La lettre des fusions-acquisition et du private equity

Avril 2013

Les clauses de leaver à l’épreuve de la jurisprudence récente de la Cour de cassation sur l’article 1843-4 du Code civil

Publié le 18 février 2014 à 14h13    Mis à jour le 12 mars 2014 à 10h04

Arnaud Hugot

L’investissement des managers dans les opérations de LBO est le plus souvent accompagné de la conclusion par ces derniers, de promesses de vente exerçables en cas de départ de la société. Si le départ intervient pour de «bonnes raisons» (cas de good leaver comme le départ à la retraite, l’invalidité ou le décès) le prix de cession des titres sera en principe déterminable sur la base d’une formule permettant d’obtenir un prix de marché.

Par Arnaud Hugot, avocat en corporate-M&A.

Dans le cas contraire (cas de bad leaver comme la révocation pour faute ou la démission), le prix de cession figurant dans la promesse sera fréquemment fixé à un prix de marché auquel une décote sera appliquée.Un arrêt récent de la Cour de cassation (Cass. Com. 4 décembre 2012 n°10-16.280) est susceptible d’affecter l’efficacité des clauses relatives à la détermination du prix de cession des titres dans ce type de promesses de vente.En l’espèce, un salarié, devenu actionnaire d’une société dans le cadre d’un plan d’épargne entreprise, s’était engagé selon les termes d’une «charte des associés» et d’une promesse de vente irrévocable signée à cette occasion, à céder toutes ses actions en cas de départ, la charte prévoyant une méthode de calcul, aboutissant, au cas d’espèce, à un prix de 190 000 euros.

Ce montant ayant été refusé par l’actionnaire concerné, celui-ci a sollicité la désignation d’un expert sur le fondement de l’article L. 1843-4 du Code civil aux termes duquel «Dans tous les cas où sont prévus la cession des droits sociaux d’un associé, ou le rachat de ceux-ci par la société, la valeur de ces droits est déterminée, en cas de contestation, par un expert […]», alors même que cette possibilité n’était pas prévue par la «charte des associés». Le prix a été fixé par l’expert désigné à 400 000 euros. Si la cour d’appel de Paris rejette la demande du salarié au motif que l’intervention d’un expert nommé sur le fondement de l’article 1843-4 du Code civil n’avait pas été prévue par les parties à la «charte des associés», la Cour de cassation invalide cette position.

Elle confirme la possibilité du recours à l’article 1843-4 du Code civil, si une partie réclame son application, alors même que la promesse de vente ne figurait pas dans les statuts de la société. Ainsi, allant plus loin que sa jurisprudence qui depuis 2007 fait application de l’article 1843-4 du Code civil aux mécanismes de cession statutaires, même dans les hypothèses où les statuts ont prévu une formule de détermination du prix, la Cour applique ici cette solution à un accord extra-statutaire. Une lecture littérale de l’arrêt pourrait ainsi laisser penser qu’il serait désormais permis aux managers de remettre en cause les accords financiers prévus au titre des clauses de leaver et de s’affranchir d’une partie des termes de leur engagement contractuel (en particulier, en cas de bad leaver, pour lesquels l’article 1843-4 pourrait réduire à néant la sanction de la décote).

Cette jurisprudence doit être encore confirmée et sa portée peut être atténuée. Tout d’abord, la Cour a pu vouloir étendre une solution, déjà applicable aux dispositions statutaires, à cette «charte des associés» qui est un acte d’adhésion assez proche de simples statuts. Une lecture moins littérale de la jurisprudence peut également laisser à penser que la Cour entend appliquer l’article 1843-4 lorsqu’il y a une contestation sur la formule prévue (qui ne fonctionnerait pas) plutôt que dans l’hypothèse où un cocontractant souhaite se dérober à ses obligations. Enfin, il convient de rappeler que cette jurisprudence ne peut être applicable lorsque les clauses sur le prix sont prévues directement dans les statuts d’une SAS, pour laquelle la loi prévoit expressément la compétence des parties pour déterminer le prix de cession (ce n’est qu’à défaut que l’article 1843-4 est applicable dans la SAS conformément à l’article 227-18 du code de commerce).


La lettre des fusions-acquisition et du private equity

Quel avenir pour le management package ?

Arnaud Hugot

L’actualité récente marquée par l’évolution du paysage fiscal, qu’elle soit d’origine législative ou jurisprudentielle, soulève aujourd’hui quelques questions quant à l’avenir des management packages et de l’investissement des managers dans les opérations de private equity.

Lire l'article

Consulter les archives

Voir plus

Chargement en cours...