La lettre gestion du patrimoine

Avril 2018

Le principe de rattachement au patrimoine du constituant des avoirs en trust de l’article 885 G ter du CGI n’est pas une présomption irréfragable, selon le juge constitutionnel

Publié le 13 avril 2018 à 10h51

Guillaume Collart, PwC Société d’Avocats

Dans une décision QPC du 15 décembre 2017 n° 2017-679, le Conseil constitutionnel écorne quelque peu la rigidité du carcan législatif instauré en 2011 afin d’encadrer la fiscalité applicable en France aux trusts. La juridiction constitutionnelle admet, en effet, que le constituant d’un trust, ou le bénéficiaire réputé constituant tel que défini par la loi, puisse ne pas être présumé de façon irréfragable comme étant le propriétaire des actifs et avoirs placés dans ledit trust, pour les besoins de l’impôt sur la fortune.

Par Guillaume Collart, avocat, PwC Société d’Avocats

A titre de remarque préliminaire, la portée de cette décision rendue, en l’espèce, sous l’égide de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) est sans nul doute applicable au nouvel impôt sur la fortune immobilière (IFI) lorsqu’un trust – nécessairement créé en vertu d’un droit étranger – détient des actifs immobiliers situés en France. A cet égard, le nouvel article 970 du CGI reprend les termes de l’ancien article 885 G ter afin d’en adapter le principe au champ d’application de l’IFI.

Pour mémoire, les dispositions contestées de l’article 885 G ter du CGI intégraient les biens ou droits placés dans un trust, ainsi que les produits qui y sont capitalisés, dans l’assiette de l’ISF dû par le constituant du trust, ou de son bénéficiaire réputé constituant, et ce, quelle que fût la nature du trust irrévocable ou non.

Ce faisant, le législateur de 2011 réputait ce dernier taxable à l’ISF au titre des actifs et droits placés en trust, nonobstant les termes de l’acte de trust, au nom d’une présomption irréfragable apparaissant pour le moins arbitraire, dès lors qu’un trust n’emporte pas les mêmes effets en termes de dessaisissement du constituant selon qu’il est stipulé irrévocable ou non. Précisément, les biens placés en trust sont susceptibles de ne conférer aucune capacité contributive au constituant, selon les modalités de constitution du trust.

Par une décision du 25 septembre 2017, le Conseil d’Etat avait renvoyé au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité tendant à déterminer si la présomption irréfragable issue des dispositions de l’article 885 G ter du CGI ne portait pas atteinte au principe d’égalité devant l’impôt des contribuables.

Dans sa décision du 15 décembre 2017, le Conseil constitutionnel abonde dans le sens du législateur de 2011 en admettant que la présomption de rattachement au patrimoine du constituant des actifs placés en trust était nécessairement justifiée par «la difficulté inhérente aux trusts, de désigner la personne qui tire une capacité contributive de la détention de tels biens, droits ou produits». La disposition contestée n’est donc pas frappée d’inconstitutionnalité eu égard à l’impératif de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales.

La juridiction constitutionnelle nuance cependant son propos en émettant une réserve d’interprétation en ce que les dispositions de l’article 885 G ter du CGI ne sauraient, «sans que soit méconnue l’exigence de prise en compte des capacités contributives du constituant ou du bénéficiaire réputé constituant, faire obstacle à ce que ces derniers prouvent que les biens, droits et produits en cause ne leur confèrent aucune capacité contributive, résultant notamment des avantages directs ou indirects qu’ils tirent de ces biens, droits ou produits».

Conséquence directe de la réserve d’interprétation introduite par le juge constitutionnel : le constituant (ou le bénéficiaire réputé constituant) peut apporter la preuve de ce que le trust ne lui confère aucune capacité contributive afin de soustraire valablement à son patrimoine taxable à l’ISF les biens et droits qui y sont placés. Cette décision crée une brèche remarquable dans le dispositif voulu par le législateur de 2011 afin de réprimer l’utilisation des trusts par des contribuables résidents français ou la détention par de tels trusts d’actifs situés en France.

Cette réserve d’interprétation énoncée, reste à définir le degré de matérialité que la preuve rapportée à l’administration fiscale devra revêtir afin de justifier que les biens et droits placés en trust ne confèrent aucune capacité contributive au constituant ou bénéficiaire réputé constituant.

La production de l’acte de trust suffira-t-elle ? La réponse est a priori négative puisque le Conseil constitutionnel atténue sa propre réserve d’interprétation en indiquant que ladite preuve incombant au redevable de l’ISF ne saurait «résulter uniquement du caractère irrévocable du trust et du pouvoir discrétionnaire de gestion de son administrateur».

En tout état de cause, il est fort à parier que cette décision forcera l’administration fiscale à cesser d’ignorer l’existence juridique des trusts et les effets qu’ils produisent. Il incombera au constituant (ou bénéficiaire réputé constituant) de prouver que la relation juridique instituée par le trust relève d’un véritable dessaisissement obérant sa capacité contributive à l’égard des actifs qui y sont placés.

La pratique et l’issue des rectifications et contentieux à venir en matière d’ISF et de prélèvement sui generis de l’article 990 J du CGI le diront probablement.

1.  Bénéficiaire devenu constituant par l’effet de la loi fiscale au décès du constituant du trust.


La lettre gestion du patrimoine

Epoux en communauté et société

Philippe Laval, PwC Société d’Avocats

La pratique nous démontre que de nombreuses questions découlent de la détention par des associés mariés sous un régime de communauté de parts ou actions dans des sociétés, notamment à la lumière de plusieurs arrêts récents de la Cour de cassation, dont la jurisprudence semble aujourd’hui bien fixée en la matière.C’est l’occasion de s’interroger sur les diverses situations rencontrées, et sur les conséquences qu’il convient d’en tirer sur le plan juridique, au regard notamment de la fameuse distinction que fait de manière constante la jurisprudence entre «le titre et la finance», c’est-à-dire entre la qualité d’associé attachée aux titres d’une part et leur valeur patrimoniale d’autre part.

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