La lettre des fusions-acquisition et du private equity

Octobre 2019

La fiscalité avantageuse des revenus des actifs de propriété industrielle

Publié le 1 octobre 2019 à 11h37    Mis à jour le 4 octobre 2019 à 16h53

Jean-Baptiste Thiénot et Rémy Lefebvre

En cas de transaction comprenant des droits de propriété industrielle, le nouveau régime favorable dit «IP Box» doit être pris en compte dans la réflexion, tant dans l’intérêt du vendeur que de l’acquéreur.

Par Jean-Baptiste Thiénot, avocat counsel en droit de la propriété intellectuelle. Il accompagne les entreprises dans la protection et la valorisation de leurs innovations (brevets, secret d’affaires, savoir-faire) tant en conseil qu’en contentieux. jean-baptiste.thienot@cms-fl.com et Rémy Lefebvre, avocat en fiscalité. Il conseille et assiste les entreprises nationales et internationales dans leurs opérations de restructuration (fusion-acquisition) et dans la gestion des contrôles et contentieux fiscaux. remy.lefebvre@cms-fl.com

Les droits de propriété industrielle sont souvent des actifs stratégiques de l’entreprise : ces droits confèrent à leur propriétaire un monopole qui permet de se démarquer des concurrents. Ces actifs peuvent être cédés ou concédés, de façon autonome ou dans le cadre d’opérations de restructuration. La concession (licence) donne généralement lieu au paiement de redevances calculées sur les bénéfices réalisés. En cas de cession, le prix peut être forfaitaire et/ou comprendre une part variable calculée sur les futurs résultats d’exploitation.

Concrètement, ces mécanismes de rémunération de la propriété industrielle permettent de tenir compte des résultats de l’entreprise dans le temps et notamment après une transaction. Il existe donc une certaine proximité avec les mécanismes d’earn-out. Or, une spécificité intéressante de ces revenus est qu’ils peuvent bénéficier d’un régime fiscal favorable, parfois appelé «IP Box». Ce régime a été profondément réformé. En effet, la loi de finances pour 2019 a introduit en droit fiscal français l’approche dite «nexus» préconisée par l’OCDE et l’Union européenne1. L’avantage consenti est fonction des dépenses de R&D effectivement supportées par l’entreprise : plus leur montant est conséquent, plus l’avantage consenti est élevé.

En pratique, afin de déterminer le niveau de dépenses de recherche et développement supportées par l’entreprise, un ratio «nexus» est calculé :

– le numérateur de ce ratio comprend les dépenses de R&D supportées par l’entreprise ainsi que celles sous-traitées auprès de société indépendantes (type bureau d’étude par exemple) ;

– le dénominateur comprend, outre les dépenses figurant au numérateur, les dépenses sous-traitées auprès d’entreprises liées ainsi que les coûts d’acquisitions des actifs concernés ;

– les dépenses figurant au numérateur sont majorées de 30 % sans que le ratio «nexus» puisse excéder 100 %.

Les revenus nets dégagés de la cession ou de la concession des actifs de propriété industrielle sont ensuite multipliés par ce ratio afin de déterminer la quote-part du produit soumise au taux d’imposition réduit i.e. 10 % (contre un taux d’impôt sur les sociétés de 31 % pour les produits «ordinaires»2).

C’est ainsi qu’avec un ratio «nexus» de 60 %, une société qui perçoit un produit net de 200 à l’occasion de la cession d’un actif de propriété industrielle pourra soumettre une quote-part de 120 à une imposition au taux de 10 %. Les 80 restant seront soumis à l’impôt sur les sociétés au taux normal. Ce régime de faveur s’appliquera aussi dans l’hypothèse où la société cédante percevrait des versements complémentaires. Ces versements devraient en effet être soumis au même régime que la plus-value de cession initiale, selon le raisonnement tenu par le Conseil d’Etat dans le cadre de l’ancien régime des produits d’actifs de propriété industrielle3.

Ce régime peut également bénéficier à l’acquéreur sous réserve que ce dernier poursuive le développement des actifs acquis et en supporte les dépenses de recherche afférentes.

Les revenus concernés sont ceux issus de la cession ou de la concession des brevets et de droits «voisins» des brevets4 mais aussi – et c’est une nouveauté - des logiciels protégés par le droit d’auteur. En revanche, les revenus générés par des marques ne peuvent pas en bénéficier et ceux tirés d’inventions non-brevetées ne sont éligibles que dans des conditions très limitées5.

1. Loi n°2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019. Art. 238 CGI.

2. Une baisse progressive du taux de l’impôt sur les sociétés est prévue avec pour objectif l’atteinte d’un taux de 25% d’ici 2022.

3. CE 12 mars 2014 n°350443 Getten.

4. Certificats d’utilité, certificats complémentaires de protection, certificats d’obtention végétale, procédés de fabrication industriels accessoires à une invention brevetée.

5. Art. 238 I 5° CGI


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