La lettre de l'immobilier

Juin 2013

Bail commercial : une qualification fiscale autonome

Publié le 17 décembre 2013 à 10h42    Mis à jour le 12 mars 2014 à 10h09

Christophe Frionnet et Stéphanie Némarq

Ce n’est pas parce qu’un contrat de bail est conclu entre les parties sous le cadre juridique du bail commercial que les revenus qu’en retire le bailleur doivent être soumis à l’impôt dans la catégorie des bénéfices commerciaux lorsque celui-ci est une personne physique.

Par Christophe Frionnet, avocat associé spécialisé en fiscalité et Stéphanie Némarq, avocat.

Si le bailleur est une entreprise commerciale dont les résultats sont soumis aux bénéfices industriels et commerciaux (BIC), il en sera de même des revenus locatifs quelles que soient les caractéristiques du bail.

En revanche, pour un particulier, il y a lieu de rappeler que le Code général des impôts prévoit une qualification des revenus locatifs selon des caractéristiques indépendantes :

– si le bail porte sur des locaux meublés ou équipés, le bailleur est soumis à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ;

– si le bail porte sur des locaux nus, les revenus locatifs relèvent au contraire de la catégorie des revenus fonciers, même si le bail est de nature commerciale au plan juridique.

Des exceptions à cette deuxième hypothèse sont toutefois à relever.

Si le bail prévoit la fourniture par le bailleur d’autres prestations de services (gardiennage, nettoyage, informatique, etc.), la location sera qualifiée de commerciale au plan fiscal. De même, si le contrat prévoit un loyer, ne serait-ce qu’en partie indexé sur les résultats du locataire (chiffre d’affaires, bénéfices, etc.), le bailleur sera réputé participer indirectement à l’activité commerciale du preneur, même s’agissant d’une location nue sans prestation de services (en ce sens, CE 11/12/2009 n° 301504, SCI Aristide Briand).

Cette règle impose une grande vigilance, notamment pour les bailleurs qui investissent par l’intermédiaire d’une SCI, laquelle pourrait se trouver automatiquement soumise à l’impôt sur les sociétés (IS) du fait de l’assujettissement de ses résultats à l’impôt dans la catégorie des BIC.

Notons à ce sujet que l’administration fiscale admet qu’une société civile puisse exercer une activité commerciale de manière accessoire sans pour autant remettre en cause sa translucidité fiscale si «le montant hors taxes de [ses] recettes de nature commerciale n’excède pas 10 % du montant de [ses] recettes totales HT» (BOI-IS-CHAMP-10-30-20120912 n° 320).

Un franchissement occasionnel de ce seuil de 10 % peut même être admis, mais à condition que la moyenne des recettes hors taxes de l’année en cours et des trois années précédentes n’excède pas 10 %. Attention toutefois, ce n’est pas parce que le montant du loyer fixe perçu par une SCI représenterait plus de 90 % de ses recettes – la part variable de loyer étant pour sa part inférieure à 10 % – que la société échappera à l’IS. En effet, l’existence même d’une clause de variabilité impliquera que la totalité du loyer – y compris la partie fixe – relève d’une activité commerciale, la SCI ne pouvant dès lors pas se prévaloir de cette tolérance administrative.

A titre d’exemple, lorsque le loyer a été fixé d’après un pourcentage du bénéfice annuel de la société locataire, payable par acomptes définitivement acquis et s’élevant à 10 % des recettes brutes, le Conseil d’Etat a jugé qu’un tel mode de calcul entraînait la participation de la société civile bailleresse aux résultats commerciaux de la société locataire. Par suite, elle était passible de l’IS (en ce sens, CE 03/03/1976).

Relevons enfin que, même si, au vu des résultats du locataire, le montant du loyer variable est nul, la seule présence de la clause dans le bail suffira pour que l’intégralité des loyers perçus soit considérée de nature commerciale. De même, la circonstance que le bailleur s’abstienne de percevoir la part variable stipulée au contrat de bail ne suffirait pas à ôter leur caractère commercial aux loyers perçus par la SCI (en ce sens, CE 28/05/1984).


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La franchise de loyers ne serait-elle plus une réduction de loyers ?

Gaëtan Berger-Picq

Pour certains services fiscaux, la franchise de loyers consentie en contrepartie d’un engagement ferme sur la durée du bail serait un leurre, cachant un paiement des loyers par compensation avec un service rendu par le locataire, consistant dans l’engagement pris sur la durée ferme supérieure au minimum légal. Cette théorie repose sur un fondement très discutable et met en danger la sécurité juridique établie jusqu’alors sur le sujet. Il est donc urgent de clarifier la situation.

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