La lettre des fusions-acquisition et du private equity

Mars 2015

La cession d’actifs essentiels d’une société au cœur des débats

Publié le 27 mars 2015 à 10h52    Mis à jour le 27 mars 2015 à 15h01

Alexandre Delhaye

Le dirigeant d’une société, que celle-ci soit ou non cotée, dispose communément des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société. Il lui est donc possible de céder librement des actifs sociaux, à charge pour lui de répondre de ses choix en engageant sa responsabilité.

Par Alexandre Delhaye, avocat associé en Corporate/Fusions & Acquisitions, intervenant pour le compte d’industriels, de fonds d’investissement et de managers, ainsi que dans le cadre de réorganisations de groupes.

Ainsi, si la cession décidée par le dirigeant est jugée contraire à l’intérêt social, sa responsabilité pourra être engagée sur le terrain de la faute de gestion et la question de sa révocation se posera. Mais ces sanctions n’interviennent, par définition, qu’a posteriori. S’agissant de mesures curatives, elles n’offrent donc qu’une protection relative du patrimoine social : lorsqu’un fonds de commerce ou un actif immobilier significatif est cédé, son exploitation n’est plus possible. L’actif social est endommagé et l’indemnisation destinée à compenser la cession de l’actif ne permet qu’une réparation temporaire par une compensation de valeur. La liberté dont dispose le dirigeant de céder des actifs significatifs de la société constitue, dans bien des cas, une menace pour la pérennité des entreprises. Les affaires SFR-Vivendi et Alstom-GE ont permis un retour d’expérience à ce sujet.

Un groupe de réflexion sur la cession d’actifs significatifs de sociétés cotées a donc été réuni par l’Autorité des marchés financiers (AMF). Ses conclusions ont été publiées le 19 février 2015. Le groupe préconise une évolution des codes de gouvernement d’entreprise en conférant à l’assemblée générale des actionnaires un rôle de consultation préalable. Selon les mots employés dans le rapport rendu public par le groupe de réflexion, c’est d’un «renforcement du droit souple» dont il est question et non d’une modification législative. Dès lors que le dirigeant envisagerait de céder un actif significatif, il devrait consulter l’assemblée des actionnaires. Et pour déterminer s’il s’agit d’un actif significatif, quatre critères ont été proposés : le chiffre d’affaires réalisé par le ou les actifs ou activités cédés rapporté au chiffre d’affaires consolidé, le prix de cession du ou des actifs rapporté à la capitalisation boursière totale, la valeur nette du ou des actifs cédés rapportée au total de bilan consolidé, le résultat courant avant impôts généré par les actifs ou activités cédés rapporté au résultat courant consolidé avant impôt.

Dès lors que deux coefficients atteignent ou dépassent la moitié du montant consolidé calculé pour la société cédante sur les deux exercices précédents, l’actif doit être considéré comme significatif et l’autorisation de l’assemblée devrait, alors, être sollicitée.

Une consultation publique a été proposée par l’AMF, notamment sur l’opportunité de préférer une modification des codes de gouvernement d’entreprise à une réforme législative et sur le choix des critères.

En réalité, la discussion pourrait s’affranchir de la frontière entre les sociétés cotées et les sociétés non cotées. La question de la cession des actifs significatifs d’une société dépasse très largement le seul domaine des marchés. Les exemples sont nombreux, en jurisprudence, dans lesquels le dirigeant d’une SARL ou d’une SAS a procédé à la cession d’un fonds de commerce ou d’un actif immobilier important. Or, à l’heure actuelle, la jurisprudence ne sanctionne un tel acte par la nullité que lorsque la cession a pour objet l’unique actif social car sa vente constitue une modification de l’objet statutaire : une telle modification ressortit à la compétence exclusive de la collectivité des associés. La vente décidée par le dirigeant est donc frappée de nullité.

Mais en dehors de cette hypothèse, la cession ne sera sanctionnée que sur le terrain de la faute de gestion. Or, face à la gravité de l’atteinte à l’intérêt social que présente la cession d’un actif significatif, il pourrait y avoir lieu de s’interroger. Pour autant, il ne semble pas souhaitable d’entraver la liberté des dirigeants en charge de l’intérêt social. Dans les sociétés non cotées, seule une réforme législative pourrait néanmoins modifier les rapports de pouvoirs dans la société anonyme mais cette réforme aboutirait à une rigidification déjà excessivement développée.

Retrouvez tous les trimestres la Lettre de l'Immobilier avec notre partenaire, CMS Francis Lefebvre.
CMS Francis Lefebvre est l’un des principaux cabinets d’avocats d’affaires français, dont l'enracinement local, le positionnement unique et l'expertise reconnue lui permettent de fournir des solutions innovantes et à haute valeur ajoutée en droit fiscal, en droit des sociétés et en droit du travail. 

 

Au sommaire de la lettre


La lettre des fusions-acquisition et du private equity

Le limited partnership à la française

Jérôme Sutour et Benoît Foucher

Le projet de loi Macron, récemment adopté en première lecture par les députés, entend créer un nouveau véhicule de capital investissement : la société de libre partenariat1 (SLP).

Lire l'article

Consulter les archives

Voir plus

Chargement en cours...