La lettre des fusions-acquisition et du private equity

Juin 2017

L’effet d’une opération de fusion sur la responsabilité pénale de l’absorbée

Publié le 16 juin 2017 à 16h35

Jean-Fabrice Brun et Antoine Landon

En droit communautaire comme en droit interne, la fusion-absorption entraîne, d’une part, disparition de la société absorbée et, d’autre part, transmission universelle de son patrimoine à la société absorbante.

Par Jean-Fabrice Brun, avocat associé et co-responsable du département contentieux et arbitrage. Il assiste ses clients devant les juridictions étatiques en matières civile, commerciale, financière et pénale. Il intervient également en matière d’arbitrage interne et international. jean-fabrice.brun@cms-bfl.com

et Antoine Landon, avocat en contentieux et arbitrage. Il intervient plus particulièrement en contentieux commercial, contentieux corporate et post-acquisition ainsi qu’en droit pénal des affaires. antoine.landon@cms-bfl.com

Le terme même de passif pénal sous-tend qu’il puisse être transmis à la société absorbante, au même titre que d’autres éléments de passif.

C’est la solution adoptée par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE).

Dans un arrêt du 5 mars 2015, la CJUE a très clairement consacré la transmission du passif pénal de la société absorbée à la société absorbante, qui devient pénalement responsable des agissements de la société absorbée antérieurs à la fusion1. L’objectif explicite de la CJUE est d’éviter le risque de fraude et garantir le caractère effectif et dissuasif des sanctions.

La jurisprudence de la Chambre criminelle de la Cour de cassation est radicalement contraire. Elle a ainsi toujours exclu la responsabilité de la société absorbante, au visa de l’article 121-1 du Code pénal, aux termes duquel «nul n’est responsable pénalement que de son propre fait»2.

L’arrêt de la CJUE du 5 mars 2015 a pu laisser penser que la Chambre criminelle serait contrainte d’opérer un revirement de jurisprudence. Certaines cours d’appel avaient d’ailleurs anticipé un revirement en faisant application de la solution consacrée par la CJUE. La Chambre criminelle a pourtant, dans un arrêt publié du 25 octobre 2016, clairement réaffirmé sa jurisprudence en jugeant que la décision de la CJUE n’était pas applicable, étant dépourvue d’effet direct à l’encontre des particuliers, et en rappelant que nul n’est responsable pénalement que de son propre fait3.

La position de la Cour de cassation est en réalité assez logique. En effet, le principe de responsabilité pénale du fait personnel a valeur constitutionnelle et prime, dans l’ordre interne, sur les normes conventionnelles4.

Des commentateurs ont pu y voir une forme d’impunité, qui priverait la sanction pénale de son caractère dissuasif, en permettant à une entreprise d’y échapper par le seul fait d’une opération de fusion et de continuer son activité. Dans l’arrêt cassé, la Chambre de l’instruction avait d’ailleurs fait état des circonstances potentiellement frauduleuses de la fusion, en raison de l’identité des associés et de la date de l’opération.

Certains appellent même de leurs vœux une réforme législative, qui permettrait de sanctionner plus facilement les cas «de fraude», par exemple en consacrant la responsabilité de «l’entreprise», comme en droit de la concurrence5, plutôt que celle de la personne morale, fiction juridique.

Une telle réforme risquerait néanmoins, à notre avis, la censure du Conseil constitutionnel.

Les palliatifs sont certainement à chercher dans l’arsenal répressif déjà existant.

D’une part, la responsabilité pénale du dirigeant de la société absorbée perdure nonobstant la disparition de la personne morale. Dans les cas d’opérations «frauduleuses», les juridictions pénales auront certainement tendance à prononcer des sanctions particulièrement sévères et dissuasives à l’encontre du seul responsable subsistant.

D’autre part, la responsabilité pénale de la société absorbante pourrait être recherchée au titre d’infractions qui lui seraient personnellement imputables, soit qu’elle se soit rendue complice de la commission de l’infraction, soit qu’elle en ait recelé ou blanchi le produit.

Enfin, les victimes des faits délictueux pourront agir devant les juridictions civiles, la dette de réparation civile étant, quant à elle, transmise à la société absorbante.

1. CJUE, 5 mars 2015, C-343/13.

2. Voir par exemple, Cass. crim., 9 septembre 2009, n° 08-87312.

3. Cass. crim., 25 octobre 2016, n° 16-80366.

4. Voir par exemple, Cons. cons., 18 mai 2016, QPC n° 2016-542.

5. Voir «Amende civile imputée à une société absorbante pour pratiques commerciales abusives de l’absorbée : c’est constitutionnel !», par Elisabeth Flaicher- Maneval, Option Finance, 30 mai 2016.


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