La lettre gestion du patrimoine

Avril 2018

Epoux en communauté et société

Publié le 13 avril 2018 à 10h44

Philippe Laval, PwC Société d’Avocats

La pratique nous démontre que de nombreuses questions découlent de la détention par des associés mariés sous un régime de communauté de parts ou actions dans des sociétés, notamment à la lumière de plusieurs arrêts récents de la Cour de cassation, dont la jurisprudence semble aujourd’hui bien fixée en la matière.C’est l’occasion de s’interroger sur les diverses situations rencontrées, et sur les conséquences qu’il convient d’en tirer sur le plan juridique, au regard notamment de la fameuse distinction que fait de manière constante la jurisprudence entre «le titre et la finance», c’est-à-dire entre la qualité d’associé attachée aux titres d’une part et leur valeur patrimoniale d’autre part.

Par Philippe Laval, avocat, PwC Société d’Avocats

Deux périodes distinctes doivent être envisagées à cet égard : pendant la communauté et à la dissolution de la communauté.

I. Les droits sociaux des époux au cours de la communauté 

Qui a la qualité d’associé ?

Lorsqu’un époux marié sous le régime de la communauté souscrit des parts ou des actions dans une société au moyen d’apport de biens communs (en nature ou en numéraire), ou les acquiert au moyen de deniers de communauté, ces parts sociales ou actions tombent en communauté avec son conjoint, mais seul l’époux qui les souscrit ou les acquiert aura la qualité d’associé dans la société, et pourra exercer l’ensemble des droits qui y sont attachés : droit de participer aux AG, droit de vote, droit de communication des documents sociaux, droit à percevoir les dividendes, droit de demander le remboursement du compte courant d’associé…

Rappelons cependant que, pour les sociétés autres que les sociétés par actions (sociétés civiles, SARL, SNC…), le conjoint de l’associé qui souscrit des parts en apportant des biens de communauté doit être préalablement informé de l’apport (à peine de nullité de l’apport), et peut revendiquer lui-même la qualité d’associé sur la moitié des parts (article 1832-2 du Code civil), sous réserve cependant des éventuelles clauses d’agrément qui auraient été prévues à cet effet dans les statuts.

Quid si les deux époux souscrivent ou acquièrent les parts ?

Si les deux époux font ensemble apport à la société de biens de communauté, les parts souscrites seront naturellement en communauté entre eux, mais la qualité d’associé qui y est attachée pourra être répartie entre les deux époux dans les proportions qu’ils auront convenues.

A défaut de cette répartition conventionnelle, il paraît logique de considérer que la qualité d’associé appartient aux deux époux, chacun pour moitié.

Ainsi par exemple, chacun des époux associés exercera seul le droit de vote attaché aux parts sur lesquelles il a la qualité d’associé.

Qui peut aliéner les parts ou actions de communauté ?

Même si l’époux a seul la qualité d’associé sur les parts relevant de la communauté, il ne pourra pas les vendre sans l’accord de son conjoint (article 1424 Code civil), ni en disposer à titre gratuit (article 1422), sauf à encourir la nullité de l’aliénation.

S’il s’agit d’actions en communauté (SA, SAS…), l’époux associé ou actionnaire pourra les vendre seul, mais ne pourra en disposer à titre gratuit sans le concours de son conjoint.

II. Les droits sociaux des époux à la dissolution de la communauté 

1. Dans les sociétés autres que les sociétés par actions (sociétés civiles, SARL, SNC)

La Cour de cassation fait ici une stricte application de la distinction du titre et de la finance, et lui donne dans ses derniers arrêts une portée considérable : lors de la dissolution de la communauté matrimoniale (décès d’un des époux ou divorce), les parts sociales qui en dépendaient ne tombent pas en nature dans l’indivision postcommunautaire, qui ne recueille que la valeur des parts.

L’époux associé (ou ses héritiers dans le cas d’un décès) conserve seul la qualité d’associé attachée auxdites parts, et peut seul disposer des parts, à titre gratuit ou onéreux, sans avoir besoin de l’accord de ses coïndivisaires (cf. Cass. 1re civ., 12 juin 2014).

Il importe de bien tirer les conséquences de cette solution dans les divers cas qui peuvent se présenter.

