La lettre gestion du patrimoine

Décembre 2013

Comment optimiser la transmission au conjoint survivant?

Publié le 28 novembre 2013 à 18h09    Mis à jour le 12 mars 2014 à 9h53

Philippe Laval

Un constat s’impose tout d’abord : la situation successorale du conjoint survivant, jadis réduite à la portion congrue, s’est fortement améliorée au cours de ces dernières années, avec les réformes successorales du 3 décembre 2001 et du 23 juin 2006, et la loi «TEPA» du 21 août 2007.

Par Philippe Laval, avocat, Landwell & Associés.

Ses droits légaux (en l’absence de dispositions testamentaires ou de donations entre époux) ont en effet été fortement étendus. Ainsi par exemple, là où, en présence d’enfants, le conjoint survivant ne pouvait, avant la loi du 3 décembre 2001, prétendre qu’à un quart en usufruit de la succession de l’époux prédécédé, il peut aujourd’hui opter soit pour l’usufruit de la totalité de la succession soit pour un quart en pleine propriété (en présence d’enfants non communs aux deux époux, le conjoint survivant ne peut cependant recueillir que le quart en pleine propriété).

De plus, depuis la loi TEPA de 2007, le conjoint survivant est totalement exonéré de droits de succession. Pour autant, les techniques traditionnelles d’optimisation de la transmission au conjoint survivant que sont les donations «au dernier vivant», les régimes matrimoniaux ou l’assurance vie n’en conservent pas moins tout leur intérêt, si l’on souhaite renforcer davantage les droits de son conjoint après le décès.

En effet, s’il est vrai que la motivation fiscale a beaucoup diminué depuis la suppression des droits de succession entre époux par la loi TEPA, ces outils demeurent très performants sur le plan civil et patrimonial.

Les libéralités entre époux

Ces libéralités, par lesquelles on donne ou on lègue à son conjoint une quote-part ou des droits dans sa succession (dans la limite de la quotité disponible entre époux de l’article 1094-1 du Code civil en présence d’enfants) restent, malgré l’extension des droits successoraux légaux du conjoint survivant depuis 2001, un instrument privilégié de transmission.

Ainsi la «donation au dernier vivant» permet-elle de majorer les droits successoraux du conjoint survivant en lui attribuant la quotité maximale entre époux permise par la loi, à savoir un quart en pleine propriété et trois quarts en usufruit, ou encore par exemple de lui attribuer, en présence d’enfants non communs, l’usufruit de la totalité de la succession.

S’agissant d’une libéralité à cause de mort, elle bénéficiera de l’exonération de droits de succession du conjoint survivant. Ce type de libéralités entre époux offre en outre une grande souplesse.

En effet, elle est toujours révocable (au même titre que le testament ou la désignation bénéficiaire d’une assurance vie), contrairement aux donations de biens présents entre époux, qui ne le sont plus depuis le 1er janvier 2005.

Par ailleurs, le conjoint survivant pourra, en vertu de la donation au dernier vivant, exercer dans la succession du prédécédé l’option qui lui paraîtra alors la mieux adaptée à sa situation (soit la totalité en usufruit, soit la quotité disponible ordinaire en pleine propriété, soit un quart en pleine propriété et trois quarts en usufruit).

Cette formule donne donc une grande latitude au conjoint survivant, et ce d’autant plus que la réforme des successions de 2006 a instauré une faculté de cantonnement pour ce dernier, qui lui permettra s’il le souhaite de limiter la libéralité à une quotité de la succession ou à certains biens seulement, à son choix et en fonction de ses besoins.

Il pourra ainsi accroître d’autant les droits des enfants, sans que cela ne soit considéré comme une libéralité qu’il leur consent, ainsi que le stipule expressément l’article 1094-1 alinéa 2 du Code civil.

Le recours aux conventions et avantages matrimoniaux

Les stratégies tirées du choix ou de la modification du régime matrimonial conservent également toute leur pertinence quand on veut accroître la protection de son conjoint survivant au-delà de sa vocation successorale légale. Ainsi, même si le changement de régime matrimonial pour adopter la communauté universelle assortie d’une clause d’attribution au conjoint survivant de la totalité (ou d’une part supérieure à la moitié) de la communauté n’apporte plus d’avantage particulier sur le plan fiscal compte tenu de la suppression des droits de succession entre époux, il reste néanmoins un moyen très efficace d’augmenter sensiblement les droits du conjoint survivant au plan civil.

