La lettre de l'immobilier

Novembre 2016

L’évolution pragmatique de la réglementation OPCI

Publié le 25 novembre 2016 à 11h38    Mis à jour le 25 novembre 2016 à 17h37

Jérôme Sutour et Damien Luqué

Depuis sa création, l’OPCI n’a cessé de se développer dans le paysage des fonds d’investissement alternatifs (FIA) français en démontrant sa capacité à s’adapter aux nouvelles demandes des investisseurs et aux exigences réglementaires pour devenir le support d’investissement dit pierre-papier par excellence.

Par Jérôme Sutour, avocat associé, responsable de l’équipe services financiers. jerome.sutour@cms-bfl.com et Damien Luqué, avocat au sein de l’équipe services financiers. Il intervient dans la structuration de véhicules immobiliers (OPCI, SCPI, FPS) au bénéfice de sociétés de gestion ou d’établissements financiers. damien.luque@cms-bfl.com

L’objectif initial de la création d’un OPCI

La création des organismes de placement collectif immobilier (OPCI) par l’ordonnance n° 2005-1278 du 13 octobre 2005 (l’«ordonnance OPCI») a eu pour objectif de développer l’offre des supports d’investissement dits de pierre-papier, qui comprenaient initialement les sociétés foncières cotées et les sociétés civiles de placement immobilier (SCPI). Si les SCPI ont connu un certain succès depuis leur création, dans les années 1970, ce véhicule a montré certaines limites, aussi bien en matière de politique et stratégie d’investissement que de liquidité des instruments émis ou de souplesse de structuration.

L’ordonnance OPCI est ainsi venue ajouter au Code monétaire et financier (CMF) cette nouvelle forme de fonds d’investissement et organiser son régime réglementaire dans la perspective de l’évolution des investissements dits de pierre-papiers. De la sorte, les OPCI constituent, parmi les produits strictement dits de pierre-papier, les véhicules répondant le mieux aux besoins croissants de souplesse des investisseurs.

A ce titre, les OPCI peuvent, comme la très grande majorité des fonds d’investissement visés au CMF, adopter deux formes juridiques selon les besoins des investisseurs :

– une copropriété sans personnalité morale sur le modèle du fonds commun de placement (le «fonds de placement immobilier» ou FPI) ; ou

– une société de placement à prépondérance immobilière à capital variable (SPPICAV).

Au-delà de leur forme juridique, les OPCI peuvent être soumis à deux niveaux de contraintes réglementaires selon la typologie d’investisseurs concernés : le CMF distingue ainsi les OPCI qui sont ouverts au grand public de ceux qui sont,

in fine, réservés à une clientèle professionnelle au sens de la directive MIF1 et qui sont soumis à des règles d’investissement et de fonctionnement plus souples (les «organismes professionnels de placement collectif immobilier» ou OPPCI).

Ainsi, alors que les OPCI sont tenus de respecter des règles fixant des niveaux minimaux de diversification, de liquidité et d’actifs dit «libres», les OPPCI peuvent investir jusqu’à 100 % de leur actif dans un seul actif immobilier. La SCPI conserve, quant à elle, un intérêt pour le grand public qui recherche un véhicule offrant une exposition à 100 % sur l’immobilier.

La gestion de la liquidité des parts ou actions d’un véhicule immobilier constitue un enjeu essentiel compte tenu des contraintes liées à la durée des opérations d’investissements/de désinvestissements. Aussi, un OPCI peut instaurer des mécanismes de contrôle de la liquidité de ses parts ou actions au travers de mécanismes de gates et/ou des périodes de blocage des demandes de rachat. Il offre aussi la possibilité de structurer des OPCI ou OPPCI dédiés à un ou plusieurs groupes d’investisseurs.

Contrairement notamment aux sociétés foncières cotées, l’OPPCI peut également préserver la confidentialité des stratégies d’investissement et des actifs immobiliers qu’il détient : les informations clés relatives à l’OPPCI et les autres documents réglementaires ne sont adressés qu’aux investisseurs et n’ont pas vocation à être librement disponibles.

L’évolution de la réglementation applicable aux OPCI

Depuis l’ordonnance n° 2011-915 du 1er août 2011 relative aux OPCVM (organismes de placement collectif en valeurs mobilières) et à la modernisation du cadre juridique de la gestion d’actifs, transposant en droit français la directive n° 2009/65/CE, les SPPICAV peuvent être constituées sous forme de sociétés par actions simplifiées (SAS). Auparavant, elles devaient exclusivement prendre la forme de sociétés anonymes (SA). La SPPICAV devait dès lors avoir au minimum sept actionnaires2 et, sauf exception expressément visée par la réglementation des OPCI, se soumettre aux règles applicables à cette forme de société (notamment en matière de gouvernance).

