La lettre de l'immobilier

Février 2018

L’abus de droit s’applique aux stipulations des conventions fiscales

Publié le 9 février 2018 à 14h53

Julien Saïac et Mary Lédée

Dans un arrêt du 25 octobre 2017, le Conseil d’Etat a refusé l’application des dispositions de la convention fiscale franco-luxembourgeoise dans sa version antérieure à l’avenant du 24 novembre 2006 en se fondant sur la notion d’abus de droit prévue par l’article L64 du Livre des procédures fiscales.Les faits de l’espèce, assez simples, étaient les suivants.

Par Julien Saïac, avocat associé en fiscalité. Il traite plus particulièrement des questions relatives aux restructurations internationales et aux investissements immobiliers. julien.saiac@cms-fl.com et Mary Lédée, avocat en fiscalité. Elle intervient en matière de fiscalité transactionnelle et conseille les entreprises au quotidien principalement dans le secteur immobilier (structuration des acquisitions, accompagnement dans le cadre des négociations et en matière de rédaction des clauses fiscales des actes, réalisation d’audits). mary.ledee@cms-fl.com

Par un arrêt du 10 mars 1993, la Cour de cassation avait jugé que la fixation du loyer renouvelé d’un bail commercial comportant un loyer binaire échappe au statut des baux commerciaux et n’est régie que par la volonté des parties. C’est la raison pour laquelle les baux à loyer binaire prévoient généralement de fixer le LMG à la valeur locative lors du renouvellement.

Une décision de la cour d’appel de Bordeaux du 9 janvier 2013, puis un arrêt rendu le 4 septembre 2014 par la cour d’appel de Limoges, ont contesté le droit pour les parties de faire appel au juge des loyers commerciaux pour fixer le LMG à la valeur locative, au motif que ce juge ne dispose d’aucun pouvoir pour statuer sur un loyer dont les modalités de fixation sont prévues contractuellement.

Par un arrêt du 9 septembre 2014, la Cour de cassation a confirmé la décision de la cour d’appel de Bordeaux. Cette décision portait toutefois sur un bail dont la clause de fixation du LMG ne prévoyait pas la possibilité de faire appel au juge des loyers commerciaux. Plusieurs auteurs en ont conclu qu’il était licite de prévoir, d’une part, la fixation du LMG à la valeur locative et, d’autre part, la compétence du juge des loyers commerciaux en cas de désaccord. Une telle conclusion a été validée par l’arrêt rendu le 3 novembre 2016 par la Cour de cassation, énonçant que : «La stipulation selon laquelle le loyer d’un bail commercial est composé d’un loyer minimum et d’un loyer calculé sur la base du chiffre d’affaires du preneur n’interdit pas, lorsque le contrat le prévoit, de recourir au juge des loyers commerciaux pour fixer, lors du renouvellement, le minimum garanti à la valeur locative.»

Cette décision semblait définitivement fermer le ban d’une controverse vieille de près de trente ans.

C’était sans compter l’arrêt rendu le 30 septembre 2017 par la cour d’appel de Versailles dans lequel le preneur avait soutenu que la clause du bail prévoyant de donner compétence au juge des loyers commerciaux pour fixer le LMG à la valeur locative était contraire à la règle d’ordre public, énonçant que «la compétence des juridictions en raison de la matière est déterminée par les règles relatives à l’organisation judiciaire et par des dispositions particulières». La Cour d’appel a suivi le raisonnement en considérant que «si les parties ont la libre disposition de définir les règles de fixation du loyer de renouvellement, elles n’ont pas celle d’attribuer au juge une compétence qu’il ne tire que de la loi et de lui imposer, qui plus est, d’appliquer la loi dans les conditions qu’elles-mêmes définissent». Par cette décision, la cour d’appel de Versailles s’est placée en contradiction totale avec la Cour de cassation. Cet arrêt a toutefois fait l’objet d’un pourvoi, qui donnera peut-être l’occasion à la juridiction suprême d’apporter un énième rebondissement à ce feuilleton judiciaire.

Si la Cour de cassation rend sa décision à venir au visa de l’article L.145-33 du Code de commerce, comme elle l’avait fait dans son arrêt du 3 novembre 2016, peut-être conditionnera-t-elle la validité d’une clause attribuant compétence au juge des loyers commerciaux, au respect des critères légaux définissant la valeur locative et énoncés à cet article. Dans l’intervalle, il est permis de rechercher des solutions alternatives, en privilégiant par exemple l’usage des clauses d’arbitrage.

1. C’est ainsi le cas de la clause anti-abus générale de la convention multilatérale de l’OCDE du 7 juin 2017.


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Par un arrêt du 19 septembre 2017 (RG 16/03805), la cour d’appel de Versailles a relancé le long débat sur la validité des clauses prévoyant, en cas de renouvellement d’un bail commercial, la révision à la valeur locative de la partie fixe d’un loyer binaire.

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