La lettre de l'immobilier

Décembre 2014

Les clauses incompatibles avec le bail à construction : la qualification du contrat supplante désormais la clause

Publié le 28 novembre 2014 à 14h52    Mis à jour le 28 novembre 2014 à 16h04

Jean-Luc Tixier, avocat associé

Le bail à construction confère au preneur un droit réel immobilier spécial sur un immeuble ; les libres hypothèques et cessions, la liberté de consentir certaines servitudes, le caractère saisissable, la propriété des constructions édifiées en découlent directement. Corrélativement, c’est au preneur qu’il incombe de conserver les constructions édifiées en bon état d’entretien et de supporter les charges et réparations.

Par Jean-Luc Tixier, avocat associé, spécialisé en droit immobilier et droit public.

Il assiste tant en matière de conseil que de contentieux des entreprises commerciales et industrielles et intervient auprès des promoteurs en matière de droit de l’urbanisme, de construction, de vente et location d’immeubles, de baux emphytéotiques et à construction. Il est chargé d’enseignement à l’Université de Paris I.

Jusqu’alors, les clauses contrevenant à ces caractéristiques essentielles entraînaient la disqualification en bail ordinaire ou, le cas échéant, commercial statutaire.

Sur ces différents points, rien ne semblait devoir différencier le bail à construction du bail emphytéotique1 ; c’est pourquoi les solutions affirmées en matière de bail emphytéotique ont toujours été considérées comme transposables, mutatis mutandis, au bail à construction.

Toute stipulation organisant (solidarité par exemple), limitant2 ou prohibant la cession d’un bail emphytéotique entraînait sa disqualification3. Il en était de même si le bailleur prévoyait de se substituer au preneur et faisait exécuter les réparations4. Enfin, la Cour de cassation affirmait que la stipulation d’une clause de résiliation de plein droit de l’emphytéose en cas de non-paiement du loyer conférait à la jouissance de l’emphytéote une précarité incompatible avec la constitution d’un droit réel5 et entraînait la disqualification du contrat.

Un arrêt récent vient bouleverser cet ordonnancement en affirmant que le bail à construction conférant au preneur un droit réel immobilier, la clause qui soumet la cession à l’agrément du bailleur constitue une restriction au droit de céder du preneur contraire à la liberté de cession et elle est nulle et de nul effet (Cass. 3e civ. 24 septembre 2014 n° 13-22 357 [n° 1082 FS-PB], Carrefour c/ SCI Synergie HM).

La Cour de cassation adopte ainsi une interprétation large de la liberté de cession édictée par l’article L. 251-3 du CCH, lequel est d’ordre public (art. L. 251-8), mais fait surtout désormais prévaloir la qualification du contrat sur les clauses incompatibles et neutralise ces dernières en conséquence, rompant avec la jurisprudence antérieure rappelée plus haut.

Ce revirement suscite plusieurs interrogations :

– la sanction de la clause limitant irrégulièrement la cession différerait-elle désormais, selon qu’elle est insérée dans un bail à construction (nullité de la clause) ou dans un bail emphytéotique (disqualification du bail), sachant que pour ce dernier la libre cession n’est pas d’ordre public ? Est-elle au contraire nulle dans les deux cas ? La très grande proximité des situations contractuelles semble devoir militer en faveur d’une réponse positive à cette dernière question ;

– la sanction de la clause limitant irrégulièrement la cession est-elle aussi susceptible de s’appliquer aussi aux clauses d’un bail à construction qui ne sont pas d’ordre public mais sont considérées comme essentielles en raison du caractère de droit réel immobilier (libre location, libre hypothèque, obligation d’entretien et de réparation, etc.) ?

1. A l’exception de la stipulation d’une destination des constructions contractuelles, jugée valable en matière de bail à construction (Cass civ. 3e, 7 avril 2004).

2. Un bail non librement cessible ne peut pas être emphytéotique, compte tenu du caractère essentiel présenté par la libre cession dans un tel contrat – V . Cass. 3e civ. 10-4-1991 : RJDA 6/91 n° 471 et Cass. civ. 3e, 29 avril 2009 n° 08-10.944 jurisdata 2009-047969.

3. V. supra note 2.

4. Cass. 3e civ. 7 octobre 1992 : RJDA 12/92 n° 1113.

5. 3e civ. 14 novembre 2002, n° 1655 : RJDA 2/03 n° 124.


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