Voyages d’affaires

Le digital bouscule les pratiques

Publié le 20 mars 2015 à 0h00    Mis à jour le 27 juillet 2021 à 11h50

Anne del Pozo

L’avènement des nouvelles technologies et plus particulièrement du digital modifient actuellement les pratiques de réservation et de paiement du voyage d’affaires. Une nouvelle donne à laquelle les prestataires du voyage s’adaptent pour mieux répondre aux besoins des entreprises en matière de maîtrise des coûts et de sécurisation des voyageurs.

Après trois années de décélération, les budgets des déplacements professionnels ont, en 2014, renoué avec une croissance dynamique. D’après le baromètre EVP 2014 d’American Express Voyage d’Affaires, ces budgets ont ainsi, l’an passé, augmenté de 0,9 % en Europe. Une évolution qui s’explique en partie par l’amélioration de la situation économique dans les dix pays de référence du Baromètre, parmi lesquels se trouve la France. «Qu’il s’agisse de conserver leurs clients, d’en conquérir de nouveaux ou de développer de nouveaux marchés, les entreprises sont conscientes de l’importance du voyage d’affaires pour soutenir leur développement commercial. D’après notre étude, elles y consacrent désormais 51 % de leur budget, contre 46 % en 2013, constate Guillaume Col, directeur général d’American Express Voyages d’Affaires France, Belgique et Pays-Bas.Mais dans un contexte économique toujours difficile, le contrôle des coûts directs reste prioritaire. Le véritable enjeu est toutefois la vision globale des dépenses : les attentes sont de plus en plus fortes dans ce domaine, notamment avec l’adoption croissante des solutions end-to-end.» Ainsi, selon le baromètre, le contrôle des coûts constitue la priorité de 87 % des entreprises interrogées. Le «best buy» demeure le principal levier de contrôle des coûts. Cependant, les entreprises semblent prendre conscience de ses limites. A l’inverse, deux pratiques s’imposent clairement dans le trio de tête de contrôle des coûts : la réservation en ligne fait ainsi un bon en avant et passe à la deuxième place en 2014 (contre la cinquième en 2013) tout comme la réservation à l’avance qui arrive en troisième position (quatrième en 2013).

Au-delà du contrôle des coûts, le baromètre EVP indique également que les entreprises plébiscitent une vision globale des dépenses, qui constitue la priorité pour plus d’une entreprise sur deux et progresse fortement (+ 15 points en deux ans). Cette notion va plus loin que le contrôle des coûts, qui reste cantonné aux coûts directs. Elle inclut désormais les coûts indirects tels que les développements de technologies et les ressources humaines.

 

Le marché du voyage en mutation

Par ailleurs, force est de constater l’émergence de nouveaux acteurs, essentiellement portée par l’essor des technologies digitales. Ces acteurs viennent bousculer les pratiques du marché du voyage, de la réservation au paiement et forcent les entreprises à adapter leur politique voyage et le management des voyageurs en conséquence.

Dans ce nouveau contexte, de nombreux espaces dédiés à l’achat de voyages ont, ces derniers mois, vu le jour sur la toile et les smartphones avec notamment des sites «collaboratifs». Compagnies low cost, openbooking, VTC, room sharing, etc., ces nouveaux acteurs misent aujourd’hui la plupart du temps sur une distribution essentiellement faite par Internet et sur l’implication du consommateur dans l’acte d’achat : notation, commentaires, géolocalisation, etc. «Ces prestataires ont émergé grâce aux nouvelles technologies du digital mais également en raison de l’attractivité de leurs prix, de la dématérialisation de leur canal de distribution ou encore de leur facilité d’usage», précise Julien Chambert, directeur des ventes et conseils d’Avexia Voyages. C’est ainsi que ces acteurs de l’économie partagée (Airbnb, Uber, etc.), après s’être imposés sur le créneau du voyage loisir, commencent à investir le marché du voyage d’affaires.

 

Vers une complexification de la gestion du voyage d’affaires

Les outils technologiques mis à la disposition des entreprises (systèmes de réservations dédiés aux entreprises, applications mobiles, paiements virtuels, etc.) ainsi que les intermédiaires intervenant sur la chaîne de valeur du voyage (TMC, acteurs de l’openbooking, fournisseurs de voyages classiques et low cost) tendent à se multiplier. Or, cette évolution de l’offre et des comportements d’achat a un impact direct sur les budgets voyages de certaines entreprises et leur capacité à les piloter. «Ces changements ne sont pas sans conséquence sur les coûts indirectsliés à la récupération, à la consolidation, au traitement et à l’analyse de la donnée, ajoute Julien Chambert. Par ailleurs, toute la difficulté aujourd’hui consiste à collecter des données issues de nouvelles sources mais surtout à les interpréter de façon productive pour l’entreprise. L’objectif de cette démarche est financier. Cependant, elle a aussi pour vocation d’améliorer la qualité du voyage et donc, la satisfaction du collaborateur en déplacement, sa performance et sa sécurité.»

