La lettre des fusions-acquisition et du private equity

Décembre 2018

LBO Dutreil : vers un assouplissement important du dispositif

Publié le 7 décembre 2018 à 10h56    Mis à jour le 11 décembre 2018 à 9h49

Philippe Gosset et David Mantienne

Le mécanisme dit de «LBO Dutreil», instauré en 2009, s’apprête à vivre une petite révolution dans le cadre du projet de loi de finances pour 20191.

Par Philippe Gosset, avocat en fiscalité. Il intervient tant en matière de fiscalité des transactions et private equity que dans le domaine de la fiscalité des entrepreneurs, actionnaires et dirigeants. philippe.gosset@cms-fl.com et David Mantienne, avocat en corporate/fusions & acquisitions. Il intervient principalement en matière d’opérations de fusion-acquisition, de private equity et de restructuration de groupes de sociétés, pour des clients tant français qu’étrangers. david.mantienne@cms-fl.com 

Bien connu des conseils en ingénierie patrimoniale, ce dispositif permet de combiner la technique du Leverage Buy-Out (LBO) et ses effets de levier financier et fiscal, avec l’exonération Dutreil2 à concurrence de 75 % des droits de donation applicables aux transmissions intrafamiliales d’entreprises.

La situation est courante en pratique. Des parents détiennent une société opérationnelle qu’ils veulent en tout ou partie donner à leurs enfants3, lesquels ne sont toutefois pas nécessairement tous intéressés par la reprise. La technique consiste alors, dans le cadre d’une donation-partage, à ce que les parents transmettent leurs titres aux enfants repreneurs, à charge pour eux de verser une soulte aux enfants non repreneurs pour que le partage puisse opérer.

Faute de liquidités, la soulte4 est alors fréquemment financée par emprunt bancaire. C’est ici que le dispositif trouve à s’appliquer : les repreneurs peuvent apporter leurs titres et leur dette de soulte à une holding dédiée qui contractera l’emprunt afin de permettre le paiement de la soulte. Cet emprunt sera remboursé par le versement de dividendes, très peu fiscalisés en raison de l’application du régime mère-fille au niveau de la holding.

Ce dispositif est aujourd’hui encadré par des conditions d’application très strictes qui ont rendu son attrait tout relatif. Le PLF 2019 entend en gommer les principales rigidités.

L’apport pourrait désormais être réalisé en période d’engagement collectif de conservation

L’exonération Dutreil impose une conservation des titres transmis pendant une période globale de six ans, qui se décompose en une période de conservation collective de deux ans suivie d’une période de conservation individuelle de quatre ans.

Dans le régime actuel, l’apport des titres par les enfants repreneurs ne peut être effectué que pendant la période d’engagement individuel de conservation, ce qui impose d’attendre la fin de la période d’engagement collectif de deux ans pour réaliser l’opération. Cette contrainte entrave fortement la mise en œuvre des opérations. Le PLF 2019 projette d’y remédier en autorisant désormais la réalisation de l’apport en période d’engagement collectif. L’apport pourrait donc suivre la donation sans délai.

La condition liée à l’objet exclusif de la holding serait abandonnée

La holding doit aujourd’hui avoir pour unique objet la gestion de son propre patrimoine, lequel doit être constitué exclusivement de titres de la société transmise5 et ce, pendant les deux périodes d’engagement de conservation.

Cette condition serait assouplie. L’actif brut réel de la holding n’aurait plus à être exclusivement composé des titres apportés, mais seulement à hauteur d’au moins 50 %. La holding pourrait donc détenir des actifs non liés à l’entreprise reprise et exercer d’autres activités en parallèle de son activité de holding (telles que l’animation d’un groupe ou la fourniture de prestations de services).

Le capital de la holding pourrait être ouvert à des tiers

Aujourd’hui, la holding doit être détenue en totalité par les bénéficiaires de l’exonération Dutreil et, éventuellement, par les parents sous réserve qu’ils demeurent minoritaires. Cette condition de détention de la holding serait ramenée à 75 % du capital et des droits de vote, les parents pouvant désormais être majoritaires. Des tiers pourraient donc entrer au capital de la holding dans la limite de 25 %, permettant ainsi l’association de managers et l’arrivée de fonds d’investissement minoritaires.

Sous réserve de leur adoption définitive par le Parlement, ces mesures – qui entreraient en vigueur au 1er janvier 2019 – donneraient sans nul doute un second souffle aux opérations de Family Buy-Out réalisées sous le bénéfice du régime Dutreil.

1. PLF 2019.

2. Prévue par l’article 787 B du Code général des impôts.

3. Une autre partie pouvant par ailleurs être cédée.

4. Et, le cas échéant, le prix des titres cédés.

5. Ou de sociétés de son groupe ayant une activité similaire ou connexe et complémentaire.

Retrouvez tous les trimestres la Lettre de l'Immobilier avec notre partenaire, CMS Francis Lefebvre.
CMS Francis Lefebvre est l’un des principaux cabinets d’avocats d’affaires français, dont l'enracinement local, le positionnement unique et l'expertise reconnue lui permettent de fournir des solutions innovantes et à haute valeur ajoutée en droit fiscal, en droit des sociétés et en droit du travail. 

 

Au sommaire de la lettre


La lettre des fusions-acquisition et du private equity

De l’importance du délai impératif d’information du cédant dans les garanties de passif

Benoît Gomel et Louis-Nicolas Ricard

Par trois contrats datés du 28 mai 2010, une société Gemma cédait à plusieurs acheteurs des droits sociaux contre un prix payable en plusieurs échéances. Une clause de garantie de passif avait été négociée, sa mise en jeu étant subordonnée à ce que les acheteurs avisent «le cédant de toute réclamation et notamment, de toute vérification fiscale, parafiscale ou sociale dont la société [cédée] pourra faire l’objet et l’avoir mis à même d’assurer la défense de ses intérêts», ceci pendant quatre ans, jusqu’au 30 juin 2014.

Lire l'article

Consulter les archives

Voir plus

Chargement en cours...