La lettre de l'immobilier

Juin 2013

Le traitement fiscal de l’indemnité d’éviction : une équation à plusieurs inconnues

Publié le 17 décembre 2013 à 11h11    Mis à jour le 12 mars 2014 à 10h09

Elisabeth Ashworth et Frédéric Gerner

Le traitement fiscal de l’indemnité d’éviction varie selon son objet et le statut fiscal de son bénéficiaire. Une attention particulière doit donc être portée aux conditions de l’indemnisation et à sa formalisation.

Par Elisabeth Ashworth, avocat associé, responsable des questions de TVA au sein du département de doctrine fiscale de CMS Bureau Francis Lefebvre et Frédéric Gerner, avocat en fiscalité.

L’indemnité d’éviction, légalement due par le bailleur à l’entreprise locataire dont le bail est résilié ou n’est pas renouvelé (cf. article L. 145 s. du code de commerce), reçoit un traitement fiscal qui dépend, pour le bailleur, du motif de l’éviction, et pour le preneur, de la nature de la charge ou du préjudice qu’elle compense.

Pour le bailleur, l’indemnité d’éviction est ainsi susceptible de constituer le prix de revient d’un élément d’actif si elle lui permet de reprendre l’exploitation du locataire, de vendre ou démolir l’immeuble, ou de l’affecter à un usage d’habitation. En revanche, elle constituera une charge déductible de son résultat imposable si l’éviction a pour objet d’améliorer les conditions financières de la location ou d’y exercer une activité différente de celle du locataire.

Pour le preneur, l’indemnité d’éviction représentera un produit d’exploitation immédiatement imposable dans les conditions de droit commun lorsqu’elle aura pour objet de compenser une charge (frais de remploi, frais de déménagement, etc.) ou un manque à gagner (perte de recettes futures). Si elle est destinée à compenser la perte d’un élément d’actif (droit au bail ou fonds de commerce notamment), elle suivra le régime des plus-values : cette qualification pourra avoir un intérêt particulier si les bénéfices de l’entreprise locataire sont soumis à l’impôt sur le revenu (et non à l’IS), puisqu’elle pourra ouvrir droit à un régime d’imposition à taux réduit, voire à une exonération (applicable, sous certaines conditions, aux plus-values réalisées par les PME).

Le cas échéant, l’indemnité sera divisée en deux fractions, l’une compensant la perte d’éléments d’actifs, et l’autre des charges. Pour apprécier la nature de la charge ou de la perte couverte par l’indemnité, seront pris en compte tant la rédaction de l’acte formalisant l’accord entre les parties que la réalité des faits (conditions de la résiliation du bail, valeur réelle du droit au bail, sort de l’entreprise locataire, etc.).

Au regard de TVA, il y a lieu de rechercher, quelle que soit la qualification donnée par les parties, si la somme versée a pour objet de réparer le préjudice subi par son bénéficiaire ou si elle constitue en réalité la contrepartie d’un service rendu en l’espèce au bailleur.

Dans la première hypothèse, l’indemnité n’est pas imposable à la TVA et n’a pas d’incidence sur la situation de son bénéficiaire au regard des droits à déduction.

Dans la deuxième, la somme entre dans le champ d’application de la taxe et doit éventuellement y être soumise à raison des règles applicables à l’opération dont elle constitue en réalité la contrepartie. Pour distinguer selon que tout ou partie de l’indemnité entre ou non dans le champ d’application de la TVA, il y a donc lieu, là aussi, de procéder à une analyse précise des faits et des stipulations convenues entre les parties.

Ainsi, tandis que l’indemnité d’éviction à l’expiration d’une période triennale du bail répare, en tant que telle, le préjudice subi par le preneur et n’est pas en principe imposable à ce titre, la somme perçue par le locataire du fait de la libération anticipée des locaux est susceptible de constituer la contrepartie d’un service rendu au bailleur, le juge communautaire estimant même alors que ce service est couvert par les règles de TVA applicables à la location immobilière.


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