La lettre des fusions-acquisition et du private equity

Juin 2018

Conformité et fonds d’investissement, au-delà des sociétés de gestion de portefeuille

Publié le 15 juin 2018 à 15h53

Jérôme Sutour

Par Jérôme Sutour, avocat associé, responsable de l’équipe Services financiers. jerome.sutour@cms-fl.com

Comment ne pas parler de la conformité réglementaire applicable aux fonds à l’occasion d’un numéro spécial sur la compliance ?

Pour rappel, l’Autorité des marchés financiers (AMF) définit la conformité comme les politiques, procédures et mesures visant à détecter et prévenir tout risque de non-respect aux obligations professionnelles, ce compris les obligations légales, applicables aux entités soumises à son contrôle.

A cet égard, on pense immédiatement aux prestataires de services d’investissement mais surtout aux sociétés de gestion de portefeuille (SGP) assumant la gestion d’organismes de placement collectif, qu’elles relèvent de la directive 2009/65/UE telle que modifiée pour les organismes de placement collectif en valeurs mobilières ou de la directive 2011/61/UE (l’AIFMD) pour les fonds d’investissements alternatifs (FIA). Ces acteurs doivent, aux fins d’obtenir leur agrément, disposer d’un processus de conformité complet et, à ce titre, désigner un responsable de la conformité et du contrôle interne.

Cela étant, le processus de conformité réglementaire est applicable au-delà du champ des SGP proprement dites et bien à toutes les personnes assumant la gestion de fonds d’investissement !

En effet, le Code monétaire et financier (CMF) prévoit que les gérants de FIA qui n’ont pas l’obligation d’être agréés en tant que SGP, en application de l’AIFMD, doivent cependant «[être] enregistré[s] auprès de l’Autorité des marchés financiers et [sont] soumis aux obligations d’information prévues par le règlement général de l’Autorité des marchés financiers»1.

Ainsi, le premier enjeu de la conformité réglementaire en matière de gestion de fonds est bien de déterminer si un agrément en tant que SGP est requis (à savoir, s’assurer que le montant d’actifs sous gestion est inférieur aux seuils visés au règlement européen n° 231/2013 et que les FIA ne comptent que des clients professionnels au sens de la directive 2014/65/UE2) et, dans tous les cas, de s’enregistrer auprès de l’AMF.

Il est erroné d’imaginer que cet enregistrement n’est qu’une pure formalité administrative : les gérants de FIA qui n’ont pas le statut de SGP restent pleinement soumis au pouvoir de sanction de l’AMF. En effet, le 7° du II de l’article L.621-15 du CMF inclut dans le champ des entités soumises de plein droit au pouvoir de sanction de l’AMF les sociétés de gestion de placements collectifs, une catégorie visant expressément les gérants de FIA ne requérant pas un agrément en qualité de SGP3. Si un titre du règlement général de l’AMF (RGAMF) leur est ainsi consacré4, seul l’article 321-167 rappelant les obligations d’information à leur charge ne leur est en pratique applicable.

Au-delà des seules règles visées par le RGAMF, ces acteurs sont de plein droit soumis à l’ensemble des règles en matière de lutte contre le blanchiment5. Ainsi, au même titre qu’une banque, le gérant de FIA sous les seuils réglementaires est tenu de mettre en œuvre un dispositif de prévention et de lutte contre le blanchiment complet. Ces gérants doivent donc nécessairement identifier leurs investisseurs et, le cas échéant, procéder auprès de Tracfin aux déclarations requises en cas de suspicion de blanchiment ou de fraude fiscale. C’est probablement ce corps de règles qui est à la fois le plus contraignant, mais aussi le plus généralement ignoré par les personnes qui pensent échapper à la réglementation du seul fait qu’elles ne relèvent pas des obligations de l’AIFMD alors que le non-respect de ce dispositif est sanctionné lourdement au plan pénal.

Ainsi, si l’ignorance est une bénédiction, on ne saurait ignorer qu’au-delà des acteurs classiques du private equity, tous les gérants de fonds, sans exception, sont soumis à un minimum d’obligations de conformité.

1. Article L.214-24 III du CMF.

2. Sauf exception si le FIA concerné bénéficie d’un régime spécifique tel que celui des fonds d’entrepreneuriat social européens (EuSEF) ou des fonds de capital-risque européens (EuVECA).

3. Voir article L.543-1 du CMF.

4. Titre 1 quater du livre 3.

5. Article L.561-2 du CMF : «Sont assujettis aux obligations prévues par les dispositions des sections 2 à 7 du présent chapitre :…6°… les sociétés de gestion de placements collectifs de l’article L.543-1».

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