La lettre de l'immobilier

Novembre 2016

Droit de la construction : les bouleversements après la réforme des obligations

Publié le 25 novembre 2016 à 11h38    Mis à jour le 25 novembre 2016 à 17h37

Charlotte Félizot

La réforme du droit des obligations issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 a consacré, dans une grande mesure, l’évolution de la jurisprudence depuis 1804. Toutefois, certaines innovations pourraient entraîner à terme des bouleversements en matière de droit de la construction. Plusieurs dispositions méritent, à cet égard, d’être analysées.

Par Charlotte Félizot, avocat en droit immobilier. Elle intervient dans tous les domaines du droit immobilier et plus particulièrement en baux commerciaux, baux d’habitation et professionnels, copropriété, construction et assurance-construction. Elle est chargée d’enseignement à l’Université de Paris X en matière d’avant-contrats et de baux d’habitation. charlotte.felizot@cms-bfl.com 

Les articles 1186 et 1187 du Code civil entérinent une conception large de la caducité. L’alinéa 2 de l’article 1186 prévoit ainsi la caducité des contrats liés même entre contractants «professionnels». La caducité dans les ensembles contractuels, sans référence expresse à une exigence d’indivisibilité, pourrait avoir un impact non négligeable en droit de la construction dans les opérations immobilières complexes, notamment en matière de sous-traitance.

Par ailleurs, une des nouveautés majeures de la réforme est la consécration par l’article 1195 du Code civil de la théorie de l’imprévision, c’est-à-dire la possibilité de prendre en compte des modifications de fait ou de droit postérieures à la signature du contrat et qui en modifient profondément ou en bouleversent l’exécution1. Cependant, cette théorie dont les conditions d’application sont imprécises ne devrait pas avoir un impact considérable en matière de contrats de construction. En effet, dans les contrats internationaux, une clause dite de «hardship» est fréquemment stipulée et, dans les contrats nationaux, il est souvent fait référence à la norme Afnor NFP 001, laquelle stipule que l’entrepreneur doit prendre à sa charge les travaux normalement prévisibles. A contrario, il peut demander un supplément de prix pour ceux qui, précisément, n’étaient pas prévisibles et même si le surcoût n’était pas excessivement onéreux. En tout état de cause, eu égard aux imprécisions du régime légal, il est vivement recommandé de prévoir une clause contractuelle permettant soit d’exclure le jeu de l’imprévision, soit de mieux border son régime ainsi que les conditions et les conséquences de la révision. En outre, se pose la question de savoir comment l’article 1195 du Code civil va se combiner avec l’article 1793 du même code relatif aux marchés à forfait, lesquels excluent tout supplément de prix même dans l’hypothèse d’un changement de circonstances économiques. Néanmoins, la conciliation entre ces deux textes devrait être possible, en considérant que le recours au marché à forfait constitue une modalité d’acceptation des risques au sens de l’article 1195 précité, qui exclut le recours à l’imprévision.

Enfin, l’article 1217 du Code civil laisse au créancier d’une obligation inexécutée un large choix quant aux sanctions qu’il peut demander, notamment la possibilité de poursuivre l’exécution en nature. Toutefois, l’article 1221 dudit code précise que cette dernière peut être écartée si elle est impossible ou si son coût s’avère manifestement déraisonnable. Cette disposition pourrait avoir un impact considérable en matière de droit de la construction. En effet, même lorsque l’imprévision ne pourra pas être retenue, des événements rendant trop difficile l’exécution en nature du contrat permettront d’y échapper et de ne dédommager le créancier que financièrement. Ce texte pourrait conduire, si la jurisprudence l’applique largement, les constructeurs à refuser d’exécuter en nature des contrats devenus trop onéreux. Cela inviterait à s’interroger sur les obligations des cautions, dès lors que les garants d’achèvement et de livraison ne peuvent, aux termes de l’article 2290 du Code civil, être placés dans une situation moins bonne que celle du débiteur.

Ces dispositions, comme beaucoup d’autres, nécessiteront une interprétation des juges du fond et de la Cour de cassation.

1. A rapprocher – Article 6.1.1.1 des «Principes du droit européen des contrats» – Principes Unidroit (articles 6.2.2 et 6.2.3 de la version 2010).


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