La lettre gestion du patrimoine

Janvier 2017

Révélation des montages et échange des «rulings»

Publié le 13 janvier 2017 à 16h04

Philippe Durand, PwC Société d’Avocats

Depuis le 1er janvier 2014, les entreprises qui réalisent un chiffre d’affaires excédant 400 millions d’euros, ainsi que les mères ou filiales d’entreprises remplissant cette condition, sont tenues de communiquer à l’administration fiscale les décisions prises par les administrations étrangères qui concernent leurs «entreprises associées», en d’autres termes les décisions qui permettraient à ces entités liées de bénéficier d’un traitement fiscal favorable pour certaines opérations.

Par Philippe Durand, avocat associé, PwC Société d’Avocats

Depuis le 1er janvier 2014, les entreprises qui réalisent un chiffre d’affaires excédant 400 millions d’euros, ainsi que les mères ou filiales d’entreprises remplissant cette condition, sont tenues de communiquer à l’administration fiscale les décisions prises par les administrations étrangères qui concernent leurs «entreprises associées», en d’autres termes les décisions qui permettraient à ces entités liées de bénéficier d’un traitement fiscal favorable pour certaines opérations.

Cette information transmise par les contribuables sera maintenant complétée par les informations automatiquement et systématiquement échangées entre les administrations fiscales.

En effet, dans le cadre de l’Action 5 du projet BEPS et de celui d’une directive européenne (UE 2015/2376 du 8 décembre 2015), les Etats ont décidé la mise en place d’une communication automatique entre eux des décisions administratives unilatérales concernant les entreprises. Sont concernées les «décisions anticipées» concernant les impôts et taxes dans la directive européenne. Le dispositif mis en œuvre dans le cadre de l’OCDE ne concerne quant à lui que l’impôt sur les bénéfices. Ces décisions peuvent émaner de l’Etat aussi bien que d’une collectivité territoriale. Elles sont adressées non seulement à l’Etat concerné par la transaction visée par la décision, mais aussi aux Etats où réside la société contrôlant l’entité bénéficiaire de la décision.

Il existe quelques différences entre le dispositif européen et celui de l’OCDE quant à leur entrée en vigueur respective. Si les décisions prises ou modifiées à partir de 2017 sont concernées en toute hypothèse, la directive européenne envisage que cela s’applique également aux décisions depuis 2012 quand l’OCDE remonte jusqu’à 2010 à condition que les décisions concernées aient été encore en vigueur en 2014. La directive européenne prévoit par ailleurs la possibilité d’exclure la communication des décisions antérieures à avril 2016 qui concernent des entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur à 40 millions d’euros (hors activités financières), faculté qui n’existe pas dans le dispositif de l’OCDE. Enfin cette communication du stock de décisions antérieures est censée intervenir dès 2016 selon l’OCDE et avant la fin de 2017 pour l’Union européenne.

Ces quelques différences entre les deux dispositifs peuvent sembler accessoires. Elles risquent néanmoins de constituer une source de complications pour la gestion d’un dispositif pourtant présenté comme harmonisé. Elles pourraient contribuer à en perturber les premiers pas.

D’autres incertitudes subsistent, par exemple en ce qui concerne la confidentialité des informations transmises. Celles-ci sont censées ne pouvoir être utilisées qu’à des fins fiscales, les Etats participant à ce mécanisme ayant l’obligation de mettre en place des dispositions nationales pour garantir cette confidentialité. Mais quelles seront les sanctions des carences ou de la violation de ces règles ? La difficulté peut se poser tant par rapport à une utilisation autre que fiscale de ces informations qu’en cas de communication à un Etat ne participant pas directement à cet échange multilatéral d’informations.

Par ailleurs, le système européen sera géré par la Commission européenne mais celle-ci est censée ne pas pouvoir accéder à ces informations, notamment par crainte qu’elle ne les utilise pour le contrôle des aides d’Etat. Cette solution baroque fait penser à l’enfant auquel on demanderait de garder un stock de bonbons avec l’interdiction d’en manger.

Toutes ces différences et ces incertitudes donnent l’impression que le fonctionnement de ce mécanisme risque d’être chaotique, au moins au départ. D’autant qu’en même temps, le guide de l’utilisateur établi en juillet dernier à destination des administrations, conjointement par l’OCDE et l’Union européenne, entre dans un tel luxe de détails en ce qui concerne la standardisation des éléments communiqués et des modalités de cette communication qu’on a du mal à imaginer que les administrations parviennent à maîtriser ces procédures chinoises avant de nombreux mois.

Cela étant, la pratique montre, sur le terrain, que certains Etats qui avaient fait des rescrits destinés aux entreprises un facteur important de leur attractivité ont commencé à transmettre en nombre ces décisions, sans attendre l’entrée en production de l’usine à gaz qui semble s’annoncer. Tel est notamment le cas du Luxembourg et de la Suisse. La volonté de transparence semble plus manifeste au niveau des Etats que des autres collectivités disposant d’une compétence fiscale propre (Etats fédérés, cantons). Par ailleurs, certains semblent considérer que seules les décisions expresses sont concernées par ce dispositif, ce qui, selon eux, laisserait ouvert le cas des accords tacites pratiqués par certains Etats.


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