La lettre de l'immobilier

Mars 2013

La société civile, garante de tiers : attention, terrain miné !

Publié le 17 février 2014 à 16h44    Mis à jour le 12 mars 2014 à 10h10

Christophe Blondeau et Cécile Sommelet

Il est fréquent que les sociétés civiles consentent des sûretés réelles sur leurs actifs en vue de garantir des engagements pris par des tiers, notamment les engagements souscrits par les sociétés d’exploitation au sein d’un même groupe. Une hypothèque prise sur l’immeuble social apparaît en effet pour les créanciers du tiers débiteur, notamment pour les banques prêteuses, comme une garantie plus efficace qu’une sûreté personnelle ou un nantissement de parts sociales.

Par Christophe Blondeau, avocat associé, spécialisé en droit des sociétés et Cécile Sommelet, avocat en droit des sociétés.

Cependant, la validité des garanties consenties par une société civile nourrit depuis de nombreuses années une abondante jurisprudence dont l’analyse et les derniers développements invitent à la plus grande prudence. Contrairement aux sociétés par actions qui sont engagées même par les actes qui n’entrent pas dans l’objet social, les sociétés de personnes et, notamment les sociétés civiles, sont régies par un principe de spécialité : la société n’est engagée que par les actes pris par son gérant qui entrent directement dans l’objet social. Or, il est peu fréquent que l’octroi de garanties au profit de tiers, y compris des sociétés d’un même groupe, soit expressément inclus dans l’objet social d’une société autre qu’un établissement de crédit.

Toutefois et afin d’assurer la sécurité juridique des créanciers, la Cour de cassation avait progressivement dégagé trois critères alternatifs auxquels était subordonnée la validité des garanties consenties par une société civile :

- l’octroi de garantie au profit de tiers entre directement dans l’objet social de la société civile;

- l’octroi de garantie n’entre pas dans l’objet social mais a été autorisé à l’unanimité des associés;

- l’octroi de garantie n’entre pas dans l’objet social mais il existe une communauté d’intérêt entre la société garante et le tiers garanti.

Toutefois, c’est sur le terrain de l’intérêt social – lequel rejoint celui de la communauté d’intérêts entre la société garante et le débiteur garanti – que la Cour de cassation s’est placée plus récemment pour apprécier la validité des garanties octroyées par les sociétés civiles. En effet, par deux arrêts en date du 8 novembre 2011 et du 12 septembre 2012, la chambre commerciale suivie par la chambre civile ont considéré qu’une sûreté consentie par une société civile doit, pour être valable, non seulement résulter du consentement unanime des associés, mais également ne pas être contraire à son intérêt.

Le critère d’appréciation de la contrariété à l’intérêt social semble résider pour la Cour de cassation dans la mise en cause de l’«existence de la société». Dans son arrêt du 12 septembre 2012, la chambre civile a, en effet, cassé l’arrêt d’appel pour ne pas avoir recherché «si la garantie consentie par la SCI n’était pas contraire à son intérêt social au motif que la valeur de son unique bien immobilier était inférieure au montant de son engagement et qu’en cas de mise en jeu de la garantie, son entier patrimoine devrait être réalisé, ce qui était de nature à compromettre son existence même».

La jurisprudence dégagée par la Cour de cassation est de nature à constituer un facteur d’insécurité pour les créanciers dès lors que le concept d’intérêt social est délicat à définir. La Cour de cassation semble se fonder sur un critère objectif : la sûreté consentie est contraire à l’intérêt social dès lors qu’elle engendrerait la réalisation de son entier patrimoine.

Or, une société peut avoir un intérêt direct à l’opération garantie justifiant le risque pris quand bien même, par l’effet de la sûreté, elle prendrait le risque de perdre son unique actif. En l’état actuel de la jurisprudence de la Cour de cassation, les créanciers bénéficiaires d’une garantie consentie par une société civile ne peuvent donc se contenter d’une autorisation unanime des associés mais doivent se préoccuper de la proportionnalité du risque pris par la société par rapport à la valeur de son ou ses actifs et des rapports entre le tiers garanti et la société garante, afin de s’assurer de la validité de la sûreté consentie à leur profit.

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