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Régulation

Gouverner internet, c’est possible !

Publié le 26 juillet 2019 à 10h25    Mis à jour le 26 juillet 2019 à 16h09

Olivia Dufour

Un récent rapport remis à Cédric O, secrétaire d’Etat chargé du numérique, liste 55 propositions pour réguler les géants du secteur internet, en s’inspirant de l’exemple de la finance.

Le titre du rapport que vient de remettre le professeur d’université Marie-Anne Frison-Roche à Cédric O est aride, mais il ne faut pas s’y tromper. Intitulé «l’apport du droit de la compliance à la gouvernance d’internet», il développe une vision organisée et très cohérente de ce que pourrait être à l’avenir la régulation du numérique, pour peu que l’on songe à se servir de la compliance. A l’heure actuelle, tout le monde s’accorde sur le diagnostic : les géants du numérique sont devenus si puissants qu’il faut se mettre en capacité soit de les démanteler comme certains le réclament concernant Facebook, soit de les réguler. Marie-Anne Frison-Roche est spécialisée dans le droit de la régulation. Pour elle, c’est dans la compliance que se trouve la solution. Puisque ces géants sont mondiaux alors que les Etats demeurent limités par les frontières et que de toute façon ils ne semblent plus en capacité de surveiller et sanctionner eux-mêmes ex post, c’est-à-dire quand les fautes ont été commises, alors il faut agir ex ante, avant que les infractions ne surviennent.

C’est précisément à cela que sert la compliance. Il s’agit donc pour les Etats de définir des buts d’intérêt supérieur,

autrement dit des objectifs d’intérêt général, par exemple la transition énergétique, l’interdiction de la traite des êtres humains ou encore la lutte contre les contenus haineux sur internet, et d’exiger des acteurs dits «cruciaux», parce qu’ils ont les compétences et les moyens de le faire, de servir ces buts, en leur donnant des pouvoirs de régulateurs et en les plaçant eux-mêmes sous le contrôle d’un superviseur. En réalité, pour «gouverner internet», ce qui est proposé est une transposition pure et simple de ce qui se pratique quotidiennement en finance. «Euronext est à la fois un acteur privé en tant qu’entreprise de marché et un régulateur de second degré à qui l’on a conféré des pouvoirs de surveillance du bon fonctionnement des transactions financières, sous le contrôle de l’AMF. Il s’agit donc simplement de transposer ce modèle aux géants du numérique», explique Marie-Anne Frison-Roche. On aperçoit d’ailleurs le début de la mise en place de ces mécaniques, par exemple lorsque la député Laetitia Avia décide, pour lutter contre les contenus haineux sur internet, de demander aux plateformes d’intervenir elles-mêmes sous le contrôle d’un régulateur, à savoir en l’espèce le CSA. Mais alors, qui chargerait-on dans un tel modèle de superviser les GAFAM ? «Il ne faut pas créer un nouveau superviseur mais plutôt activer ceux qui existent déjà et qui pourront intervenir chacun pour leur part dans un “intermaillage”. L’Arcep, la CNIL ainsi que l’ACPR et l’AMF si par exemple Facebook met son projet de battre monnaie à exécution. Les “opérateurs numériques cruciaux” seront ainsi régulés par l’effet du maillage des autorités de régulation existantes», explique l’auteure du rapport.

Défendre une vision européenne humaniste

Si le gouvernement français a commandé ce rapport, c’est qu’il se prépare déjà aux négociations à venir à l’échelon européen. Or, il se trouve que l’Europe a une carte importante à jouer dans le monde sur ce terrain. «Les géants du numérique sont le produit de la liberté d’entreprendre. Il ne faut pas brider cette liberté qui a donné naissance à une révolution aussi importante que l’invention de l’imprimerie, mais il...

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