La lettre de l'immobilier

Février 2019

Le coworking est-il soluble dans le droit de l’urbanisme ?

Publié le 8 février 2019 à 12h25

Florence Chérel et ves Delaire

«Le droit de l’urbanisme permet aux règles locales d’imposer […] une mixité de la destination “habitation” avec celle concernant les “activités des secteurs secondaire ou tertiaire” qui comprend une sous-destination “bureau” dans laquelle pourront être identifiées […] des activités de coworking.»

Florence Chérel, avocat associé en droit immobilier et droit public et Yves Delaire, avocat associé en droit public

Depuis 2000, le droit de l’urbanisme tend à atténuer les effets d’une répartition spatiale trop rigide des activités dans un zonage qui résulte de l’élaboration et de la mise en œuvre des documents d’urbanisme opposables aux constructeurs, notamment le plan local d’urbanisme. La diversité des fonctions urbaines figure en effet parmi les objectifs généraux de l’urbanisme (Code de l’urbanisme, article L.102-1) et le règlement du plan local d’urbanisme peut prendre en compte un objectif de mixité fonctionnelle (Code de l’urbanisme, article L.151-16). 

Cette préoccupation avait été invoquée en vue de fixer les nouvelles définitions des destinations et sous-destinations légales des bâtiments eux-mêmes. La liste de ces destinations et sous-destinations, mise à jour par le décret du 28 décembre 2015 et son arrêté d’application du 10 novembre 2016, doit notamment permettre de distinguer plus finement l’usage des constructions – tels que les locaux destinés à des bureaux, ceux destinés à des commerces et ceux destinés à des activités de services où s’effectue l’accueil d’une clientèle – et surtout la répartition de ces usages. 

Dès lors, le règlement du plan local d’urbanisme peut notamment définir : 

– des règles permettant d’imposer une mixité des destinations ou sous-destinations au sein d’une construction ou d’une unité foncière ;

– pour certaines destinations et sous-destinations, des majorations de volume constructible qu’il détermine en référence à l’emprise au sol et la hauteur ; 

– et des règles différenciées entre le rez-de-chaussée et les étages supérieurs des constructions (Code de l’urbanisme, article R.151-37). 

Ainsi, le droit de l’urbanisme permet aux règles locales d’imposer, par exemple, une mixité de la destination «habitation» avec celle concernant les «activités des secteurs secondaire ou tertiaire» qui comprend une sous-destination «bureau» dans laquelle pourront être identifiées par exemple des activités de coworking.

A cet égard, le plan local de l’urbanisme et de l’habitat de la Métropole de Lyon, en cours d’élaboration, prend en compte cette nouvelle réalité en évoquant, dans son rapport de présentation, l’émergence d’espaces de coworking et du télétravail. Plus précisément, le diagnostic général du plan local de l’urbanisme et de l’habitat indique avoir recensé huit espaces de coworking sur le Grand Lyon, comprenant 700 adhérents, et relève que le développement potentiel de cette nouvelle organisation du travail reste important. 

La Métropole de Lyon qualifie aussi de «tiers-lieux» les espaces qui facilitent tout à la fois l’accès à distance aux données numériques et l’interconnaissance, voire la créativité de leurs multiples usagers. Il peut s’agir d’espaces de coworking, de télécentres de travail, de points d’accès multi-services ou de sites d’apprentissage social des outils numériques. Le schéma de cohérence territoriale (SCOT) de l’agglomération lyonnaise préconise une plus forte mixité fonctionnelle en dehors des «sites économiques» pour des activités et services à faibles nuisances, et notamment, lorsque le contexte urbain le permet, notamment par la desserte en transports collectifs. 

Pour autant, si la création d’espaces de coworking est possible dans toutes les zones du projet de plan local de l’urbanisme et de l’habitat, les outils permettant une multifonctionnalité des immeubles en zone urbaine doivent être trouvés dans les dispositions relatives aux «linéaires toutes activités», c’est-à-dire le niveau de rez-de-chaussée des constructions nouvelles ou existantes, délimités par les documents graphiques du règlement. 

Parmi les activités autorisées figure en effet l’activité de bureau. En outre, le règlement du plan local de l’urbanisme et de l’habitat métropolitain comporte des «secteurs de mixité fonctionnelle» délimités par les documents graphiques dans lesquels il peut imposer, selon les cas, qu’un pourcentage de la surface de plancher d’un projet soit affecté à une destination ou une sous destination déterminée. Le respect de cette règle s’apprécie à l’échelle du terrain faisant l’objet du projet ou de chaque construction. Le réglement peut aussi imposer que le rez-de-chaussée et/ou les étages des constructions soient affectés à une destination ou à une sous-destination déterminée ou, au contraire, le cas échéant, interdire que certains rez-de-chaussée des constructions concernées soient destinés à une ou plusieurs destinations particulières.

Néanmoins, cette différenciation, voire la promotion de cette différenciation des usages à l’échelle d’une zone, ou d’un même immeuble, ne suffit pas à couvrir l’ensemble des situations et ne permet notamment pas d’appréhender le partage d’espaces.

Le plan local d’urbanisme de Paris a ainsi été spécialement adapté pour permettre la prise en compte de nouveaux usages protéiformes, notamment en faisant référence au coworking. Néanmoins, cet usage est retenu dans un cadre juridique précis – à savoir au titre des CINASPIC (constructions et installations nécessaires aux services publics et d’intérêt collectif)  – et restreint puisque recouvrant les locaux destinés à héberger des entreprises ou des travailleurs indépendants dans le contexte d’une politique de soutien à l’emploi (hôtels d’activités, pépinières, incubateurs, espaces de coworking). 

L’on constate en effet que l’évolution des usages conduit à une utilisation diversifiée, soit successive, soit concomitante, des mêmes surfaces. 

Il en est ainsi des espaces communs d’un immeuble de bureau dans lesquels peuvent être proposés des prestations commerciales, des services de restauration ou de mise à disposition d’espaces ouverts à d’autres usagers que les utilisateurs de l’immeuble de bureau, ou encore de salles de réunions ou de conférences d’un immeuble utilisées successivement, soit par les occupants des bureaux, soit par une école également présente dans l’immeuble. 

L’exercice consistera donc à définir in concreto, au cas par cas, à quelle catégorie de destination ou sous-destination il convient de rattacher les locaux. Le recours au caractère accessoire de tel ou tel usage des locaux concernés ne sera en effet pas toujours approprié.

Le coworking n’est donc pas complètement miscible avec les autres usages de l’immeuble dans lequel il est envisagé.


La lettre de l'immobilier

L’OPCI, véhicule idoine d’investissement dans l’immobilier collectif ?

Benjamin Bill et Frédéric Gerner

L’immobilier collectif prend des formes de plus en plus variées, qui conduisent à s’interroger sur les modalités de son financement et de sa détention. Différents types de véhicules ont été institués pour investir spécifiquement dans l’immobilier. Ils présentent chacun des contraintes ou particularités juridiques ou fiscales qui les rendent plus ou moins adaptés à l’investissement envisagé. Dans ce contexte, l’organisme de placement collectif immobilier (OPCI) s’impose à côté des sociétés civiles de placement immobilier (SCPI) comme un acteur majeur pour l’investissement dans l’immobilier collectif.

Lire l'article

Consulter les archives

Voir plus

Chargement en cours...