La lettre gestion du patrimoine

Janvier 2017

De l’utilisation de la méthode du Profit Split pour valoriser le transfert d’actifs incorporels

Publié le 13 janvier 2017 à 16h04

Pierre Escaut et Hereil Lontsi, PwC Société d’Avocats

La méthode du profit split est généralement utilisée pour partager les profits dans des situations où les parties liées agissent de manière co-entrepreneuriale, notamment lorsque les opérations sont hautement intégrées ou en présence de contributions uniques et de valeur par chacune des parties .

Par Pierre Escaut, avocat associé, PwC Société d’Avocats et Hereil Lontsi, consultant, PwC Société d’Avocats

Sont alors partagés les profits effectivement réalisés, a posteriori, sur la base de critères reflétant la contribution des parties à la réalisation de ces profits. Seules les modalités de partage (par exemple clé ou pourcentage défini sur la base d’une analyse de la chaîne de valeur) sont définies a priori.

Dans sa consultation publique de juillet dernier relative au profit split («Discussion draft on the revised guidance on profit splits »), l’OCDE confirme la possibilité d’utiliser cette méthode pour le transfert d’actifs incorporels.

Le partage porte normalement, pour ce type de transactions, sur les profits anticipés et non réalisés. L’incertitude quant aux effets du partage est moindre, puisque les profits anticipés sont par définition connus lorsque le profit split est mis en place. L’OCDE indique que les activités n’ont alors pas à être hautement intégrées ; une telle intégration justifierait un partage de risques plus important avec un profit split calculé sur la base de profits effectivement réalisés.

S’agissant de contrats de licence, il s’agit là d’une approche alternative à la méthode la plus couramment utilisée, qui est celle de la méthode du prix comparable sur le marché libre, consistant pour des licences à fixer le taux de redevances en se référant à des contrats comparables conclus par des entités indépendantes. La fraction des profits anticipés revenant au licencié doit être déterminée comme pour le partage de profits effectivement réalisés ; des approches forfaitaires, telles que celles de la méthode dite «rule of thumb », ne sont pas reconnues par l’OCDE.

Le choix de l’une ou l’autre de ces méthodes doit être justifié en fonction de la situation considérée.

Supposons par exemple qu’une société française prenne en licence une marque détenue par sa maison mère américaine. Elle vend sous cette marque des produits qu’elle fait fabriquer sans l’utilisation d’une technologie de valeur. Elle a relativement peu d’autonomie, appliquant la politique commerciale et marketing de sa maison mère.

Si l’on appliquait alors la méthode du prix comparable sur le marché libre, la société française conserverait la totalité du résultat réalisé après paiement des redevances, alors qu’elle a un rôle limité.

Dans une telle situation, et sous réserve d’une analyse fonctionnelle approfondie, il pourrait être plus approprié d’appliquer la méthode du profit split.

Comment procéder en pratique ?

Il conviendrait d’établir des projections de compte de résultat pour la société française, et de calculer pour chacune des années faisant l’objet de projections, à partir d’une étude de comparables, ce que devrait être sa marge nette cible. Le profit résiduel reviendrait à la société américaine à travers le paiement des redevances. Le taux de redevances pourrait alors se calculer, sur la période considérée, sur la base du ratio suivant : somme des profits résiduels actualisés divisés par la somme des chiffres d’affaires actualisés. Le profit ainsi partagé serait un profit anticipé. La fraction de ce profit anticipé revenant à la société française rémunérerait ses fonctions de routine, et celle revenant à la société américaine rémunérerait sa marque. Le taux de redevances ainsi calculé serait fixe pendant la durée du contrat coïncidant avec la période ayant fait l’objet de projections.

Dans une telle situation, la méthode du profit split présenterait également l’intérêt de prendre en compte le potentiel de profits de la marque licenciée sur le marché français, comme le requiert par ailleurs l’OCDE dans ses travaux sur les actifs incorporels (Action 8 de son programme BEPS). Si la même société américaine donne en licence sa marque à une société sœur intervenant sur un marché moins profitable (du fait par exemple de prix de vente moins élevés), et dont les fonctions sont rémunérées de la même façon à travers une marge nette prédéfinie, le taux de redevances payées par cette société sœur serait moins élevé car le profit résiduel serait moins élevé. S’il y avait un même taux de redevances fixé sur la base de la méthode du prix comparable sur le marché libre, indépendamment du potentiel de profits de la marque sur le marché considéré, la société française aurait une marge nette plus élevée que celle de sa société sœur, alors même que ses fonctions sont similaires à celles de sa société sœur. On pourrait même aboutir à des situations incohérentes telles que des pertes pour la société sœur et des profits pour la société française, du fait de l’application d’un même taux de redevances sur des marchés aux profitabilités dissemblables.

La méthode du profit split, même si elle n’est pas une panacée pour fixer les prix de transfert du fait de conditions d’application strictement définies par l’OCDE, a de beaux jours devant elle : elle a vocation à s’appliquer pour partager des profits réalisés par des co-entrepreneurs, mais aussi pour partager des profits anticipés, lorsque par exemple la société licenciée n’est pas en droit, au regard de l’analyse fonctionnelle, de conserver la totalité du profit résiduel mais doit au contraire le restituer, à travers le paiement de redevances.

Et même lorsque la méthode du profit split ne s’applique pas, il est toujours utile, à titre de test corroboratif, de vérifier par une analyse de la chaîne de valeur si la répartition des profits constatée au sein du groupe a du sens, au regard des contributions des parties à la création de valeur.


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