dans ce domaine pour orienter les fondations qui sont intéressées.

Cependant, avant d’investir dans la finance solidaire, nous demandons à la fondation d’appliquer les filtres ISR à son portefeuille, et nous ne proposons cette solution qu’aux fondations qui ont une «dotation» suffisante et qui peut être consommée. En effet, il est difficile de n’avoir que ce type de placements lorsqu’il faut financer l’ensemble des actions de la fondation par les revenus du capital. Enfin nous veillons à ce que les fondations intéressées soient au fait de la gestion d’investissements dans des entreprises à caractère social, non cotées, le «private equity à vocation sociale». C’est un secteur du marché financier qui nécessite une bonne compréhension de l’illiquidité, du risque et du temps.

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