La lettre gestion du patrimoine

Janvier 2017

Aides d’Etat et accords préalables en matière de prix de transfert

Publié le 13 janvier 2017 à 16h04

Michel Combe, avocat associé, PwC Société d’Avocats

La décision de la Commission européenne Apple en date du 16 mai 2016 est l’occasion de s’interroger à nouveau sur la pertinence de solliciter d’une autorité ou plusieurs autorités fiscales un accord préalable en matière de prix de transfert ou APA.

Par Michel Combe, avocat associé, PwC Société d’Avocats

L’obtention d’un tel accord avec une ou plusieurs autorités fiscales a été historiquement mise en avant comme étant la source d’une sécurité juridique dans la durée. Faut-il à la lecture des éléments publiés autour de la décision Apple renoncer à entreprendre une telle démarche et considérer que les accords préalables unilatéraux ou bilatéraux ne sont plus les vecteurs de la sécurité fiscale recherchée ?

Dans sa communication relative à la notion d’«aide d’Etat» visée à l’article 107, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (2016/C262/01), la Commission au point 171 indique : «La Cour de justice a jugé qu’une réduction de la base imposable d’une entreprise résultant d’une mesure fiscale permettant à un contribuable d’utiliser des prix de transfert, dans le cadre d’opérations intragroupes, qui ne correspondent pas aux prix qui seraient appliqués dans des conditions de libre concurrence entre entreprises indépendantes négociant dans des circonstances comparables dans des conditions de pleine concurrence, conférait un avantage sélectif à ce contribuable, son impôt dû au titre du régime de droit commun étant inférieur à celui d’entreprises indépendantes dont la base imposable est calculée sur leur bénéfice réellement enregistré.» En conséquence, tout rescrit fiscal avalisant une méthode de fixation des prix de transfert servant à déterminer le bénéfice imposable d’une entité appartenant à un groupe d’entreprises qui aboutit à un résultat s’écartant d’une approximation fiable d’un résultat fondé sur le marché conforme au principe de pleine concurrence, confère un avantage sélectif à son bénéficiaire.

Au terme de cette lecture, on peut conclure que les APA sont légaux dans leur principe s’ils sont émis par une autorité fiscale afin de donner de la clarté à un contribuable quant à la façon dont son imposition doit être déterminée. Les APA ne peuvent conduire à écarter les règles du marché. Les autorités fiscales d’un Etat membre de l’Union ne peuvent pas octroyer à un contribuable un avantage concurrentiel illégitime quand dépourvu de justification économique.

En conséquence, il demeure toujours pertinent de solliciter un accord préalable en matière de prix de transfert dans au moins deux situations :

– les APA de routine, c’est-à-dire les APA unilatéraux ou bilatéraux sur des transactions simples mais nombreuses qui ne sont que l’application des règles fondamentales applicables en matière de prix de transfert ;

– les APA confirmation, c’est-à-dire les APA bilatéraux confirmant la bonne compréhension d’une règle classique de prix de transfert.

Les APA unilatéraux ou bilatéraux reconnaissant la pertinence de schémas artificiels et complexes dépourvus de justifications économiques ou la pertinence d’une autre méthode de prix de transfert que les méthodes OCDE ainsi que la pertinence ou une méthode de prix de transfert reconnue par l’OCDE mais dans une application hors de son champ naturel doivent être écartés. En effet, la demande d’APA dérogatoires doit être écartée dès lors qu’elle est susceptible de conduire à la reconnaissance d’une aide d’Etat avec toutes les conséquences fiscales et financières qui en résulteront. Il conviendra ainsi à notre sens de renoncer à solliciter un APA dans de telles circonstances.

En conclusion, à la lumière notamment de la décision Apple les entreprises devraient revoir les APA dont elles ont bénéficié ou dont elles bénéficient encore afin de s’assurer qu’ils rentrent dans l’une ou l’autre des deux premières catégories.

Si au terme de l’examen des APA obtenus dans le temps, les entreprises devaient constater que l’un d’entre eux relève de la troisième catégorie, elles devraient s’interroger sur les conséquences financières qui résulteraient d’une remise en cause de cet APA pour le passé et devraient envisager pour l’avenir les options possibles pour identifier et mettre en œuvre une solution alternative qui ne soit pas susceptible d’entraîner la reconnaissance d’une aide d’Etat.


La lettre gestion du patrimoine

Les aides d’Etat fiscales : un intérêt accru de la Commission pour cette matière complexe

Emmanuel Raingeard de la Blétière, PwC Société d’Avocats

Longtemps demeurées discrètes en fiscalité, les aides d’Etat ne cessent aujourd’hui de faire l’actualité. En dépit de plus d’un demi-siècle d’existence, le contenu et la portée exacts de l’interdiction des aides d’Etat demeurent, encore à ce jour, imprécis (1), en particulier en droit fiscal. Si son application à la matière fut confirmée dès 1974 par la Cour de justice de l’Union européenne, la vigilance de la Commission portait jusqu’à présent, essentiellement, sur les régimes fiscaux d’aide d’Etat, c’est-à-dire les dispositions fiscales de portée générale mais néanmoins sélectives au sens du droit des aides d’Etat. La Commission européenne s’intéresse désormais aux rescrits en ce qu’ils seraient, selon elle, des vecteurs potentiels d’aide individuelle (2).

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