Par le biais en effet des conventions et avantages matrimoniaux, que ce soit dans le contrat de mariage initial ou au cours du mariage par la voie d’une modification ou d’un changement de régime, on peut avantager le conjoint survivant «hors succession» et écarter de ce fait la limite légale de la quotité disponible entre époux.

Le droit des régimes matrimoniaux offre toute une gamme de solutions qui permettent de faire du «sur-mesure» patrimonial.On peut ainsi apporter des biens propres en communauté,attribuer au conjoint survivant une quote-part plus importante (voire la totalité) de la communauté, en pleine propriété ou en usufruit seulement, ou encore lui consentir un préciput qui lui permettra de prélever sur la communauté, avant tout partage de la succession, tel ou tel bien ou une quotité. De même, des époux mariés sous le régime de la séparation de biens peuvent, soit dans leur contrat de mariage initial, soit par voie de modification ultérieure, constituer une société d’acquêts à laquelle ils apporteront chacun des biens qu’ils souhaitent mettre en «communauté» entre eux, en vue de les partager au décès.

Cette société d’acquêts pourra également, à l’instar d’une communauté de biens classique, être assortie d’un avantage matrimonial en faveur du conjoint survivant : attribution d’une quote-part plus importante des biens formant la société d’acquêts, voire de la totalité, préciput, etc. Toutes ces dispositions seront considérées (sous réserve toutefois d’une éventuelle action en retranchement des enfants non communs le cas échéant)comme des conventions matrimoniales et non pas comme des libéralités entre époux, ce qui leur permet d’échapper aux règles successorales du rapport ou de la réduction pour atteinte à la réserve des enfants notamment.

Il ne faut cependant pas perdre de vue le caractère irrévocable de ces conventions et avantages matrimoniaux,à la différence des donations de biens à venir («au dernier vivant») ou des legs entre époux.La loi prévoit tout de même la révocation de plein droit en cas de divorce des avantages matrimoniaux prenant effet au décès, ce qui paraît une sage précaution… Par ailleurs, il sera prudent de stipuler expressément,dans la convention matrimoniale, la faculté pour les époux de reprendre en cas de divorce lesbiens qu’ils ont apportés à la communauté (ou à la société d’acquêts), ainsi que le permet la loi.

L’assurance vie

Elle reste aussi à n’en pas douter une technique éprouvée d’optimisation de la situation successorale du conjoint survivant, par son statut civil spécifique et dérogatoire au droit des successions.En désignant son conjoint survivant bénéficiaire d’un contrat d’assurance vie, on pourra en effet l’avantager hors succession sans se heurter aux limites légales de la quotité disponible entre époux,du rapport, de la réduction, de l’imputation sur ses droits successoraux légaux… C’est en outre un bon moyen de transformer des biens communs en biens propres du conjoint survivant,lorsque les primes sont payées par la communauté, dans la mesure où les capitaux versés au conjoint survivant bénéficiaire constitueront pour lui des biens propres, sans aucune récompense au bénéfice de la communauté.

L’assurance vie doit cependant être utilisée avec une certaine mesure, car tant la loi que la jurisprudence lui assignent certaines limites de nature à assurer un minimum de protection aux héritiers :les primes versées ne doivent pas être manifestement excessives eu égard aux facultés financières du souscripteur, elle doit présenter un caractère aléatoire et une utilité pour le souscripteur au regard notamment de son âge ou de son état de santé…C’est qu’ici plus qu’ailleurs sans doute, on présume que l’intention libérale est fortement sous-jacente.

Fiscalement, en revanche, la désignation du conjoint survivant comme bénéficiaire du contrat d’assurance vie n’apporte pas d’avantage particulier par rapport au conjoint survivant héritier «de droit commun» si l’on peut dire, compte tenu de l’exonération de droits de succession dont il bénéficie désormais d’une manière générale.

La clause bénéficiaire peut cependant être fiscalement optimisée par le recours au démembrement de propriété (par exemple désignation du conjoint survivant comme bénéficiaire en usufruit et des enfants comme bénéficiaires en nue-propriété)compte tenu de la dette de restitution dont la succession du conjoint usufruitier sera redevable à l’égard des nus-propriétaires au titre de son quasi usufruit. Précisons enfin que la désignation bénéficiaire du conjoint survivant est révocable, au même titre que les donations au dernier vivant ou les réversions d’usufruit au survivant des époux, ce qui offre là encore une souplesse appréciable.


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