La loi Pacte vise à introduire un régime spécifique applicable aux offres de jetons, dits tokens. Même si des évolutions rédactionnelles sont à prévoir, en particulier sur la problématique de l’accès au compte, ce texte innovant et souple est propre à simplifier et sécuriser les émissions de crypto-actifs. De quoi augurer le développement d’un marché dédié sur la place parisienne.
Par Jérôme Sutour, avocat associé et Karima Lachgar, avocat counsel – head of market intelligence & regulatory watch, CMS Francis Lefebvre Avocats
L’intérêt pour les applications de la blockchain et, en particulier, des initial coins offerings (ou émissions de jetons) a conduit le législateur français à poursuivre les travaux remarquables de l’Autorité des marchés financiers (AMF) et à inscrire dans le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises («Pacte») un régime spécifique concernant les offres de jetons ou tokens.
A titre préliminaire, on rappellera que les jetons sont traditionnellement classés en trois familles :
– les securities tokens rattachés, compte tenu de leurs caractéristiques, à la catégorie des instruments financiers. A cet égard, le droit français reconnaît expressément la possibilité pour certains titres financiers d’être inscrits au nom du propriétaire des titres, dans un dispositif d’enregistrement électronique partagé (plus communément appelé blockchain) ;
– les utility tokens qui donnent droit à leur porteur d’obtenir, le plus souvent de l’émetteur, des services ou des biens ; et
– les payment tokens auxquels aucun droit à obtenir un bien ou service n’est attaché et dont la finalité première est celle d’être utilisés comme instruments d’échange.
Ces différentes formes de jetons sont soumises aux régimes juridiques applicables à leur nature : les securities tokens doivent satisfaire aux règles en matière d’offre au public de titres financiers, tandis que les utility tokens sont assujettis à la législation sur l’intermédiation en biens divers dès lors que leur offre est réalisée en mettant en avant la possibilité d’un rendement financier direct ou indirect ou ayant un effet économique similaire. Enfin les payment tokens sont partiellement soumis à la réglementation applicable aux services de paiement et à la monnaie électronique lorsqu’est réalisée la conversion de tels tokens en une monnaie ayant cours légal ou lorsque leur valorisation est adossée à une monnaie ayant cours légal (stable coins).