La lettre des fusions-acquisition et du private equity

Octobre 2016

L’assurance de «risques fiscaux spécifiques», nouveau vecteur de développement des assureurs

Publié le 30 septembre 2016 à 16h27

Thierry Granier et Johann Roc’h

Longtemps ignorée par les marchés français du capital-investissement et des fusions-acquisitions, l’assurance de garantie de passif est à présent en plein essor dans notre pays.

Par Thierry Granier, avocat associé en fiscalité internationale. Il intervient en matière de private equity dans les opérations de financement et d’acquisition. Il assiste plusieurs fonds d’investissement et établissements financiers dans leurs opérations à dimension internationale. thierry.granier@cms-bfl.comet Johann Roc’h, avocat en fiscalité internationale. Il intervient en matière de private equity dans les opérations de financement et d’acquisition dans un contexte international. Il intervient également en matière de fiscalité des entreprises pour une clientèle de groupes internationaux. johann.roch@cms-bfl.com 

Ce mécanisme connu depuis de nombreuses années et très usité dans les pays anglo-saxons a commencé à percer en France, notamment en raison des réticences des fonds d’investissement à accorder certaines garanties de passif classiques, par exemple lorsque le fonds doit être liquidé ou lorsqu’un séquestre n’est pas possible. L’appétence pour ce produit s’est depuis quelques années étendue à tous les secteurs d’activité objets de transactions, industriels ou immobiliers. Ce type d’assurance est aujourd’hui essentiellement disponible auprès d’assureurs étrangers, anglais pour la plupart, qui bénéficient de l’expertise accumulée en la matière depuis plus de quinze ans.

Aux rangs des risques couramment couverts par ces polices, les risques fiscaux figurent en bonne place. Or, dans l’hypothèse où ces risques auraient été précisément identifiés lors de la phase de l’audit fiscal qui doit précéder la transaction, la mécanique juridique conduit en principe à exclure ceux-ci de la police d’assurance. Les assureurs justifient cette exclusion par le fait que le critère essentiel de l’aléa, qui doit être inhérent à toute police à défaut de nullité, n’est plus caractérisé. En effet, dans ce cas, un risque fiscal spécifique ayant été identifié, le seul aléa consiste à déterminer si la société va être, ou non, contrôlée par l’administration fiscale, ce qui revient à réduire de façon significative le seuil de l’aléa à un niveau qui n’est plus acceptable pour un assureur.

Dans le but de répondre malgré tout aux demandes du marché français et parallèlement à ces assurances de garanties de passif, les assureurs développent un nouveau type de produit : l’assurance de risques fiscaux spécifiques. Dans ce cas, la logique de l’assureur consiste à conduire l’analyse suivante : bien qu’identifiés, les risques fiscaux en cause doivent être considérés, au regard de la loi ou de la jurisprudence, comme raisonnablement limités. Les assureurs sollicitent alors la production de «legal opinions», rédigées par leurs conseils, qui se prononcent sur la pertinence du risque en cause au regard des pièces fournies et de l’audit spécifique qui devra être réalisé à cette occasion. Au-delà des aspects purement techniques du dossier étudié, les assureurs examinent également les risques à l’aune du climat politique du pays ou encore de la propension de l’administration fiscale à cibler certaines pratiques fiscales ou certaines activités dans le contexte spécifique de la transaction concernée. La négociation de ces polices intervient en général dans des délais très brefs et, assez souvent, concomitamment à la négociation de l’assurance de garantie de passif.

Ce produit offre plus généralement un champ nouveau de perspectives, aussi bien pour les acteurs du capital-investissement que pour les groupes industriels ou immobiliers. Ces groupes peuvent avoir recours à ce produit, après identification d’un risque fiscal spécifique, afin de sécuriser leur situation. Cette assurance peut donc leur éviter de comptabiliser des provisions qui pourraient, à défaut, être exigées par les commissaires aux comptes. Dans les pays anglo-saxons, des entreprises recourent ainsi à ce type de police d’assurance afin de couvrir les risques fiscaux inhérents à des opérations de restructuration, pour autant que ces opérations soient motivées par des raisons économiques et non par des objectifs fiscaux. Le risque afférent à la remise en cause de crédits d’impôt peut également être couvert par ce type de police. La police d’assurance peut devenir, à cette occasion, une véritable alternative à une demande de rescrit. Or, compte tenu des délais d’obtention des rescrits en France, ce produit pourrait être d’un grand intérêt pour s’assurer «rapidement» à raison d’un risque fiscal spécifique.

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