La lettre des fusions-acquisition et du private equity

Décembre 2016

Cessions de titres : actualité de la loi Hamon et de la consultation du comité d’entreprise

Publié le 9 décembre 2016 à 12h08    Mis à jour le 9 janvier 2017 à 15h45

Pierre Bonneau et Arnaud Hugot

Un arrêt récent du Conseil d’Etat1 est venu jeter le trouble sur la mise en œuvre pratique de la loi Hamon en cas de cession de sociétés ne disposant pas de comité d’entreprise (CE).

Par Pierre Bonneau, avocat associé en droit social. Il est notamment le conseil de plusieurs établissements bancaires et financiers et intervient régulièrement sur des opérations de rapprochement ou de cession d’entreprises. pierre.bonneau@cms-bfl.com et Arnaud Hugot, avocat associé en Corporate/Fusions & acquisitions. Il assiste des industriels, des fonds d’investissement et des managers dans le cadre de tous types d’opérations de fusion-acquisition et de private equity, tant nationales qu’internationales. arnaud.hugot@cms-bfl.com

Pour mémoire, en cas de projet de cession majoritaire, les salariés d’une telle société disposent d’un délai de deux mois pour formuler une offre d’acquisition. La question du point de départ de ce délai de deux mois (date de la signature du contrat de cession, «signing», ou date de la réalisation du transfert de propriété des titres, «closing» ?) avait, dans un premier temps, été précisée par un décret du 28 octobre 2014 selon lequel la date à prendre en compte devait être celle du closing. En conséquence, un contrat de cession pouvait être signé alors même que le délai de deux mois n’était pas encore écoulé. Le vendeur avait ainsi la possibilité de s’engager définitivement alors même que les salariés pouvaient encore déposer une offre (qui dans cette hypothèse n’était, par construction, pas susceptible d’être retenue par le vendeur d’ores et déjà engagé avec un acquéreur). Cette solution réglementaire, bien que peu cohérente avec le texte légal, avait le mérite de limiter la perturbation du calendrier de cession.

Un nouveau décret du 28 décembre 2015 est venu corriger cette situation en modifiant le décret de 2014 pour prévoir que le délai de deux mois devait être calculé à partir de la signature du contrat de cession. Tout redevenait cohérent. Cependant, le Conseil d’Etat, saisi entre-temps de la légalité du premier décret de 2014, a annulé celui-ci, considérant que la prise en compte de la date de transfert de propriété pour calculer le délai de deux mois n’était pas compatible avec la volonté du législateur. Et, par un effet juridique purement mécanique, l’annulation du décret de 2014 a entraîné l’annulation de celui de 2015 lequel, pourtant, prévoyait une solution conforme aux principes exposés par le Conseil d’Etat. Ainsi, à ce jour, plus aucun décret ne clarifie la date qui doit être prise en compte pour computer le délai de deux mois, ce qui a pu soulever certains débats. Toutefois, la plupart des praticiens s’accordent à dire que la date qui doit être retenue est bien celle de la signature du contrat de cession, solution cohérente avec la volonté du législateur et conforme à la jurisprudence du Conseil d’Etat.

S’agissant toujours des délais liés à l’implémentation des opérations de cessions mais à propos cette fois de la consultation du CE, un important arrêt de la Cour de cassation2 est venu quelque peu compliquer la tâche des représentants du personnel pour allonger les délais préfix (d’un à quatre mois selon les instances consultées) qui sécurisent dorénavant ces procédures.

Pour limiter le risque de voir les employeurs se contenter d’attendre l’expiration des délais sans tenir suffisamment compte de la qualité de l’information transmise, le législateur a créé un recours spécifique permettant au CE de saisir le président du Tribunal de grande instance statuant en référé pour qu’il ordonne la communication, par l’employeur, d’éventuels éléments manquants et prolonge, le cas échéant, la procédure de consultation (art. L. 2323-4 du Code du travail).

Or, dans cet arrêt, la Cour de cassation précise qu’aucune disposition légale n’autorise le juge à accorder un nouveau délai après l’expiration du terme initial : le juge doit donc impérativement statuer à l’intérieur du délai préfix pour pouvoir le prolonger.

En pratique et vu les délais habituellement constatés dans ce type de contentieux, les CE auront beaucoup de mal à obtenir une telle décision avant l’expiration des délais préfix. Cet arrêt interprétant strictement la loi vient donc singulièrement sécuriser les procédures de consultation afférentes, notamment, aux opérations de cession, même si elle pourrait paradoxalement conduire à une multiplication des assignations «préventives» en début de procédure pour permettre aux représentants du personnel, en cas de difficultés sur l’information transmise, de s’assurer de la tenue d’une audience avant l’expiration du délai préfix.

1. Conseil d’Etat, 1re et 6e chambres réunies, 8 juillet 2016, n° 386792).

2. Cass. soc., 21 septembre 2016,

n° 15-19.003


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