L’ordonnance OPCI ne prévoyait aucun plafonnement de l’effet de levier pour les OPPCI, ce qui avait permis des structurations à très fort levier (potentiellement un endettement pouvant aller jusqu’à 100 % de l’actif immobilier). L’Autorité des marchés financiers (AMF), consciente des risques liés à leur forte capacité d’endettement, a adopté une doctrine visant à limiter le taux d’effet de levier des OPPCI à 80/85 % et requiert désormais pour les OPPCI dont la documentation réglementaire prévoit un effet de levier supérieur à 50 %, des engagements de liquidités de leurs actionnaires. Ces derniers doivent s’engager à agir afin d’éviter un excès d’endettement de l’OPPCI et de prévenir la survenance d’une valeur liquidative négative.

Comme tous les fonds d’investissement ne relevant pas de la directive 2009/65/CE du 13 juillet 20093, les OPCI et les SCPI constituent désormais, depuis l’ordonnance n° 2013-676 en date du 27 juillet 2013 ayant transposé la directive 2011/61/UE (la «directive AIFM»), des fonds d’investissement alternatifs (FIA) et, plus précisément, des FIA par nature4. Cette transposition a été l’occasion de simplifier la typologie des OPCI en supprimant la distinction entre OPCI à règle de fonctionnement allégée (RFA) sans effet de levier et OPCI RFA avec effet de levier.

Enfin, la loi n° 2015-990 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques en date du 6 août 2015 (dite «loi Macron») qui n’avait pas pour vocation initiale d’impacter les véhicules immobiliers, est une illustration supplémentaire de l’importance prise par les OPCI au sein même du développement du secteur économique stratégique que représente l’immobilier en France.

Avant la loi Macron, la «poche immobilière» des OPCI ne comprenait que les immeubles, les droits réels portant sur ces immeubles, les droits détenus en qualité de crédit-preneur afférents à des contrats de crédit-bail portant sur ces immeubles, les parts ou actions de sociétés à prépondérance immobilière, les parts ou actions d’OPCI (ou véhicules étrangers équivalents), ou encore les actions de SIIC.

Depuis la loi Macron, l’article L. 214-34 du CMF prévoit désormais que les OPCI, en plus de leur investissement dans des immeubles locatifs (construits ou à construire), «à titre accessoire […] peuvent acquérir directement ou indirectement, en vue de leur location, des meubles meublants, des biens d’équipement ou tous biens meubles affectés aux immeubles détenus nécessairement à leur fonctionnement, à leur usage ou leur exploitation par un tiers».

En toute logique, la contrainte relative à la nature des revenus des OPCI est levée avec l’insertion de la référence aux loyers, issus de biens meublés, parmi les produits de l’OPCI tels que listés à l’article L. 214-51 du CMF.

Cette modification «technique» répond à une véritable demande de la profession et s’intègre parfaitement dans notre illustration sur le pragmatisme économique et juridique de l’OPCI.

Ainsi, même si les OPCI ne connaissent pas la versatilité d’investissement offerte par d’autres formes de FIA par nature telles que les sociétés de libre partenariat, ces différentes évolutions réglementaires ont permis aux OPCI de rester le vecteur d’investissement privilégié pour la conduite de stratégies immobilières.

1. Directive 2004/39/CE du 21 avril 2004.

2. A noter que, désormais, une SPPICAV créée sous forme de SA peut avoir au minimum deux actionnaires.

3. Telle que modifiée.

4. C’est-à-dire que leurs caractéristiques sont fixées par le CMF à la différence des autres formes de FIA dont les caractéristiques ne figurent pas dans ce code, par exemple, les fonds sous formes de sociétés classiques.


La lettre de l'immobilier

Passerelles et transformations des SIIC et OPCI : quelles incidences fiscales ?

Richard Foissac

La pratique constate l’intervention croissante des organismes de placement collectif immobilier (OPCI) – on évoquera de fait les seules sociétés de placement à prépondérance immobilière à capital variable (SPPICAV) – et de leurs filiales dans l’acquisition d’actifs immobiliers ou de titres de sociétés à prépondérance immobilière (SPI) et la relative stabilité du nombre des sociétés d’investissements immobiliers cotées (SIIC). Quant aux SPI objet des transactions, certaines sont d’ores et déjà filiales de SIIC ou d’OPCI ayant opté pour le régime lorsque d’autres ne le sont pas encore.

Lire l'article

Consulter les archives

Voir plus

Chargement en cours...