La lettre des fusions-acquisition et du private equity

Décembre 2014

Fusions et bénéfices localisés dans des territoires à régime fiscal privilégié : du bon et du moins bon…

Publié le 5 décembre 2014 à 10h59    Mis à jour le 5 décembre 2014 à 18h25

Philippe Zoubritzky et Elodie Dellis

Dans un arrêt du 4 juillet 2014 (Bolloré, n° 357264 et 359924), le Conseil d’Etat a jugé d’une part, que les participations détenues par une société suite à la fusion-absorption d’une autre société doivent être regardées comme figurant dans le patrimoine de la société absorbante depuis leur acquisition par la société absorbée et d’autre part, que si l’article 209 B du Code général des impôts (CGI), dans sa rédaction antérieure à 2006, est incompatible avec le principe de la liberté d’établissement garanti par le droit communautaire, il peut néanmoins être appliqué en cas de montage purement artificiel.

Par Philippe Zoubritzky, avocat associé, spécialisé en fiscalité, intervenant en fiscalité directe des entreprises, des groupes de sociétés et des restructurations. philippe.zoubritzky@cms-bfl.com et Elodie Dellis, avocat spécialisé en fiscalité, intervenant tant en matière de fiscalité des entreprises et groupes de sociétés que dans le domaine de la fiscalité des particuliers, actionnaires et dirigeants. (elodie.dellis@cms-bfl.com).

Caractère intercalaire des fusions

En application de l’article 209 B du CGI, une société française qui détient des titres d’une société établie dans un territoire situé hors de France dont le régime fiscal est privilégié est soumise à l’impôt sur les sociétés sur les résultats bénéficiaires de sa filiale à hauteur des droits qu’elle y détient, sauf situations particulières.

La loi de finances pour 1993 avait ramené le seuil de détention dans la filiale étrangère rendant applicable cette réglementation de 25 % à 10 % et aménagé l’entrée en vigueur de cette disposition, en précisant qu’elle s’appliquait à raison des acquisitions ou souscriptions de titres intervenues à compter du 30 septembre 1992, ayant pour effet de porter le seuil de participation à 10 % dans une société étrangère ou, si ce taux était déjà atteint, de le maintenir ou de l’augmenter.

En l’espèce, la société Bolloré a absorbé, sous le régime de faveur des fusions, la société SDV le 7 décembre 1998 avec effet rétroactif au 1er janvier 1998. A cette occasion, la société Bolloré a recueilli les participations que la société SDV détenait depuis 1988 dans le capital de trois sociétés étrangères. La société Bolloré est ainsi devenue actionnaire, à hauteur respectivement de 16,9 % et de 25,72 %, de deux holdings luxembourgeois cotés et à hauteur de 15,32 % d’un holding établi à Guernesey.

Le Conseil d’Etat a alors jugé qu’en adoptant les dispositions de l’article 210 A du CGI, le législateur a entendu assurer la neutralité, au plan fiscal, des opérations de fusion des sociétés, et que de telles opérations devaient ainsi être regardées comme des opérations intercalaires. Dès lors, les participations recueillies à l’occasion d’une fusion placée sous le régime de faveur de l’article 210 A doivent être regardées comme figurant dans le patrimoine de la société absorbante depuis la date de leur acquisition ou de leur création par la société absorbée, soit en l’espèce, depuis 1988, c’est-à-dire antérieurement au 30 septembre 1992, et ne sont donc pas éligibles au 209 B susvisé s’agissant des participations inférieures à 25 %.

 

Article 209 B et droit de l’Union européenne

Dans l’arrêt précité, le Conseil d’Etat se prononce pour la première fois sur la compatibilité de l’ancien article 209 B du CGI (lequel, dans sa rédaction antérieure à la loi de finances pour 2005, ne comportait pas de clause de sauvegarde) avec le principe de la liberté d’établissement prévu par les articles 43 et 48 du traité des Communautés européennes.

L’incompatibilité de ces dispositions ne faisait guère de doute, compte tenu de la solution dégagée par la Cour de justice des Communautés européennes dans son arrêt Cadbury Schweppes (arrêt C-196/4 du 12 septembre 2006).

C’est ce qu’a confirmé le Conseil d’Etat. Néanmoins, au lieu d’écarter totalement l’application des dispositions de l’article 209 B, la Haute Assemblée a admis que ces dispositions puissent être appliquées dans l’hypothèse où il serait démontré que la présence dans l’autre Etat membre serait constitutive d’un montage artificiel.

C’est ainsi que le Conseil d’Etat a fait application des dispositions de l’article 209 B aux deux holdings luxembourgeois (passifs) détenus par la société Bolloré, en considérant que les éléments produits ne caractérisaient pas l’exercice d’une activité économique effective.

Il tend aussi à accréditer l’idée que toute implantation d’un holding passif dans un autre Etat membre est constitutive d’un montage artificiel, alors même qu’un holding passif établi en France ne fonctionnerait pas de manière différente. 

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