La lettre des fusions-acquisition et du private equity

Octobre 2016

Facturation de management fees aux pays émergents : revue des principales problématiques fiscales

Publié le 30 septembre 2016 à 16h27

Agnès de l’Estoile-Campi

La facturation de management fees à des filiales situées dans les pays émergents est devenue un point de friction récurrent pour les sociétés françaises. Les problématiques fiscales soulevées doivent être résolues tant localement qu’en France.

Par Agnès de l’Estoile-Campi, avocat associé en fiscalité internationale et conseiller du commerce extérieur de la France. agnes.delestoile-campi@cms-bfl.com 

Tout d’abord, il faut résoudre la problématique de la retenue à la source. En général et en application des conventions fiscales signées par la France avec ces pays, aucune retenue n’est censée être prélevée sur des facturations de services qui n’entraînent pas de transfert de savoir-faire. Au Brésil, par exemple, l’administration fiscale a radicalement modifié sa position en 2014 et le prélèvement d’une retenue à la source sur les facturations de services par des entreprises françaises n’est plus un problème majeur. En Inde, un arrêt Steria de juillet 2016 a validé qu’en application de la clause de la nation la plus favorisée, la retenue à la source ne devrait plus s’appliquer à des services techniques, mais le sujet est loin d’être épuisé car la convention fiscale franco-indienne permet de prélever une retenue à la source sur les services de conseil. Lorsqu’une retenue à la source est prélevée localement, malgré les dispositions de la convention fiscale, elle ne vaut pas crédit d’impôt et entraîne, de ce fait, une double imposition. Il nous semble toutefois que, dans ce cas, on devrait admettre qu’elle constitue une charge déductible pour la société française.

Ensuite, de nombreux obstacles à la déduction par les sociétés locales des management fees demeurent. En Chine, par exemple, la simple appellation de management fees emporte la non-déduction automatique pour la filiale chinoise ! Au Brésil comme en Inde, le degré d’exigence de preuve concernant le bien-fondé et la matérialité des services semble dissuasif. Enfin, il faut bien entendu justifier du prix et de la méthode de facturation. On constate donc, en pratique, une auto-censure qui crée une double imposition : soit que la filiale locale ne déduit pas les facturations, soit que la société mère française renonce à facturer.

Lorsque la société française renonce à facturer, elle risque la réintégration des management fees non facturés dans la base de l’impôt sur les sociétés (article 57 du Code général des impôts) et l’application d’une retenue à la source sur les revenus réputés distribués. S’il est désormais possible d’éviter la retenue à la source par un remboursement spontané des management fees non facturés1, le redressement en impôt sur les sociétés peut en cacher un autre en matière de TVA. En effet, un arrêt du Conseil d’Etat du 20 mai 2016 a jugé que les droits à déduction de TVA sur les frais des sociétés holding étaient maintenus intégralement, à la condition toutefois que ces frais soient affectés à des filiales à la gestion desquelles la société holding participe (autrement dit que la holding facture des management fees)2. La situation des sociétés qui participeraient à la gestion de ses filiales sans facturer les management fees correspondants n’est pas résolue par cet arrêt.

La confrontation de la pratique et des principes français peut donc engendrer une double imposition et, en fonction des circonstances, un risque en matière de TVA. Un subtil équilibre doit être trouvé afin de minimiser les situations pénalisantes. Les groupes français doivent donc passer en revue leur politique de facturation de management fees pour tenter de résoudre les situations à risque, souvent propres aux pays émergents, et trouver des solutions pragmatiques qui permettent de cantonner le risque fiscal tant en France que dans les pays concernés.

1. Article L. 62 A du Livre des procédures fiscales (LPF).

2. Voir l’article d’Ariane Beetschen, page 7.

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