La lettre de l'immobilier

Septembre 2014

La location durable d’un stock immobilier : un oxymore fiscal ?

Publié le 19 septembre 2014 à 12h20    Mis à jour le 19 septembre 2014 à 15h57

François Lacroix

Une société soumise à l’IS peut-elle considérer fiscalement un immeuble durablement mis en location comme une immobilisation (et l’amortir), alors qu’il a été acquis pour être revendu ?

Par François Lacroix, avocat associé, spécialiste en fiscalité, CMS Bureau Francis Lefebvre.  Il intervient plus particulièrement dans les secteurs de la fiscalité immobilière, des services publics, des entreprises et des personnes morales publiques ou privées non lucratives.

Si un changement de destination fiscale est ultérieurement possible, implique-t-il nécessairement que soit prise à cet effet une décision des organes compétents ? Inversement, l’inscription comptable en immobilisations constitue-t-elle un événement ayant suffi à justifier que l’immeuble ait pu, fiscalement, être qualifié tel, et amorti ?

Telles sont les trois questions auxquelles, le 9 avril 2014 (SCI du Forum, n° 358 278), le Conseil d’Etat a dû répondre, à propos d’une SCI à double objet statutaire : «l’achat et la revente, avec possibilité d’opter pour le régime fiscal de “marchand de biens”, l’administration et l’exploitation par bail, location ou autrement des immeubles acquis par elle», tel celui en litige, à usage d’hôtel acheté en exonération de droits d’enregistrements (sous le régime des marchands de biens), et donné à bail commercial à une société nouvelle du groupe toujours exploitante dudit hôtel.

L’Administration avait d’abord contesté l’exonération des droits de mutation, en raison de l’inscription de l’immeuble en immobilisations due à son affectation locative. Mais sur ce point un arrêt d’appel définitif a validé cette exonération, par référence à son acquisition «dans une perspective de négoce», ce dont le Conseil d’Etat prend acte : s’écartant de l’approche manichéenne habituelle (location durable = immobilisation), son rapporteur public indique que la mise en place du bail commercial confortait l’intention initiale de revendre l’immeuble, par l’augmentation de sa valeur qu’il induisait du fait de la revalorisation du fonds qu’il abritait, rendue possible par son exploitation. Fort de cette qualification jurisprudentielle et s’appuyant sur ses décisions précédentes qualifiant de stocks fiscaux des immeubles donnés en location dans l’attente de leur revente, le Conseil d’Etat n’a donc pas pris ici en compte l’activité locative, jugeant qu’elle ne pouvait primer sur l’intention de revendre, précédemment qualifiée par le juge de l’enregistrement.

L’inscription comptable en immobilisations n’a pas davantage retenu l’attention de la haute assemblée, considérant (malgré sa décision récente du 25 mars 2013 quelque peu ambiguë sur ce point) que seule l’intention de fond, et non la méthode comptable retenue, peut déterminer le statut fiscal de cette opération.

Mais, subsidiairement, la SCI défendait que cet immeuble avait changé d’affectation en 2000, du fait de sa non-revente dans le délai requis pour l’exonération, et que son statut d’immobilisation devait lui être reconnu au moins après cette date : le Conseil d’Etat a refusé de subordonner un changement de qualification fiscale à une décision expresse des organes statutaires compétents, considérant que c’est à l’intention du contribuable qu’il faut se référer. Ayant ainsi contredit sur ce point la cour administrative d’appel, le Conseil d’Etat a renvoyé l’affaire devant cette cour, laquelle devra, 15 ans après les faits, déterminer si en 2000 l’intention de revendre l’immeuble a bien été abandonnée.

Délaissant ainsi les «agents de conservation» juridiques et comptables que sont les décisions des organes sociaux et le traitement comptable retenu, cet arrêt est résolument «bio», rendant ainsi aux aliments de base (en l’espèce, l’intention du contribuable et la destination réelle de l’immeuble), la place qui leur revient de droit dans l’assiette fiscale du contribuable. Nous saurons donc prochainement si, sans ces conservateurs, ces aliments auront conservé une fraîcheur suffisant à leur restitution par la cour.


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