Du big data au smart data

Alors que le volume des données à traiter augmente simultanément à celui des acteurs de la place, la notion de big data dans le voyage d’affaires trouve donc plus que jamais tout son sens. En effet, ce concept n’induit pas uniquement le stockage d’un nombre extrêmement important de données mais son utilisation selon plusieurs critères (variété des sources, vitesse d’analyse, pertinence, etc.). Il permet aussi le traitement complexe d’un grand nombre d’informations dans un temps très réduit de manière à accompagner les prises de décision et le pilotage des activités. Aujourd’hui, les prestataires du voyage d’affaires parlent cependant davantage de smart data que de big data. «L’objectif du smart data consiste à se focaliser davantage sur un ensemble de données utiles, simples à obtenir et à analyser, fiables et définies, explique Julien Chambert. Une bonne analyse de la donnée permet de faire des simulations de politique voyage entreprise et de proposer des stratégies en la matière économiquement viables tout en étant bénéfiques aux collaborateurs.»

 

Améliorer la visibilité sur les coûts 

Ainsi, pour bénéficier d’une vision globale de leurs dépenses, en optimiser le pilotage et mieux suivre les voyageurs, les sociétés cherchent naturellement à consolider leurs données d’une façon globale. Afin de bien appréhender cette nouvelle situation, l’entreprise doit mettre en place les interfaces technologiques qui lui permettront d’intégrer dans ses systèmes les données nécessaires au reporting et de tracer ainsi les dépenses de voyage. De nombreux outils sont alors à sa disposition. Certains couvrent une partie de la chaîne de valeur comme les centrales de réservation et les fournisseurs directs du voyage (rail, avion, hôtellerie), d’autres la couvrent plus largement et jouent ainsi le rôle d’agrégateurs de données, à l’instar des opérateurs de cartes de paiement ou des agences de voyages prenant en charge la réservation, le paiement du voyage, les restaurants, etc. Les opérateurs de cartes offrent par exemple un reporting consolidé des dépenses ainsi qu’une possibilité d’intégration des données de facturation au système comptable de l’entreprise. «A travers les solutions telles que les cartes logées, nous pouvons par exemple restituer aux entreprises des données de niveau 3 qui correspondent au détail des achats réalisés auprès des agences de voyages, explique John Baird Smith, directeur général France AirPlus International. Elles peuvent être complétées avec les données issues des cartes corporate, qui intègrent notamment les frais de taxis et de restaurant, ou avec celles issues des cartes virtuelles.» Les TMC, de leur côté, ont généralement pour vocation de fournir un reporting de leurs propres données qu’elles enrichissent avec des données de tiers telles que celles issues des moyens de paiement. «Au-delà des données agences, nous avons ainsi la capacité de récupérer les données des plateformes de réservation hôtelière, des cartes corporate ou encore des outils de gestion de notes de frais», indique Sébastien Marchon, directeur business consulting d’American Express GBT. Les agences de voyages jouent ainsi un véritable rôle d’agrégateurs de données provenant de différentes sources. Enfin, il existe des outils end-to-end comme les Self Booking Tools et les outils de gestion de la dépense qui viennent s’interfacer avec les systèmes comptables de l’entreprise afin d’automatiser les processus de remboursement. A travers ces solutions, les entreprises gèrent leurs voyages depuis l’expression du besoin jusqu’au paiement en passant par la réservation, la gestion des frais ou encore le reporting. Elles peuvent donc capter les données sur l’ensemble de la chaîne de valeur. «A l’heure actuelle, les entreprises ne peuvent aller à l’encontre de l’open booking, explique Paul Ponçon, directeur du business development de Concur. C’est la raison pour laquelle notre solution se connecte avec les différents outils des prestataires du voyage, y compris les nouveaux acteurs tels qu’Airbnb ou G7 auprès de qui nous récupérons l’ensemble des données

Exploiter les smart data

Une fois les donnés récupérées et consolidées, leur bonne interprétation passera par la définition précise des indicateurs que l’entreprise souhaite étudier et la mise en place d’outils de business intelligence permettant de les exploiter. Ces outils sont généralement proposés par les agences, opérateurs de cartes ou fournisseurs de solution de gestion des voyages d’affaires. «Nous préconisons ensuite aux entreprises de mettre en place des rapports standard qui leur permettent notamment de vérifier les écarts entre les prestations facturées et celles qui ont été négociées avec les fournisseurs ou de suivre les principaux fournisseurs», explique Paul Ponçon. A partir de ces différents indicateurs, elles pourront mettre en place les actions de correction ou d’ajustement qui s’imposent pour optimiser le pilotage du poste de dépense voyages d’affaires et le suivi des déplacements. Les entreprises renforceront également ainsi leur pouvoir de négociation auprès de leurs prestataires du voyage. 

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