Les Rencontres Private Equity

Mécanismes de détermination du prix : comment les fonds s’adaptent-ils au nouvel environnement induit par la crise ?

Publié le 23 avril 2021 à 11h00

Chloé Enkaoua

Le monde d’avant est-il définitivement révolu pour les opérations de private equity ? Les mécanismes d’ajustement de prix qui reviennent actuellement sur le devant de la scène et rebattent les cartes des négociations, à l’instar du « locked box », peuvent le laisser croire. Pour les fonds, l’heure est donc à l’adaptation.

Après le temps de l’accompagnement des entreprises, en 2020, vient cette année celui de la reprise pour les acteurs du capital-investissement. Une reprise toutefois « principalement fléchée vers certains actifs » selon Pierre Meignen, managing director d’Eurazeo PME, ainsi que sur des acteurs résilients qui évoluent dans des secteurs plutôt protégés tels que la technologie ou les services à l’industrie. Le marché reste donc compétitif et, dans l’ensemble, les mécanismes en matière d’ajustement de prix restent les mêmes que lors de la crise financière de 2008. « La principale différence réside dans l’ampleur des enjeux de transformation, assure Lionel Gouget, ancien directeur financier. On est actuellement sur une crise beaucoup plus transformante, avec un impact très fort sur les habitudes de consommation et la manière de travailler, et beaucoup de business models volent en éclats. »

La crise étant cette fois-ci sanitaire, l’aléa réglementaire est également plus important. « Cela incite toutes les parties à une prudence accrue dans le cadre des due diligences et des garanties qui peuvent être demandées par les vendeurs, commente Guillaume Briant, associé en corporate chez Stephenson Harwood. En ce qui concerne les mécanismes d’ajustement de dette nette ou de BFR, c’est assez compliqué actuellement car les entreprises sont confrontées à des délais de paiement. » D’où un recours accru au mécanisme de « locked box », qui permet d’avoir un prix fixe et offre ainsi plus de prévisibilité au vendeur. « Nous avons récemment fait l’objet de deux acquisitions successives et dans les deux cas, nous avons eu recours au “locked box”, témoigne Philippe Salats, CFO de l’entreprise Photonis. La deuxième fois, lors de la finalisation du prix de l’equity, davantage d’attention a été portée sur la normalisation du BFR, et en particulier sur l’impact de la Covid-19. »

Besoin de protection

Pour Pierre Meignen, 2020 aura été marquée par une grande solidarité des acteurs du private equity autour de ces sujets de financement. « Il y a tout de même un travail à effectuer pour s’assurer de bien comprendre le bilan des actifs que l’on regarde. Par ailleurs, en 2021 se posera la question de ce que l’on fait du PGE : doit-on le rembourser, le transformer dans un prêt moyen terme ou décaler la discussion à la sortie de crise ? Pour l’instant, le flou règne. » En attendant de retrouver davantage de visibilité, Guillaume Briant note actuellement un recours accru aux clauses d’earn-out. « L’acquéreur a besoin de protection et veut avoir son mot à dire sur les décisions importantes qui concernent l’actif qu’il est en train d’acheter, et souhaite limiter les risques d’immixtion au cas où la transaction ne se ferait pas », explique l’avocat, qui s’attend également à un impact du renforcement des contrôles des investissements étrangers sur le calendrier des transactions, ainsi que sur les valorisations. « Cela s’est renforcé lors du premier confinement avec l’ajout des biotechs dans les secteurs soumis à contrôle, et suite à l’opposition du gouvernement au rachat de Carrefour », illustre-t-il. Cela dissuadera-t-il certains fonds de private equity d’investir, de peur de ne plus pouvoir ensuite revendre leur part à des investisseurs étrangers ? Affaire à suivre. 

2021 : année de la finance durable

L’éveil des consciences face à l’urgence climatique impacte également le capital-investissement. Emilie Bobin, associée chez PwC, évoque ainsi l’émergence d’une « finance durable ». Les démarches ESG deviennent de plus en plus stratégiques ; 30 % des acteurs du capital-investissement français souhaitent désormais l’intégrer systématiquement dans les due diligences commerciales et stratégiques. « Il y a eu une accélération des enjeux ESG avec la crise sanitaire, commente Emilie Bobin. C’est véritablement vu comme un élément de résilience et d’absorption des chocs. » Une évolution qui s’observe jusque dans les directions financières des grands groupes, mais aussi dans les opérations de financement, dans lesquelles lier les taux d’emprunts à des critères ESG devient une norme. Ce changement de paradigme apparaît clairement dans la nouvelle étude internationale de PwC sur l’investissement responsable des fonds de private equity : en France, 85 % des acteurs du capital-investissement disent avoir déjà mis en œuvre (ou prévoient de mettre en œuvre au cours de la prochaine année) des actions concrètes pour prendre en charge la question des risques et opportunités liés aux changements climatiques, mais aussi pour suivre l’empreinte carbone de leurs investissements (83 %) et adopter une stratégie de neutralité carbone (63 %). La croissance verte appelée de ses vœux par Bruno Le Maire est bel et bien en route…

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