La lettre des fusions-acquisition et du private equity

Octobre 2017

Présomption de garantie implicite intra-groupe : un débat enfin tranché par le Conseil d’Etat

Publié le 2 octobre 2017 à 10h39    Mis à jour le 2 octobre 2017 à 12h18

Thierry Granier et Johann Roc’h

Dans une décision très attendue, le Conseil d’Etat vient enfin de confirmer que l’appartenance d’une filiale à un groupe ne peut à elle seule conduire sur le plan juridique à reconnaître l’existence de garanties au profit de ladite filiale.

Par Thierry Granier, avocat associé en fiscalité internationale. Il intervient en matière de private equity dans les opérations de financement et d’acquisition. Il assiste plusieurs fonds d’investissement et établissements financiers dans leurs opérations à dimension internationale. thierry.granier@cms-bfl.com  et Johann Roc’h, avocat associé en fiscalité internationale. Il intervient en matière de private equity dans les opérations de financement et d’acquisition dans un contexte international. Il intervient également en matière de fiscalité des entreprises pour une clientèle de groupes internationaux. johann.roch@cms-bfl.com

Dans le cadre de la mise en place d’un leveraged buy-out (LBO), une partie du financement de l’acquisition de la société cible est communément assurée au travers d’un prêt intra-groupe. Or, l’arsenal législatif français prévoit dans ce cas que les intérêts servis à des sociétés liées sont déductibles dans la limite de ceux calculés d’après un taux publié de manière trimestrielle par l’Administration (auquel renvoie l’article 39, 1-3° du Code général des impôts) ou, s’ils sont supérieurs, d’après le taux que la société aurait pu obtenir d’établissements financiers indépendants dans des conditions similaires. Au cours des dernières années, l’administration fiscale a procédé à de nombreux rehaussements au motif que le taux intra-groupe pratiqué était trop élevé. L’Administration s’appuyait pour ce faire sur le fait qu’une filiale emprunteuse bénéficiait nécessairement d’une garantie implicite de son groupe et, partant, aurait pu obtenir de ce fait de meilleures conditions de financement que celles accordées à une société prise isolément.

Le Conseil d’Etat a enfin tranché un débat qui opposait de longue date une vision très subjective à une vision juridique, dans une décision rendue le 19 juin 2017 lors d’une affaire qui ne concernait pas stricto sensu une opération d’acquisition. La solution rendue par le Conseil d’Etat est cependant pleinement transposable à un contexte de LBO. De même, la solution a été rendue sous l’empire de l’ancienne rédaction du dispositif qui limitait la déductibilité des intérêts d’un prêt intra-groupe. Néanmoins, là aussi, la décision du Conseil d’Etat n’en conserve pas moins toute sa valeur pour les situations actuelles.

Selon le Conseil d’Etat, en l’absence de garantie explicite accordée par des entités du groupe à la société emprunteuse à raison du prêt intra-groupe, le seul fait pour ladite société d’appartenir à un groupe ne peut permettre, à défaut d’autres indices, de conclure à l’existence d’une garantie implicite. Dès lors, l’appartenance au groupe ne peut être considérée comme ayant une incidence sur le risque de solvabilité de la société emprunteuse pour les besoins de l’appréciation de ses conditions de financement.

L’administration fiscale ne peut donc plus simplement s’appuyer sur l’appartenance d’une filiale à un groupe pour en déduire qu’elle aurait pu bénéficier d’un taux d’intérêt plus faible en raison d’un risque de crédit prétendument moins élevé. Cette décision du Conseil d’Etat apparaît parfaitement logique d’un point de vue juridique à défaut de garantie explicite et, au surplus, eu égard au principe de responsabilité limitée qui régit les sociétés de capitaux. Une telle solution s’imposait enfin en l’absence de reconnaissance d’un intérêt au niveau du groupe dans notre législation.

Cette décision rappelle enfin toute l’importance pour les entreprises emprunteuses de documenter de manière appropriée les taux retenus, fût-ce postérieurement aux opérations d’acquisition. A cet égard, la plus grande rigueur d’analyse s’impose dans la mesure où l’administration fiscale reporte à présent toute son attention sur les méthodes d’analyse et les hypothèses retenues.


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