La lettre des fusions-acquisition et du private equity

Mars 2018

Retour sur le statu quo de la Cour de cassation sur la non-transmission d’un «passif pénal» lors d’une fusion

Publié le 23 mars 2018 à 12h19    Mis à jour le 23 mars 2018 à 14h31

Alexandre Delhaye

Appliquant une jurisprudence constante, la Cour de cassation a réaffirmé dans un arrêt du 25 octobre 20161 que des poursuites pénales ne pouvaient être engagées à l’encontre de la société absorbante pour des faits commis par la société absorbée. La Cour applique strictement le principe de la personnalité des peines garanti par l’article 121-1 du Code pénal («nul n’est responsable de son propre fait») et en tire les conséquences suivantes : la responsabilité pénale étant attachée à la personne, la disparition de la société absorbée entraîne l’extinction de sa responsabilité pénale par le simple effet de la fusion.

Par Alexandre Delhaye, avocat associé en corporate/fusions & acquisitions. Il intervient pour le compte d’industriels, de fonds d’investissement et de managers, ainsi que dans le cadre de réorganisations de groupes. alexandre.delhaye@cms-fl.com

Étant éteinte au jour de la fusion, cette responsabilité ne peut être transmise à la société absorbante contrairement aux autres passifs qui eux subsistent et sont transmissibles2.

La Cour réaffirme avec insistance l’autonomie du droit pénal alors que le contexte prétorien est pourtant favorable à une évolution.

Celle-ci a débuté par des décisions relatives à la transmission des sanctions pécuniaires émanant de l’Autorité des marchés financiers3 ainsi que de l’Autorité de la concurrence4.

En droit de la concurrence, cette transmission est plus ancienne mais elle trouve son fondement dans le fait que c’est la notion d’entreprise qui est prise en considération. 

Puis, par une décision du 5 mars 20155, la Cour de justice de l‘Union européenne a jugé qu’une fusion entraînait la transmission à la société absorbante de l’obligation de payer une amende infligée pour des infractions au droit du travail commises par la société absorbée avant ladite fusion. Par ailleurs, le Conseil constitutionnel, dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité6, a également décidé, mais en dehors du droit pénal, que le prononcé d’une sanction pécuniaire à l’encontre d’une société absorbante en raison d’infractions commises par l’absorbée était conforme à la Constitution.

Malgré ces vents nouveaux, la Cour de cassation maintient son statu quo.

Cependant, si le raisonnement de la Cour nous semble indiscutable s’agissant de personnes physiques, son application aux personnes morales nous semble plus contestable. L’interprétation à la lettre dudit article 121-1 par la Cour semble ne pas tenir compte du fait que la personne morale n’est qu’une fiction juridique. De ce fait, sa responsabilité ne peut être engagée qu’en raison de l’action de ses représentants. Dès lors, ne pourrait-on pas considérer que la société absorbée  ne disparaît pas, mais qu’elle poursuit sa personnalité juridique sous une autre forme ?

La résistance de la Cour pose nécessairement la question de l’évolution de certains textes du Code pénal afin que ceux-ci s’adaptent encore un peu plus aux personnes morales !

Une nouvelle approche permettrait de concilier la rigueur des textes avec une réalité économique bien différente et d’éviter qu’une fusion ne constitue un moyen pour une société d’échapper aux conséquences des infractions qu’elle aurait commises7.

Le rôle de la Chambre criminelle n’étant pas d’interpréter les dispositions du Code pénal afin de se prémunir contre une éventuelle fraude des sociétés, une intervention du législateur pourrait donc être souhaitable sur cette question.

1. 16-80.366.

2. À noter toutefois la réserve de la Chambre commerciale dans l’hypothèse où une fusion serait décidée dans l’unique but d’éluder toute poursuite pénale à l’encontre de la société absorbée.

3. CE, 30 mai 2007, n° 293423, sté Tradition securities and futures.

4. Cass. com., 28 févr. 2006, n° 05-12.138.

5. Aff. 343/13.

6. Cons. const., déc. QPC n° 2016-542, 18 mai 2016.

7. CJUE, préc., consid. 33.


La lettre des fusions-acquisition et du private equity

SAS : les membres du comité de surveillance aussi peuvent être responsables

Virginie Corbet-Picard

La lecture de deux arrêts de la chambre commerciale de la Cour de cassation rendus à propos d’une même affaire (Cass. com., 20 décembre 2017, n° 16-16.015 et Cass. com., 4 novembre 2014, n° 13-20.158) apporte un éclairage intéressant sur la responsabilité des membres d’un comité de surveillance de SAS.Les faits dont avaient eu à connaître les juges dans cette affaire concernaient une SAS comportant un organe sui generis de contrôle dénommé «comité de surveillance».

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