Les parts dont il était titulaire dans la société, avec la qualité d’associé y attachée, se retrouvent dans sa succession et tombent dans l’indivision successorale.

Les héritiers, s’ils n’étaient pas eux-mêmes déjà associés, devront cependant, le cas échéant, obtenir l’agrément des associés pour pouvoir entrer dans la société, selon ce que prévoient les statuts à cet égard.

Si les héritiers n’obtiennent pas l’agrément requis par les statuts, la valeur des parts du défunt au jour du décès devra leur être payée par la société (auquel cas les parts seront annulées dans le cadre d’une réduction de capital) ou par les associés qui rachètent les parts.

La situation reste inchangée au niveau de la société.

L’époux associé conserve seul la qualité d’associé.

Seule la valeur des parts tombe dans l’indivision postcommunautaire et donc pour moitié dans la succession du conjoint.

Les héritiers du conjoint non associé n’entrent pas dans la société, et ne peuvent pas demander l’agrément éventuel des associés, puisqu’ils ne recueillent pas les parts dans la succession mais seulement la moitié de leur valeur.

L’époux associé conserve seul la qualité d’associé sur les parts communes, qui ne tombent dans l’indivision postcommunautaire que pour leur valeur.

Seule la valeur desdites parts au jour du partage de la communauté figurera dans la masse à partager, et reviendra donc pour moitié au conjoint non associé.

Si les parts ont été aliénées par l’époux associé après la dissolution de la communauté et avant le partage de celle-ci, c’est le prix de cession des parts qui figurera dans l’actif à partager (et non pas leur valeur au jour du partage). C’est là la conséquence de la position de la Cour de cassation, qui reconnaît au seul conjoint associé le droit de disposer des parts communes dont il est personnellement titulaire dans la société.

Les revenus distribués ne sont pas la propriété exclusive de l’époux associé.

Les revenus des parts tombent dans l’indivision postcommunautaire, et les distributions de bénéfices faites entre la dissolution de la communauté et le partage (ou la date de la jouissance divise) accroissent donc l’indivision et seront à partager.

2. Dans les sociétés par actions (SA, SAS…)

La distinction du titre et de la finance est appliquée par la Cour de cassation de manière moins rigoureuse pour les actions de communauté.

Ainsi, au cours du mariage, la qualité d’associé appartient exclusivement à l’époux qui a souscrit ou acquis les actions au moyen de biens ou deniers de communauté, comme nous l’avons vu plus haut.

En revanche, à la dissolution de la communauté, il semble bien, à l’examen de la jurisprudence, que les actions elles-mêmes tombent dans l’indivision postcommunautaire, et non pas seulement leur valeur, comme c’est le cas pour les parts sociales (cf. point 1 ci-dessus).

Il en résulte notamment que l’accord des deux époux (ou ex-époux) sera nécessaire pour céder les actions.

Dans un arrêt récent du 7 octobre 2015, la Cour de cassation a considéré que l’aliénation d’actions par un époux seul durant l’indivision postcommunautaire était inopposable à l’autre, ce dont elle déduit en toute logique que c’est la valeur des actions au jour du partage de la communauté qui sera portée dans la masse à partager, et non pas leur prix de cession.

En cas de dissolution de la communauté par décès d’un des époux, les actions tombent en nature dans l’indivision postcommunautaire, et donc dans sa succession pour moitié.

Le conjoint survivant et les héritiers recueillent donc les actions, au prorata de leurs droits, et entrent dans la société, sous réserve naturellement du jeu des éventuelles clauses d’agrément prévues par les statuts. 


La lettre gestion du patrimoine

IFI et contrats d’assurance-vie : les non-résidents sont les perdants de la réforme

Philippe Emiel, PwC Société d’Avocats

Tous les contrats d’assurance-vie (en euros ou en unités de compte, UC) rachetables étaient imposables à l’ISF et ce pour l’intégralité de leur valeur de rachat au 1er janvier. Les contrats d’assurance-vie non rachetables souscrits après fin novembre 1991 n’étaient, quant à eux, imposables à l’ISF qu’à hauteur des primes versées par le souscripteur passé l’âge de 75 ans. Les bons et contrats de capitalisation (non anonymes) enfin étaient imposables à l’ISF pour leur valeur nominale (i.e. le montant des sommes versées par le souscripteur sans tenir compte de l’accroissement de valeur).

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