La lettre des fusions-acquisition et du private equity

Octobre 2014

L’expert de l’article 1843-4, la réforme tant attendue est-elle au rendez-vous ?

Publié le 10 octobre 2014 à 11h30    Mis à jour le 10 octobre 2014 à 15h36

Isabelle Buffard-Bastide,

Une récente ordonnance vient de modifier profondément la rédaction de l’article 1843-4. Rappelons que les dispositions de l’article 1843-4 du Code civil ont pour finalité de permettre la détermination du prix de cession des droits sociaux en cas de contestation ainsi que la protection des intérêts de l’actionnaire dont la cession de titres est imposée, par une juste évaluation de ses droits sociaux.

Par Isabelle Buffard-Bastide, avocat associé. Spécialisée en droit des sociétés et en droit commercial, elle intervient plus particulièrement sur les questions relatives aux opérations de private equity, notamment pour des fonds d’investissement et des actionnaires familiaux.

La situation antérieure

Depuis quelques années, une jurisprudence très critiquée, notamment par les praticiens, s’était développée concernant l’étendue des pouvoirs de l’expert et le champ d’application dudit article. Puis, récemment1, nous avons assisté à un revirement de cette jurisprudence. Enfin, ce texte a fait l’objet d’une profonde refonte dans l’ordonnance du 31 juillet 2014.

La jurisprudence a, en premier lieu, considéré que l’expert de l’article 1843-4 n’était pas tenu de respecter les indications des parties concernant sa mission, ni même d’appliquer les dispositions communes entre les parties concernant la détermination du prix de cession ; l’expert de l’article 1843-4 disposait ainsi d’un pouvoir souverain d’évaluation des droits sociaux.

Dans un second temps, la jurisprudence a considéré que les dispositions de l’article

1843-4 s’appliquaient également à des hypothèses de cession de droits sociaux purement contractuelles (promesse – pacte) et non pas seulement aux seules cessions prévues par la loi ou par les statuts.

En faisant primer la protection de l’actionnaire au détriment de la liberté contractuelle, ces décisions ont généré une grande insécurité juridique. En particulier, sur les promesses de cession de titres, l’une des parties pouvant refuser d’exécuter son obligation de cession de ses droits sociaux au prix fixé dans la promesse et saisir l’expert de l’article 1843-4. Ce dernier pouvait alors retenir son propre prix, parfois très différent de celui convenu entre les parties. Ainsi, les promesses dites de «bad leaver» au titre desquelles les managers s’engageaient à céder leurs droits sociaux à un prix décoté en cas de faute, ont pu être remises en cause.

Est alors intervenu l’arrêt du 11 mars 2014 par lequel la Cour de cassation a opéré un revirement important en considérant que l’article 1843-4 ne s’appliquait pas aux promesses de vente librement consenties.

Le nouvel article 1843-4 : ordonnance du 31 juillet 2014 relative au droit des sociétés

L’ordonnance du 31 juillet 2014 semble achever ce mouvement en modifiant de façon importante la rédaction de l’article 1843-4.

Un champ d’application limité

Désormais le champ d’application de cet article apparaît strictement délimité.

L’article 1843-4 n’a vocation à s’appliquer qu’aux cessions de droits sociaux au titre desquelles le législateur aura prévu expressément le renvoi au présent article pour fixer les conditions de prix et aux cessions de droits sociaux prévues par les statuts sans que leur valeur ne soit ni déterminée ni déterminable.

Dans tous les autres cas, l’article 1843-4 ne devrait donc pas être applicable.

Des pouvoirs de l’expert réduits

Par ailleurs, le nouvel article 1843-4 limite les pouvoirs de l’expert, lequel devra désormais prendre en compte les stipulations statutaires ou extra-statutaires prévoyant une méthode de valorisation.

Nul doute que cette nouvelle rédaction de l’article 1843-4 va satisfaire les praticiens.

Pour autant, ce retour à la liberté contractuelle va nécessairement restreindre la protection de l’actionnaire dont la cession des titres est imposée, un juste équilibre sera alors nécessaire. Parions que l’expert du 1843-4 viendra encore, sans doute, nous surprendre.


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