La lettre des fusions-acquisition et du private equity

Juin 2013

De l’utilisation de la dénomination «EuVECA» ou la commercialisation des fonds de Private Equity européens tentée par le succès de UCITS

Publié le 17 décembre 2013 à 16h43    Mis à jour le 12 mars 2014 à 10h02

Jérôme Sutour

Dans le contexte de la transposition de la Directive 2011/61/UE sur les gérants de fonds alternatifs («AIFM»), le règlement (UE) n° 345/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2013 relatif aux fonds de capital-risque européens (le «Règlement») ne peut manquer de retenir l’attention. En effet, ce Règlement qui, tout comme AIFM, entre en application le 22 juillet prochain, a pour ambition de fixer une norme européenne pour les fonds de Private Equity.

Par Jérôme Sutour, avocat associé, responsable services financiers.

Les gérants concernés

Le Règlement a vocation à ne s’appliquer qu’aux gérants de fonds d’investissements alternatifs (au sens d’AIFM – un «FAI») dont les actifs gérés ne dépassent pas le seuil de 500 millions d’euros et qui sont enregistrés auprès de leur autorité de tutelle au format «simplifié» sous AIFM. Toutefois, le Règlement leur reconnaît la possibilité de gérer des fonds UCITS(1) et/ou, par la suite, d’être enregistrés pleinement comme gérants de FAI sous AIFM.

Sous réserve d’enregistrement préalable auprès de leur régulateur, cette catégorie de gérants peut bénéficier de l’appellation «EuVECA»(2) pour autant que lesdits fonds respectent les dispositions du Règlement. Si un gérant sous la norme EuVECA peut par la suite s’enregistrer sous AIFM, il n’est pas prévu initialement qu’il le soit.

Les fonds concernés

L’appellation EuVECA est réservée à tout fonds de capital-risque éligible définit comme l’organisme de placement collectif qui a l’intention d’investir au moins 70 % du total de son capital (appelé ou non) en actifs éligibles et n’utilise pas plus de 30 % de la part totale de ce capital pour l’acquisition d’actifs autres que des investissements éligibles.

Le gérant d’un tel fonds ne peut pas utiliser de méthode ayant pour effet d’augmenter l’exposition du fonds au-delà du niveau de son capital souscrit et ne peut contracter des emprunts, émettre des titres de créance ou fournir des garanties, au niveau du fonds de capital-risque éligible, qu’à la condition que ces emprunts, titres de créances ou garanties soient couverts par des engagements non appelés.

Les actifs éligibles

Le Règlement précise la notion d’investissement éligible. Il s’agit entre autres :

– des instruments de capitaux propres ou de quasi-capitaux propres qui sont émis par une entreprise éligible ;

– des prêts avec ou sans garantie consentis par le fonds à une entreprise de portefeuille éligible, dans laquelle il détient déjà des instruments éligibles, pourvu qu’il ne soit pas consacré à de tels prêts plus de 30 % de la somme des apports en capital et du capital souscrit non appelé du fonds de capital-risque éligible ;

– des parts ou actions d’un ou de plusieurs autres fonds de capital-risque éligibles, pour autant que ceux-ci n’aient pas eux-mêmes investi plus de 10 % du total de leurs apports en capitaux et de leur capital souscrit non appelé dans des fonds de capital-risque éligibles.

Enfin, le Règlement précise la notion d’entreprise de portefeuille éligible définie comme l’entreprise qui n’est pas admise sur un marché réglementé ou dans un système multilatéral de négociation au sens de la directive 2004/39/CE, qui emploie moins de 250 personnes et dont le chiffre d’affaires annuel n’excède pas 50 millions d’euros ou dont le total du bilan annuel n’excède pas

43 millions d’euros.

Le cadre réglementaire

Outre l’enregistrement préalable «light» du gérant sous AIFM, le Règlement pose un certain nombre de conditions portant sur les moyens, ressources et procédures devant être respectées et en particulier, l’obligation de valorisation annuelle des actifs des fonds, la remise à l’autorité compétente de l’état d’origine du gérant d’un rapport annuel concernant la gestion et le portefeuille du fonds. Néanmoins, à la différence d’AIFM ou de la Directive UCITS, les fonds EuVECA ne sont pas tenus d’avoir recours à un dépositaire.

La commercialisation

Le cadre réglementaire plus souple du Règlement est justifié par le fait que les fonds EuVECA sont destinés aux investisseurs professionnels (au sens de la directive MIF) et aux personnes qui certifient avoir connaissance des risques liés à leur investissement et s’engagent à investir un minimum de 100 000 euros dans les fonds concernés. En outre, si les EuVECA ne bénéficient pas, par nature, du passeport produit d’AIFM, le Règlement prévoit expressément que les Etats membres dans lesquels le gérant a déclaré souhaiter commercialiser le fonds n’imposent au gestionnaire d’EuVECA aucune exigence ni procédure administrative relative à la commercialisation de ses fonds, ni aucune obligation d’approbation préalable à la commercialisation.

Impacts pour les acteurs français

Le Règlement ne bénéficiant pas aux gérants agréés sous AIFM, il présente avant tout un intérêt pour les sociétés de gestion françaises sous directive UCITS ou MIF ainsi, à moins de changement d’analyse par l’AMF3, qu’aux acteurs n’ayant pas le statut de société de gestion qui ne feraient l’objet que d’un agrément «léger» sous AIFM.

Le Règlement apporte donc deux avancées majeures : il fixe des conditions claires et relativement souples aux gérants et fonds souhaitant bénéficier de la norme EuVECA et  offre à ces produits un passeport européen simplifié. Cette nouvelle norme européenne présente ainsi un très fort intérêt pour les gérants de fonds Private Equity qui pourront bénéficier de cette norme EuVECA. Il ne reste qu’à souhaiter à cette norme le même succès que celui de UCITS.

(1). Conformes à la directive 2009/65/CE.

(2). European Venture Capital Fund.

(3). A ce jour, il n’est pas encore certain que l’AMF n’impose pas le statut de SGP aux gérants d’AIF réservés aux investisseurs professionnels et ne faisant l’objet que d’un agrément «léger» sous AIFM.

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Au sommaire de la lettre


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